J'ai parlé de PIX ici : https://clairementdoc.blogspot.com/2020/10/pix-ca-va-rouler.html, où je pressentais déjà les ennuis à venir, pour nous mais surtout pour les élèves.
Et puis ici : https://clairementdoc.blogspot.com/2020/11/cest-partix.html, pour expliquer les modalités de présentation choisies pour notre collège, et les outils de médiation que j'avais créés.
Il faut croire qu'il y avait encore à en dire, parce que me revoilà.
J'ai vu beaucoup de classes, d'élèves en autonomie, j'ai reçu beaucoup de messages SOS d'élèves.
Je
commence à y voir plus clair, à la fois sur les difficultés pour les élèves (j'ai maintenant la preuve que j'avais raison d'avoir peur) et sur les avantages possibles pour l'enseignement.
Entre nous, ces avantages ne seraient-ils pas un chouilla tirés par les cheveux ? En route pour une randonnée capillotractée (j'avais mis balade avant de commencer à écrire, mais je cause, je cause...).
Tant que les collègues ne se penchent pas sur la question de manière "critique argumentée", je n'ai pas envie d’adopter trop tôt une attitude "favorable", qui leur permettrait de s'exonérer de cette réflexion critique.
Autant que les défauts leur apparaissent d'abord très clairement. On verra plus tard pour les atouts.
Pix n'est pas adapté aux besoins scolaires, il n'est pas fait pour. Si on s'en sort, si on s'en sert, ce sera pour limiter la casse, ou pour le détourner.
Hors de question donc de laisser entendre que l'outil est génial.
Avec les élèves, j'ai choisi de dire que c'était bien conçu, ludique, pratique pour voir où on en est de nos compétences numériques, mais pas adapté ni à un cours, ni à un élève, encore moins un élève dys. Qu'il ne faut donc pas se prendre le chou ou se sentir nul si on n'y arrive pas.
Hors de question de me transformer en "Madame Pix missionnée par le ministère". Je suis RNUP, avec ma liberté de pensée, pas référent Pix (qui n'existe pas, du coup), encore moins porteuse d'une parole officielle.
Hors de question de me transformer en "Madame Pix missionnée par le ministère". Je suis RNUP, avec ma liberté de pensée, pas référent Pix (qui n'existe pas, du coup), encore moins porteuse d'une parole officielle.
Pour autant, j'estime qu'il y a sans attendre une sacré réflexion à mener, en tant que profdoc et référent numérique. Voici donc ce que je peux en dire après une vingtaine de séances et quelques mois de recul.
Expliquer Pix aux élèves sans couper les cheveux en quatre ? Moi, je ne peux pas !
Cela prend au minimum 30 à 45 min par classe, sans compter la création des comptes si on veut aider les élèves à le faire, sans renvoyer cette étape délicate à la maison et à leur bon vouloir/pouvoir.
On pourrait imaginer qu'un référent Pix non profdoc soit
nommé, et que ce soit lui qui présente le site aux élèves, éventuellement rémunéré (avec IMP, à la condition de sacrifier une des autres missions pour lui faire de la place. Parce qu’évidemment, la couverture n'est pas grande, et une des réunions du conseil péda est dévolue à ce tirage de couverture, qui selon les années découvre les pieds des uns ou des autres).
On pourrait se dire que ce collègue va sans souci pouvoir intervenir dans les classes en plus de son service.
Et laisser faire, sans se faire de bile.
Ouais...
Allez, juste pour rire un peu, imaginons que cela soit possible, et continuons.
S'il ne peut pas intervenir dans toutes les classes, ce référent peut décider de déléguer aux PP le soin d'expliquer à leurs classes, avec le risque que les explications ne soient pas les mêmes dans toutes les classes.
A votre avis, qui fera le service après vente ?
Qui verra défiler les élèves sur les heures d'étude avec leurs difficultés, plantés aux différentes étapes du
processus ? Qui recevra les messages de SOS
des élèves sur Pronote et leur répondra le soir ou le week-end ??
En gros, et pour résumer sommairement la situation : à votre avis, qui va passer un temps de dingue en invisible et sans aucune reconnaissance, pour arranger le coup 15j avant la certification ? Suspens !!
Alors faut-il en tant que profdoc prendre en charge la
présentation, pour limiter la casse en explicitant au mieux le concept
de l'outil pour limiter le service après-vente, et donc notre charge de travail (et d'agacement et stress) future ? Ce serait d'une certaine façon un investissement sur l'avenir.
Ces élèves qui vont débarquer pour "faire Pix", cela ne vous rappelle pas ces diaporamas à faire sans consigne, ces recherches données à des élèves non formés, par des collègues méconnaissant les difficultés de ces exercices complexes ?
