dimanche 30 mai 2021

Place au hasard !

En attendant d'avoir un peu avancé sur mon tri des tâches à laisser tomber (ça avance, c'est troooop bien !!), j'avais envie de revenir sur un sujet qui me tient à coeur : les méthodes pour donner la parole, créer une équipe ou un sujet à traiter ; et notamment le hasard, qui limite les biais ou simplifie l'organisation.

J'ai déjà parlé il y a quelques années du tirage au sort pour donner des sujets à traiter par les élèves : https://clairementdoc.blogspot.com/2016/03/les-vertus-du-tirage-au-sort-en.html et encore avant https://clairementdoc.blogspot.com/2012/10/la-pedagogie-bonne-maman-et-autres.html  

Voici un petit topo récapitulatif et mis à jour, étendu aux techniques pour donner la parole.

 

1- Tirer au sort le travail à faire

Voici quelques activités qui peuvent être tirées au sort :
- Titres de romans, thèmes de roman ou de documentaire, pour s’entraîner à trouver des livres au CDI, avec ou sans esidoc
- Noms d'auteurs pour faire des exposés sur les auteurs en 6e
- Sujets à trouver dans un dictionnaire ou une encyclopédie (papier ou en ligne)
- Métiers bizarres ou inconnus, pour faire des recherches dans les sites sur les métiers
- Trucs à trouver dans le site du collège, esidoc, le site de l’ONISEP (en vie de classe 3e en début d’année, re-découverte du CDI et des outils pour la scolarité et orientation)
- Il m'est aussi arrivé de faire un pot géant (il faut adapter le contenant à l'âge des élèves...) avec tous les sujets liés au CDI, pour que les anciens du collège (4e Segpa ou 4e section football) fassent visiter le CDI aux nouveaux, très nombreux dans ces classes, sans que j'ouvre la bouche, ou presque (règles de vie, les ordi, le prêt, les magazines, les clubs, le planning...).

Avec quoi ?
Cela prend le plus souvent la forme de bocaux à confiture avec des étiquettes bristol dedans. J’ai appelé ça la "pédagogie Bonne maman". Parfois ce sont des grandes étiquettes avec plusieurs choses à faire dessus.
Je partage ici avec vous quelques-unes de ces étiquettes. Je modifie tout le temps, certains fichiers sont des vrais chantiers.

De plus en plus, je rajoute la consigne sur chaque étiquette. Les élèves ne lisent pas les consignes sur les bocaux (vous vous en doutiez ??😂).


J'essaie de prévoir des couleurs différentes pour les différents sujets, ou les niveaux de difficulté.
C'est plus facile à ranger. N’imaginez pas que les élèves remettent les tickets dans le bon bocal !!
Par ailleurs, si c’était un livre à aller chercher, il vaut mieux ne pas remettre l’étiquette tant que le livre n’est pas rangé.


Quelques avantages très concrets de cette technique :
- Il n'y a plus de photocopies (gain de temps en aller-retour à la photocopieuse, et économies de papier)
- Lors de la découverte des classements et d'e-sidoc, les élèves ne sont pas tous dans le même rayon en même temps, cela aide à disperser les groupes
- Très adaptable : si un ticket est trop dur ou ne se révèle pas judicieux à l’usage, je retire juste le papier, je modifie sur l'ordi, et quand je réimprime (quand les tickets sont trop abîmés), le sujet pas adéquat disparaît.
- Cela évite de répéter les consignes : elles sont écrites sur les bocaux, les élèves n'ont qu'à les lire 

Quelques avantages pédagogiques de cette technique :
- Échapper aux consignes écrites et longues, et éviter de faire du trop « scolaire » (j'aime pas les fiches !)
- On est assez vite dans la tâche complexe, et j’aime assez ça
- Les élèves sont beaucoup plus actifs et impliqués dans la tâche : ils ont hâte d'aller retirer un autre papier, et cela les amuse de faire la queue devant le panier. Même les grands.



2- Tirer au sort les élèves

Pour quels usages ?
- Choisir qui va répondre à une question ou aller piloter l'ordinateur
- Choisir qui travaille avec qui.

Pour quels avantages ?
- Terminées les mains levées avant même qu'on pose une question. Terminées aussi les astuces des uns et des autres pour se faire oublier, ou au contraire attirer l'attention.
- Cela peut tomber sur tout le monde, donc tout le monde écoute
- On évite les biais : interroger celui qui sait / interroger celui qui n’écoute pas (ou qui semble ne pas écouter)
- On évite le « Comme par hasard » agressif de l’élève qui se sent visé, ou le « C’est jamais moi » du frustré
- Le côté ludique maintient l'attention et casse un peu l'image scolaire des activités

Les différents outils de hasard : dés, galets de couleur, cartes.
L'essentiel, c'est que ce soit ludique et que ce soit aléatoire.
Les professeurs qui n’ont pas beaucoup de classes peuvent prévoir deux bocaux par classe (le 2e pour y mettre les étiquettes déjà sorties) avec le nom des élèves, pourquoi pas en double d’ailleurs pour plus d’aléatoire. J’ai personnellement préféré des solutions qui pouvaient convenir à n’importe quelle classe, donc non nominatives, et un peu plus « rigolotes ». 

