dimanche 13 septembre 2020

Enfance, autonomie et sécurité sanitaire : mélange non miscible

Dans le billet précédent, je vous ai fait part de mes grandes difficultés à assumer matériellement la réservation esidoc ouverte à tous les livres, pour pallier la quasi fermeture du CDI. Je ferai une MAJ avec les idées trouvées quand ça aura un peu avancé.

Et encore avant, je vous avais détaillé mes premiers essais tâtonnants, avec mises à jour façon feuilleton.

Et bien, au vu de mes bêta-tests (crash tests, en l’occurrence !) de la semaine passée, avec quelques classes entières au CDI, j'ai fait également le constat vendredi soir que l'organisation que j'avais choisie pour les heures d'étude était absolument impensable.

La nuit (blanche) portant conseil, voici mon retour à la raison. 

Ouais, on n'est pas rendus, camarade !

Pour simplifier à la fois le présent et le futur "retour à la normale" (rien de pire que les changements de règles !) j'avais choisi au départ l'option la plus proche possible de la situation normale. Les seules modifs étaient :
- masque et gel
- pas de livres sur les tables où les élèves s’installent, pour faciliter le travail des agents le soir
- moins de chaises dans les espaces les plus fréquentés pour éviter la sur-population
- des crayons à usage unique pour le prêt autonome
- l'appel via Pronote (le profil profdoc le permet) avec une tablette connectée au wifi (le réseau du collège est sensé le permettre... j'ai demandé l'aide d'un technicien il y a une semaine, je ne bouge pas tant que je ne peux pas faire l'appel facilement), pour ne pas toucher les carnets, déposés sur une table à l'entrée.

Pour le reste, pas de modif : travail aux tables à partir de la 4e, circulation libre, pas de quarantaine pour les livres consultés sur place, jeu possible en fin d'heure (avec des boites qui tournent).

Bon, et bien il va falloir que je bouleverse davantage mon organisation, si je veux rester en bonne santé (Covid, mais pas que), tout en me préservant des moments de gestion.

En gros, ça donnerait ça :


 

Une "pause" de midi super chouette, mais un peu forcée

Si je mange à 11h30, et que je vais chercher deux groupes d'une douzaine d'élèves entre 12h et 13h30 pour les installer dehors (voir mon billet précédent), cela me fait passer 6h dehors par semaine.

C'est fort agréable à vivre, pour les élèves et pour moi. Mes collègues me regardent d'ailleurs d'un oeil attendri et amusé quand ils me voient passer sous leurs fenêtres, avec la marmaille qui court derrière mon parapluie, pendant qu'ils font leur pause de leur côté.
C’est drôle, je pense qu'ils n'ont pas compris pourquoi j'avais eu envie de les clouer au tronc du tilleul quand ils sont venus chercher 2 des 6 bancs (qu'on avaient nettoyés à la lingette avec les élèves la semaine dernière) pour aller manger dans un coin du jardin... J'ai été obligée de m'asseoir dessus pour qu'ils ne m'en prenne pas un 3e. Sinon, vous voulez pas venir m'aider à les surveiller pour me libérer un peu ? Non ? Bon ! Merci aux deux collègues qui ont proposé spontanément 🙏💕

Mis à part installer le matériel, puis les élèves, jouer les garçons de café et lire Je Bouquine, je ne peux rien faire d'autre (même pas manger, puisque je dois garder le masque). Habituellement, le midi c'est le moment où je m'occupe des retours, des changements de sélections, du rangement, parce que cela m'oblige à circuler, et du coup, je les surveille sans en avoir l'air.

On voit tout de suite le problème : si je cours d'une salle à l'autre pour mes cours, en ayant dû préparer en amont le panier avec les activités et objets nécessaires (et le gel !), et si je ne reviens au CDI que pour passer du temps dehors (ah oui, les surveillants m'ont suggéré de faire étude aussi dehors, comme ça je peux prendre plus d'élèves...), je vais vite me retrouver face à un retard de gestion phénoménal.

La solution, ce serait de faire acheter une autre table de camping (j'ai déjà emmené les deux miennes) pour que je puisse m'installer dehors avec un minimum de travail : désinfecter les crayons ou les couvertures des livres, par exemple. Au moins, ça ferait avancer le schmilblick. même si ça ne rangera pas les livres. Mais ce sont des choses "en plus", que je n'ai pas à faire d’habitude à une si grande échelle (même si je nettoie les couvertures à l'alcool des retours depuis 20 ans !).
Alors, vivement la pluie, hein ! Il n'y a pas que la planète qui l'attende avec grande impatience.

Oui, je sais, il y a sans doute aussi la solution de fermer le midi et de les laisser dans la cour. Monstres !