J'ai déjà eu l'occasion de le dire ici, je fais partie des profsdoc vaches : "Ah zut alors, tu ne sais pas faire ? Et bien demande au prof qui t'a donné le travail, et prend une BD en attendant". Point barre.
Je pourrais être tentée de faire pareil pour Pix. Mais quand il y a une certification au bout pour l'élève (qui n'a rien demandé à personne), on fait quoi avec sa conscience ??
Et peut-être que cela profiterait aussi à notre image, en nous donnant au passage une sorte d'"aura numérique". Je ne sais pas pour vous, mais moi, je ne cracherais pas sur une petite place au collège en ce moment. Alors vendre mon âme à Pix, pourquoi pas...
Étonnée par le bon accueil des profs, pour un outil qui tombe comme un cheveu sur la soupe
Cela m'a fait du bien, tous ces messages de remerciement.
Aucun temps n'a été libéré par le collège pour une présentation aux collègues (à part 5 min arrachées à un conseil péda l'an dernier), je n'ai donc eu que des emails pour passer les infos.
De toute façon, il aurait fallu une réunion d'1h, 1h30 pour le présenter de manière correcte. Plus que le nombre de minutes laissées aux infos liées au CDI en 10 ans ! Si on me donne un jour 1h, ça me ferait bizarre de l'employer pour Pix, je préférerais montrer esidoc, les préalables à une recherche doc, je parlerais document de collecte ou lecture durable...
Les collègues ne sont donc pas in-intéressés, plutôt fatigués qu'il y ait encore un truc de plus à faire, en plus du reste. Pas prêts à le faire eux-même, mais contents que quelqu'un le prenne en charge. Pas critiques de l'outil, juste de la "manière".
Mon discours est répétitif, pour éviter à la fois qu'on s'en désintéresse ou qu'on s'en sur-intéresse : "On montre aux élèves le concept, et ensuite, ils se dém... Pix, c'est pas notre boulot. Notre boulot, c'est l'informatique et l'EMI. Mais qui sait, peut-être que Pix pourra être un outil de motivation pour eux, et de bilan pour nous".
"Notre boulot, c'est l'informatique et l'EMI".
Répété à l'envie, façon "clin d'oeil-clin d'oeil" appuyé, mais sans grands résultats sur les projets menés. La lecture sélective des programmes, c'est de bonne guerre, avec la baisse des horaires disciplinaires et la multiplication des "bonnes causes" annexées au fil des années. Certains collègues ont l'impression de ne plus faire leur discipline qu'à 50% du temps, et sont dans des frustrations qui n'ont rien à envier aux nôtres.
Du coup, je suis ravie et soulagée que le protocole n°3 nous ait empêché d'arranger les PP en prenant en charge ces séances avec une collègue de techno en 3e et un de physique en 5e. C'est finalement fait à leur demande, en leur présence, et c'est bien mieux comme ça.
Ils entendent la présentation, et comprennent enfin en quoi ça consiste.
Effet Covid positif !!
Il faut arrêter d'essayer d'arrondir tous les angles.
Les soucis commencent donc pendant la présentation, mais vous ne le verrez qu'après, parce que sur le moment ils écoutent, posent des questions, participent lors des exercices de démo. Tout se passe à merveille, vous leur remettez leur tuto et partez confiant vers une autre salle, votre diaporama sous le coude.
Sauf qu'il n'y a pas de miracle Pix. C'est une cours comme un autre, avec ses déperditions d'infos, ses inattentifs, ses élèves perdus avec 3 consignes.
Et en plus, ce n'est pas obligatoire d'y aller après.
Souci 1 : quand on les laisse faire seuls la première connexion, ils risquent de ne pas le faire ! Chez nous, seuls 2 à 3 par classe se sont créé seuls un compte, y compris en 3e.
Souci 2 : s'ils ont commencé avec nous, ils n'y
retournent pas (25 parcours de découverte terminés sur 312 élèves lancés depuis 2 mois). Quelques accros prennent ça comme un
jeu, je les ai vus beaucoup la première semaine qui a suivi, et puis ils sont passés à autre chose. Ceux-là seuls feront les parcours suivants envoyés, je pense.
Souci 3 : une des explications du point précédent, c'est la difficulté à se connecter la 2e fois, souvent à cause de l'identifiant
Parmi les raisons de ces difficultés : des erreurs quand il y a des noms composés ou des double prénoms. Tout le monde ne rentre pas dans le moule " prénom.nom", et s'ils ne l'ont pas noté lors de la première séance (pour ceux qui ont eu la chance de le faire avec moi, ma liste sous le coude), ça bloque.
