mardi 22 septembre 2020

Les heures d'étude à la mode Covid : entre Doctolib et Orthoptiste !

Dans mon collège, il a été décidé que les élèves en changeraient pas de salles. C'est nous qui bougeons, et les AED vont dans les salles faire étude.
On peut en accepter les inconvénients (innombrables, sauf pour les collègues sans matériel, ou très sportifs, ou ceux qui ont gardé leur salle spécialisée), si on sait que c'est provisoire.

Quand il n'y a pas assez de monde à la vie scolaire, les élèves sont mis dehors (vive le réchauffement climatique) ou tous en étude, en coupant si possible 6e-5e dans une salle, et 4e-3e dans une autre. Mais ils sont placés loin les uns les autres, avec interdiction de se déplacer.

Dans ce fonctionnement, il a été bien compliqué de voir comment insérer le CDI. Il était impossible pour moi d'envisager un système où je courrai partout pour voir si des élèves voulaient venir, ni de voir arriver à l'improviste des élèves à qui on aurait dit d'"aller voir si pas hasard"...

Il y avait urgence à trouver une solution.
Parce qu'avec un CDI fermé aux récrés et quasi fermé le midi
(pas de circulation libre dans les couloirs, et pas de brassage de classes), c'est la lecture sur place et les emprunts qui risquaient de s'effondrer. Il fallait donc trouver des solutions pour accueillir les lecteurs. 

Houlala, je vous met une dose de bouquins, vous êtes en sacré carence !

Pourquoi cela a posé tant de problèmes ?

D'abord parce que depuis 2014, nous avons un fonctionnement très carré et rodé, mais parfaitement incompatible avec le protocole actuel. Les élèves sont rangés sous le préau en 4 files : CDI (avec le planning affiché pour qu'ils voient si c'est ouvert ou pas), l'étude 1 (pour travailler seuls), l'étude 2 (pour travailler à 2 ou sur ordi) et le foyer (ouvert chaque heure d'étude). A la 2e sonnerie, chaque adulte en charge d'une salle (dont moi, donc, quand je n'ai pas de classe) se rend sous le préau pour récupérer sa file, et hop on y va.
Or, depuis la rentrée, la salle d'étude 2 a été prise pour une classe, le foyer reste fermé, les élèves d'étude sont un peu partout dans l'établissement. Exit notre organisation bien rodée.

Et aussi parce que je tiens à conserver la règle du non mixage des classes. Il est indiqué "quand c'est possible", et j'ai estimé que ça l'était.

J'ai testé une classe entière la semaine dernière, et je vous l'ai raconté, c'était juste ingérable. J'ai réalisé qu'au CDI, tout est contact, promiscuité, échanges. Pour ne pas avoir à leur dire de s'éloigner les uns des autres, ni de les surveiller sans pouvoir faire autre chose, la seule solution, c'est le groupe classe.

Or, impossible de savoir rapidement à quelle classe proposer en priorité, à moins de jouer les marchands de tapis dans la cour (flop total, les "grands" m'ignorent, les petits ne m'entendent pas derrière leurs hurlements), de sillonner les couloirs, d'aller quémander une info à une vie sco débordée, ou de dépouiller Pronote chaque matin en cata pour voir qui a étude régulière, qui a des profs absents, qui a le moins l'occasion de venir...

Les 15 premiers jours, je n'avais pas prévu d’accueillir les études, pour voir venir et m'organiser. L'annonce du protocole nous a été annoncé le lundi de la pré-rentrée, et conformément aux conseils de nombreux collègues, je n'avais rien préparé. Donc j'ai observé, et quelques idées sont venues peu à peu.
Très peu à peu.

 

La réservation Pronote pour donner un peu d'autonomie aux élèves

Du coup, vu la complexité de l'affaire, j'ai assez vite imaginé donner aux élèves la possibilité de réserver un créneau d'étude, pour leur redonner un peu d'autonomie et de "liberté" dans leur organisation.
Cela les oblige à vérifier sur esidoc si le CDI est disponible, et à m'envoyer un message. Un élève qui réserve suffit à faire valider la réservation pour sa classe.