Les dés parce c'est le plus facile
J’ai toujours un dé avec moi (et un dé géant en mousse du temps béni où je faisais cours au CDI. Lancé à travers la salle, ça a son petit effet...)
La technique s'adapte à toutes les situations :
- Si on a des rangées de tables : on tire au sort la rangée, puis on relance pour désigner l’élève dans la rangée. Si on a moins de 6 rangées / 6 élèves et que le dé tombe sur le 6 : c’est le joker, on relance. Si on en a plus : pour éviter que des élèves se sentent à l’abri du tirage, on peut décider de lancer deux dés.
- Si on a des îlots : on lance le dé pour choisir l’îlot (on a défini un sens pour compter les tables et pour tourner), et on le relance pour choisir l’élève sur l’îlot (on a défini l’élève , l’élève 2…). Ou alors on donne la parole à la table, et ils se mettent d’accord.

Les galets pour se sentir en vacances
J’ai passé quelques après-midi à la plage à ramasser des galets de toutes les couleurs et/ou de même gabarit pour les peindre ensuite.
- Pour constituer une équipe ou un duo : à l’époque où j’avais des 5e en demi-groupe, j’avais un sac avec 12 galets de 6 couleurs différentes. La première chose que les élèves faisaient en arrivant était de tirer au sort leur équipe pour l’heure. Si on veut des équipes de 4, on change le contenu du sac. Et si on a un nombre impair d’élève, soit le dernier à tirer au sort choisit son équipe, soit on met un galet « joker » d’une autre couleur, qui choisit son équipe.
- Pour donner la parole de manière aléatoire : chaque table ou îlot peut avoir une couleur (c’est le cas pour moi, la couleur est déclinée dans le pot à crayon et matériel, la pochette de rangement). On tire soi-même un galet de couleur pour désigner la table qui devra répondre.
Soit la table doit se mettre d’accord sur la réponse à donner dans le cas d’un travail en équipe, soit je mixe avec un lancement de dé pour savoir quel élève répondra à la table.

 

Des cartes à jouer pour plus de sophistication
Pour créer des équipes, on peut utiliser un jeu de cartes pour créer des équipes, binômes ou plus grandes. Chaque configuration demande cependant une certaine organisation.
Pour créer des équipes de deux, à l'entrée de la salle, les élèves prennent une carte dans le jeu présenté, et s'installent sur la table où ils retrouvent la même carte, la 3e du paquet. On a donc l'équipe des 7, celle des Rois, des 10...
Si on veut créer des équipes de 4, il faut juste deux jeux de cartes, ou ne pas leur indiquer une table précise.
Et on peut laisser un joker si on a une classe impaire : l'élève Joker choisit son équipe
J'ai découvert l'astuce récemment, je n'ai pas encore eu l'occasion de la tester.  je le vois en variante des galets ou des dés à jouer avec des 4e-3e, si le professeur relié au projet n’a pas prévu de créer lui-même des équipes.


3- Le tirage au sort, ça ne marche pas à tous les coups

Si le travail nécessite du travail maison, il vaut mieux laisser les élèves choisir quels élèves pourront travailler en étude avec eux, notamment dans les classes avec des options.

De la même façon, si le travail s’étale sur plusieurs semaines, si cela suppose de partager des écouteurs aux ordinateurs, ou d’échanger sur un sujet lié aux réseaux sociaux, des atomes crochus entre les protagonistes est toujours mieux.
Je n'utilise le hasard que si c'est pour travailler sur une activité courte d'une heure ou deux.

Si le travail est évalué, il faut aussi tenir compte des biais du travail de groupe (l’élève qui ne fait rien, ou qui n’est pas en capacité d’aider). Mais c’est un autre sujet !!

Le tout est de veiller à ce que le « tout seul » ne se retrouve pas rejeté et choisi en dernier par défaut. En temps qu’ancienne « toute seule jamais choisie sauf sous la menace », j’y suis très sensible.
Quand je laisse les élèves choisir seuls leurs équipes, je permets en général dès le départ un travail seul ou à deux, quitte à forcer un peu en coulisses la création d’équipes en regroupant mine de rien deux « tout seuls » ou en en rajoutant un à une équipe « sympa ».