Mais surtout, ils n'ont pas la culture "tuto" ou "débrouillage tout seul". Compétences indispensables dans l'univers numérique, bon d'là de bon d'là !!
Sans coup d'oeil au tuto, comment pourraient-ils se souvenir qu'il faut rajouter leur jour (JJ) et mois de
naissance (MM) après leur prénom.nom ?
Et JJMM, ça ne leur cause pas des masses :
Les concepteurs avaient pourtant pensé à tout, puisque l'identifiant est indiqué en clair lors de la création du compte. Mais comment comment, ils n'ont pas lu, et pas noté, toutes ces infos ?? Ah ah ah, sacrés pixous...
Souci 4 : comme on pouvait s'y attendre,
ils oublient aussi leur MDP...
On n'a pas fini de rigoler !
Premiers exercices, les difficultés continuent, de quoi se faire des cheveux blancs !
Dans certaines classes de chanceux, le PP aura prévu un temps de connexion. Vous les aurez donc mis sur les rails, ils ont leur compte, il est rattaché à celui du collège, ça y est, on va pouvoir s'éclipser, la balle est dans leur camp, on s'en lave les mains. S'ils ne savent pas répondre, ils passeront, c'est le principe, on leur a tout bien expliqué. Voilà, voilà, ça va rouler !
Et bien, pour ceux qui arrivent à se motiver, et qui dépassent l'étape de la 2e connexion sans encombre, cela ne se passe pourtant pas tout à fait comme ça...
Et bien, pour ceux qui arrivent à se motiver, et qui dépassent l'étape de la 2e connexion sans encombre, cela ne se passe pourtant pas tout à fait comme ça...
On tombe un peu de haut avec nos belles séances EMI, quand on découvre que le principal problème des élèves, c'est qu'ils ne savent pas taper un @, mettre un accent circonflexe, centrer ou mettre en italique...
Cela fait des années que j'ai compris que s’ils tapent les mots sans accent, c'est qu'ils ne savent pas où ils sont sur le clavier. J'ai mis davantage de temps pour accepter qu'ils ne cherchent pas comment faire, mais c'est un autre débat...
Alors on fait quoi ? Plusieurs options :
- On leur donne la solution : c'est ce qu'on ferait si on était en cours, mais il ne faut pas, cf point suivant
- On leur dit de se démerder pour trouver, ils n'ont qu'à demander à Google (mon option. En plus, c'est pédagogique, hein, de chercher seuls !)
- On note les difficultés récurrentes et on organise collégialement des formations pour toutes les classes ? Oui, je sais, je suis drôle !
Je n'évoque même pas les difficultés liées aux consignes complexes, à la lecture. Ils ratent souvent pour d'autres raisons que la non-maîtrise de la chose évaluée. Frustrant, non ?
Et parfois, ils ratent parce que la question est pleine d'implicite, ou mal conçue. J'adore par exemple cette question sur les mots de passe. Pour évaluer leur connaissance des "bons mots de passe", on leur demande d'en découvrir un très raté (la date de naissance), et ils sont nombreux à ne pas trouver. La raison : mettre un MDP aussi ridicule ne leur serait même pas venu à l'esprit ! Croustillant !
Combien de collègues n'en auront pas conscience, et "feront Pix" en cours ?
C'est le plus grand biais de cet outil non pédagogique. J'en ai parlé dans le premier billet, et je n'ai pas changé d'avis.
Il n'existe pas d'exercices "pour du beurre", ce qui aurait tout changé. Donc des élèves de 3e se verront proposer lors de la certification des exercices d'un niveau élevé, atteint grâce à une forme de bachotage, qu'ils ne réussiront pas à reproduire rapidement et sans erreur. Et ils échoueront.
Pix est d'un usage individuel et autonome. On passe si on ne sait pas. Ou on cherche si ça nous amuse, mais seul et en toute connaissance de cause, sans y passer des heures, qui ne seront pas offertes le jour J.
Donc on ne "fait pas Pix", mais des séances EMI ou informatique, qui font partie de nos programmes à tous. Avec un avantage certain pour nos collègues : ils ont nos élèves en cours !!!
Il faut passer pas mal d'heures à faire soi-même Pix en tant qu'usager pour comprendre et se projeter avec les élèves. On ne peut pas obliger les collègues à y passer ce temps.
Il faut aussi un sacré moment pour discerner le champ du Pix tout public (celui sur lequel les élèves vont), et celui du PixOrga qui permet à l'éducation nationale de gérer ses élèves en vue de la certification.