Ainsi, je sais que tel jour à telle heure, je dois me rendre dans leur salle pour récupérer les volontaires. Le tout paisiblement et sereinement, et pas dans une sorte d'impro renouvelée chaque heure, chaque jour.

On l'a testé, c'est très pratique, et les élèves aiment l'idée. En plus, ça les oblige à mettre le nez dans Pronote, ce qui n'est pas inutile pour éviter les soucis de l'an dernier. Ces 15 premiers jours, c'est du bachotage Pronote intensif à tous les étages !

Pronote le nouveau Doctolib du CDI. On a même les RDV oubliés, tout pareil ! Mais c'est de ma faute, je fais pas de rappel SMS...

 

Des rituels aux couleurs Covid

Une fois au CDI, ils déposent leurs sacs sur l'étagère à cartables (s'ils ne les ont pas laissés dans leur salle, cela dépend des heures). 

Les carnets sont posés sur une table juste à l'entrée, les uns à côté des autres, pour l'appel Pronote.
Je ne souhaite plus manipuler tous les carnets 3 fois chaque heure (pour récupérer la pile, l'enregistrer sur ordi, les redistribuer).
Avec le profil profdoc, je peux créer un créneau Etude pour y inscrire les élèves qui sont susceptibles d'avoir étude à cette heure-là.
Tant que la wifi sur la tablette n'est pas encore opérante, je fais appel à un secrétaire-crieur-public qui me dicte les noms à haute voix (les autres, qui n'ont rien compris, râlent à chaque fois qu'ils entendent leur nom, "Quoi, qu'est-ce t'as ?" Pfff...).
Donc pas de statistiques de présents cette année, mais vu l'organisation et la fréquentation, ce n'est pas vraiment important, rien ne serait significatif.

Selon l'heure, je les emmène aux toilettes se laver les mains (c'est au bout du couloir sous le préau) ou on passe les mains au gel, et c'est parti pour l'heure.

La difficulté, c'est de ne pas oublier de les remmener dans leur salle avant la fin de l'heure, soit parce qu'ils ont leurs sacs à déposer avant la cantine, soit parce qu'ils ont emprunté un livre et n'ont pas leurs sacs, soit parce qu'ils ont cours (c'est chouette à vivre, vraiment, 1 classe/1 salle sans déplacements libres...).

Autant dire que les heures ne sont pas encore rodées, on y va doucement pour ne pas rater une étape dans les choses à faire, et il reste peu de temps pour eux ou pour moi, mais je pense que les habitudes peuvent venir vite. Il reste que les allers-retours, bien que formant la jeunesse, ne sont pas irréductibles, et qu'on passe vite 15 à 20 min en dehors du CDI par "heure" d'étude.


Quelles activités autoriser ?

Si le choix avait été de brasser les niveaux, j'aurais supprimé le travail aux tables pour les 4e-3e (les 6e-5e n'ont de toute façon pas le droit) et les jeux de fin d'heure, pour simplifier la gestion des déplacements, et donner une priorité aux lecteurs. Avec 10 places assises et une douzaine sur des bancs ou cubes, on est loin des 30 à 40 habituels sur heure d'étude.
Mais avec le choix du non brassage de classes, je me suis dit qu'avec au maximum une classe entière (et la plupart du temps moins, puisque ce ne sont que des volontaires), je n'étais pas obligée de limiter les activités, du moment que les élèves se relavent les mains après avoir touché à leurs affaires.

Ils sont peu nombreux, et de toute façon appartenant à la même classe, ce qui facilite la surveillance et les déplacements. Je peux les laisser libres de leurs mouvements, et s'asseoir côte à côte.

Je n'ai supprimé que peu de choses : l'espace autonome de méditation, la guitare et les Z (autant ne pas faire toucher 50 livres d'un coup aux élèves en leur faisant ranger les livres, hein !).
Et il n'y a plus non plus de salle d'oral, la salle de travail du CDI ayant été réquisitionnée pour une classe.

 

Autre formule, l'étude façon orthoptiste

Vous êtes déjà allés chez l'ophtalmo ? Vous voyez la dame (c'est toujours des dames, même sur leurs affiches pour présenter l'organisation du cabinet !) qui vient appeler "Mme Machin ?", et on voit Mme Machin qui prend ses affaires sous le bras, va se faire tester les yeux et revient s'asseoir dans la salle d'attente, laissant la place à "M. Truc ?"...