4- Autres méthodes que le hasard pour donner la parole ou maintenir l’attention pendant les réponses « des autres »


Pour ne pas lasser mon public😎, j'utilise aussi d'autres méthodes pour interroger les élèves à la fin d'une étape de réflexion (individuelle ou collective, cf ma méthode des 4 couleurs). Tout dépend du temps que j'ai, de l'implication que je veux créer (si je veux réveiller tout le monde, par exemple), du type d'activités. C'est rarement prémédité.

- Donner la parole à tout le monde, quitte à entendre plusieurs fois la même chose. Soit seulement ceux qui veulent parler, soit tous les élèves les uns après les autres. Cela valorise tous ceux qui ont cherché (ils sont souvent frustrés quand une seule personne a le droit de répondre). Par ailleurs, en cas d’erreurs de certains, une fois tout le monde entendu, ce qui reste dans l'air, c'est qu’il y a eu des réponses différentes, on se souviendra des proportions, mais personne ne pourra dire qui a dit quoi. L’erreur est invisibilisée pour la personne qui s’est trompé. La fois suivante, l'élève osera peut-être davantage tenter sa chance.

- Donner la parole à tout le monde (ou à chaque équipe), mais sans répéter deux fois la même proposition. Et on tourne jusqu’à ce que plus personne n’ait d’idée ou de réponse à proposer. En plus, des avantages précédents, cela oblige à être attentif lors de la mise en commun. C’est un niveau supplémentaire d’engagement.

- Les méchants jokers (pour jouer sur l'effet "meute d'ados"...)
👿
On interroge quelqu'un (avec ou sans hasard) et on annonce que les autres seront les jokers. Du coup, on fait d’une pierre deux coup : tout le monde écoute ce que l'élève dit, au cas où ils puissent le piéger et le mettre en faute ! Ils sont méchants, à cet âge !!
Parfait quand on veut mettre sur le sellette un élève qui n'écoute rien, se marre, se retourne. On peut en atténuer l'effet avec un peu de méta-cognition : « A ton avis, pourquoi est-ce que je t’ai fait passer ce test un peu vache ? »
Le pire pour les « victimes », c’est de les mettre sur ordi, à piloter la souris (ça, c’était avant le Covid !) : les autres savent, donc ils hurlent « mais c’est pas là qu’on clique !!! », « t’as rien écouté ou quoi ? ». Pas besoin de beaucoup métacogner (j'ai appris récemment qu'on disait métacogiter. C'est moins drôle...).
Du coup, si on ne veut pas risquer de mettre un élève en difficulté, connaissant ce biais dit de la meute adolescente, on préférera la forme suivante de joker !😂

- Les jokers bienveillants 👼
Pour que l'élève interrogé ne se sente pas aux abois, il faut que l'intervention des autres soit celle de sauveurs, pas celle d'accusateurs. On ne les fait intervenir que pour secourir l’élève interrogé, donc uniquement s’il ne trouve pas. Parfois, c’est une table qui est désignée comme joker.
Si l’élève interrogé se trompe, je le corrige tout de suite, sans attendre que les autres lui montrent qu'en fait, c'était teeelllement facile !! En valorisant au passage le morceau de la réponse pertinent ("C'est un peu ça, je vais compléter...").
Le plus possible, si j'ai interrogé un élève et qu'il ne sait pas, la première chose que je fais, c'est de l'amener vers la réponse, pour qu'il ne reste pas sur un échec. Donc soit je gère moi-même, soit je demande aux jokers de ne pas donner la réponse mais juste de trouver la manière de mettre sur la voie (et c'est un bon exercice !). S'il faut vraiment souffler la réponse, l'élève interrogé peut même répéter la réponse comme venant de lui, l'idée c'est que les mots passent par leur cerveau.


Cette année, je n’ai plus le CDI sous la main, donc plus de tables en îlot, plus de couleurs, plus de galets ni de pot à lait, plus d’ordi à partager.
Et bien je vous assure que ça change tout !!
Je n’arrive pas à créer de l’interaction, de la légèreté, de l’amusement. Heureusement, il me reste les 4 couleurs et les autres méthodes pour donner la parole, ça me sauve un peu.
Cela m’a fait réaliser à quel point les petites astuces qui pouvaient paraître anecdotiques étaient en fait la base de mon fonctionnement, l’assurance d’un bon déroulement et d’une bonne ambiance. Je me sens à la fois perdue
et bien trop sérieuse. C’est comme si j’avais perdu mon âme pédagogique. Vivement que je retrouve mon espace naturel de travail !

Avec des galets glissés dedans et bien secoué, c’est royal (et assourdissant) pour signaler la fin d’une activité ! J'ai aussi une écumoire dedans, qui me sert à pointer au tableau... C'est triiiiste, depuis le Covid ! Vous m'imaginez avec mon pot à lait dans les couloirs ? Ah, tiens, pourquoi pas après tout...

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