Et alors que j'avais passé beaucoup de temps (euphémisme) à chercher des infos, poser des questions, je suis tombée totalement par hasard (et sur un compte pas officiel) sur cette incontournable fonction "faire remonter les profils pix" très utile pour vérifier en 3e, 1 mois avant la certification,
si les élèves sont certifiables, ou si un PP veut faire le point sur sa
classe : https://vimeo.com/460894426
Après coup, je me dis que j'aurais dû aller passer un peu plus de temps sur la Communauté Pix, où beaucoup d'infos et d'astuces circulent.
Cet univers impitoyable, qui va l'expliquer aux PP ?? Vont-ils fouiller tout seul ?
Derrière l'attractivité de cet outil "super bien fait", ne se cache-t-il pas des biais qui vont nous faire nous sentir un peu seuls, quand nous jouerons les Cassandre alors que tout le monde sera enthousiaste ?
Pensez donc ! Un outil qui fait tout, évaluer, apprendre, certifier ! Que demande le peuple ? Les profdoc, c'est jamais content, on leur donne des jeux et ça râle encore !
Objectif de l'institution : lancer Pix sans toucher à un cheveu du reste
Combien pourront suivre les élèves sur Pix pour vérifier qu'ils sont certifiables ? Il faudrait vérifier
qui s'est connecté, qui s'est avancé, où en est qui, et faire des
relances. Certains n'ont pas encore saisi la différence entre Pix et Pix Orga, et se connectant à Pix s'étonnent de ne pas y retrouver leurs élèves, alors on n'en est pas à leur faire remonter les profils Pix...
Pix est un outil de certification non pédagogique, alors est-ce vraiment dans mes attributions de référent numérique d'aider les collègues à le prendre en main ?
Ou est-ce que je le fais surtout pour arranger tout le monde, y compris les élèves, parce que je suis la seule à m'être vraiment penchée sur la question, et que je vois les dangers d'un usage pseudo-pédagogique ? Et que j'ai envie de glaner des miettes ?
L'enseignement de l'informatique,
de la culture numérique et de l'EMI ne seraient-ils pas un peu en danger avec cette aide de camp fantastix ? Pix, sauveur ou casseur d'EMI ? Un postiche, en fait !
Je suis un super bon outil d'apprentissage, je suis, je suis... |
Au-delà des difficultés induites par l'aspect purement technique de l'outil, les compétences
ciblées feront-elles l'objet d'un apprentissage réel EMI, ou d'une suite
d'astuces données aux élèves ?
Ou de rien du tout ?
Faut-il que les profdoc s'en emparent pour éviter ces biais ?
Pensez donc ! Un outil qui fait tout, évaluer, apprendre, certifier ! Que demande le peuple ? Les profdoc, c'est jamais content, on leur donne des jeux et ça râle encore !
Pix risque-t-il de supplanter les séances de
formation dans l'esprit des collègues, et peut-être même des chefs
d'établissements, et qui sait, des IPR ?
Faut-il hurler quand on entend "compétences Pix"ou rester zen ?
On ne fait pas de séance Pix pour développer des "compétences Pix",
menfin ! On met en place des "activités pédagogiques pour développer des
compétences informatiques et numériques, qui seront pour certaines a
posteriori évaluées et valorisées dans un outil national qui s'appelle
Pix".
Quelle réflexion y aura-t-il autour de cet outil ? Je pressens des formations "techniques" (Pix/PixOrga, lancement des campagnes, récupération des codes...) mais pas pédagogiques.
N'y-a-t'il
pas un risque qu'on fasse un peu semblant de croire qu'il va "former"
les élèves ? Parce que ça va arranger tout le monde !
Alors, Cassandre, peut-être.
J'espère me tromper, mais je vais quand-même prévoir deux-trois choses, pour parer au pire. Autant tenter de profiter un peu du double effet potentiel "Pix cheval de Troie" ("C'est dans Pix, mes amis !! Soyez tout ouï !") et "profdoc superhéros avec sa cape numérique". J'en reparlerai.
Objectif de l'institution : lancer Pix sans toucher à un cheveu du reste
Gageure : faire passer un "rien" pour une avancée majeure pour la formation des élèves. Sans réflexion, sans formation, sans petits sous en plus. Calme plat du côté de la pédagogie, pas même une brise.
Je viens d'être conviée à une réunion de formation "référent numérique" sur le thème du déploiement Pix.
Toutes mes excuses, mais pour le déploiement, voyez avec le référent Pix, adossé à une IMP Pix.
Toutes mes excuses, mais pour le déploiement, voyez avec le référent Pix, adossé à une IMP Pix.
Ah, il n'y en a pas ?
Et bien ce n'est pas mon problème, voyez-vous.
Moi, je ne suis que RNUP : Référent Numérique aux Usages Pédagogiques.
Votre formation, comment vous dire, elle me barbe, ça vous défrise ?
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