Et bien j'ai testé la même formule sur la dernière heure du soir, très chargée avec tous les transportés (oui, on dit comme ça maintenant, avant, on prenait le bus) et les élèves qui restent à l'étude du soir. La salle d'étude des 6e-5e est juste en face du CDI, de l'autre côté du couloir du RDC.
Je suis allée récupérer les élèves qui voulaient emprunter un livre (soit pour l'étude, soit pour chez eux), en passant en revue les classes une par une.

Qui veut un livre ?

J'ai expliqué le principe, et ensuite, j'ai commencé la litanie des classes, en précisant qu'il ne fallait pas que ça perturbe l'étude, qu'on allait faire les choses en silence et rapidement.
- "6A ?"
- 3 élèves lèvent la main, je leur fais signe, ils se lèvent, on traverse le couloir, on entre au CDI, gel sur les mains, choix de livres, emprunt, on retraverse le couloir, retour en étude
- "6B ?"
- "6C ?"
Idem, jusqu'à la 5H, en tout 30 minutes d'aller-retours pour une quinzaine d'élèves.

J'ai mis une boite de retour en étude s'ils ne voulaient pas les ramener à la maison. Et la prochaine fois, je commencerai par les 5H et je remonterai la liste.

Dans l'étude des 4e-3e, aucun volontaire (mais devant les copains, ça la fout mal, j'ai bien vu certains yeux un peu envieux), j'ai juste signalé qu'ils pourraient faire des réservations Drive via E-sidoc. Ah ah ah la bonne blague ! Les stat de prêt non plus, ne seront pas significatives.


Et ben voilà, cette fois, l'année Covid au CDI est lancée !
Ce qui m'a fait drôle, c'est que je pense que j'aurais pu encore attendre 1 mois ou 2 avant de prêter, accueillir... J'ai eu l'impression d'être dans une sorte de 4e dimension, comme si j'avais mis une cape d'invisibilité au milieu de beaucoup de mouvements, de stress, d'agressivité.

Les activités du CDI, présentées souvent comme centrales et fondamentales avant le Covid (parfois de manière un peu gênante, même), ont changé de statut depuis, passant après le reste des choses graves (voire ne passant plus du tout).

"Je suis sérieux, moi, je ne m'amuse pas à des balivernes !"

J'aurais d'ailleurs des scrupules à ramener ma fraise : "et sinon, pour les BD, vous avez une idée ?"

Mais les élèves en bonne santé s'en foutent, des priorités sanitaires. Ils restent des enfants qui veulent jouer, lire, s'occuper, et faire un peu semblant que le monde continue de tourner comme avant.
J'espère les aider à garder cette insouciance. Du même coup, je profite un peu de leur légèreté, et ça me fait un bien fou !!!

Alors, un CDI médicament, décidément ? Peut-être bien, après tout !

Vous reprendrez bien un peu de CDI ?

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je suis sidérée par ces contraintes imposées/auto imposées. En plein coeur de Paris on n'a eu aucune consigne et mis un protocole simple pour ne pas avoir de migraine ni finir épuisé et l'on est quand même...on a limité les capacités d'accueil (2 par table) mais tout le monde est brassé partout et tout le temps, manipulation de tout dans le CDI, juste 3 jours de quarantaine pour les prêts. et gel pour les mains à l'entrée, lingettes et nettoyage par les élèves des pc utilisés. On ne vit pas sur la même planète !

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    1. Tout part de la décision de la direction de ne pas faire circuler seuls les élèves, de leur affecter une salle, et de ne pas brasser les classes. Protocole très restrictif, mais peut-être nécessaire pour lutter contre la diffusion du virus.
      En attendant, d'autres problèmes de santé nous guettent, non anticipés, mais bien vécus par tout le monde. Il n'y a pas de bonne solution, et j'essaie de réfléchir le moins possible, juste de trouver un nouvel équilibre et une logique à la situation. Pour me remettre en route un peu plus sereinement.

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