La gestion des études : entre autonomie de choix des élèves, temps de travail préservé, et sécurité relative

Pour les études, la seule solution que j'ai trouvée, à la fois pour ne pas sillonner les couloirs à la recherche de l'étude perdue, et pour donner un peu d'autonomie et de pouvoir aux élèves, c'est qu'ils réservent via Pronote un créneau d'étude.
Cela les obligera à consulter le planning du CDI via esidoc, et le cas échéant, à m'envoyer un message via Pronote. Une réservation vaut pour toute la classe, puisqu'une fois validée, les autres voient sur esidoc que le créneau est pour eux.
En cas de prof absent le matin, et donc d'étude non prévisible, je pense indiquer qu'ils peuvent venir me voir entre 7h30 et 8h au CDI, j'arrive tôt. Mais auront-ils le droit de remonter le petit bout de couloir ? Sinon, ils demandent à l'AED d'astreinte à la vie sco, qui me passera un coup de fil.
On verra si la mayo prend, et si l'utopie rejoint la réalité. Gardons la foi !

L'idée, c'est que je sache à chaque début d'heure dans quelle salle je dois aller : soit pour aller faire cours, soit pour aller récupérer les volontaires de la classe inscrite. Sans organisation carrée, je stresse. Je ne supporte pas l'impro, ni les élèves qui débarquent façon "ils ont étude, vous pouvez les prendre ?". Cauchemar !

Si personne n'a réservé, je ne sais pas encore si je reste au CDI bosser (le mieux pour moi), ou si je demande à la vie scolaire qui a étude (le mieux pour les surveillants, et aussi pour les élèves, soyons honnête). Un mix des deux, sans doute, pour m'adapter à mon état de fatigue.
Je peux aussi couper la poire en deux, et proposer juste un aller-retour pour emprunter, avec retour en étude. Ouais, c'est bien, ça ! Pour preuve, la suite !

Une fois au CDI, les choses se corsent, comme je l'ai vu cette semaine.
A tel point que je me demande si 24 comme je l'avais projeté (et testé cette semaine) ce n'est pas 2 fois trop !! C'est potentiellement la classe entière (et oui, on a échappé aux classes à 30 cette année, par le jeu du hasard, mais ce n'est que partie remise).
Je me suis sentie dépassée, moi qui suis pourtant habituée à 40 par étude, 50 aux récrés ou 70 le midi. Ce n'est pas qu'ils ne sont pas sages. C'est qu'ils touchent à tout, circulent, se causent et conciliabulent (sans masque), se mettent dans tous les petits coins du CDI. Ils m'ont même récupéré des mangas que j'avais laissé de côté sur mon bureau, allant jusqu'à soulever mes piles. Je les aurais avoinés en temps normal, mais là, je fais quoi (en plus de les avoiner) ? Je laisse mes piles en quarantaine ?

On ne peut quand-même pas leur en vouloir ??


Aux innocents les mains sales

Mais vous me direz (et on me le dit !), "ils n'ont jamais eu les mains aussi propres avec tout ce gel. Ils n'ont aucun risque de l'attraper".

Les mains propres, ça ne se capitalise pas ! Se laver les mains 10 fois ne suffit pas à se protéger la semaine ! Tu touches ton nez malade ? Et ben tu as tout dépensé !

"Et de toute façon, dans le bus, ils s’assoient côte à côte."
Ouais, mais pas à côté de moi !

Je compte pour du beurre, décidément, dans cette tambouille covidesque.
Je touche à tout, moi, au CDI ! C'est vrai, je ne cours aucun risque, puisque je suis une très bonne élève avec mon masque. Mais quand-même, je deviens parano et je n'ose plus toucher à rien, ni m'approcher d'eux.

"Et puis ça ne s'attrape pas par contact."
Ah ! Alors j'aimerais bien savoir pourquoi on doit se geler les mains dans tous les magasins et bibliothèques ? Il y a une mutation du virus à l'entrée des collèges, en passant sous les fourches pédagogiques ?

Et le gel, on en parle ? C'est 1 coup sur la main droite (que j'essuie sur le pantalon parce que ça colle), 1 coup par terre (parce qu'on va vite et que l'élève n'était pas devant mon pschitt), et ouf, 1 coup correctement mis (juste avant de se mettre les doigts dans le nez...).

Bon, au vu de la situation, j'ai décidé que je les emmènerai le plus souvent possible se laver les mains aux toilettes, quitte à ce que ça prenne 5 minutes (enfin, 10 !). Les lavabos ont été désaffectés dans le nouveau protocole (trop long à gérer), et les élèves ne se lavent finalement plus les mains comme il faut, ce qui est un comble.
Cela n'évitera pas les doigts dans le nez, on est d'accord, mais je gère la crise, hein !

Souci, j'ai réalisé que s'ils touchent à leurs cartables et trousses après, et bien, ça va faire cher les 10 min de perdues à les attendre sous le préau !
Donc je suis pour l'instant sur deux options :
- Les sacs restent dans les salles, je vais chercher les élèves les mains vides, et donc terminé le travail aux tables, même en 4e-3e (ça a ma préférence très nette)
- Ou alors je leur demande de se relaver les mains entre le travail aux tables et la lecture. Cela induit qu'ils me demandent systématiquement l’autorisation avant de se lever. Vont-ils le faire ? Et vais-je le supporter ?
Pas encore tranché à 100%. Peut-être l'objet d'un futur crash-test, mais je vais d'abord tester la version sans cartable, donc travail aux tables.

Autre source de désarroi organisationnel (j'ai vu passer toutes ces options chez les collègues qui twittent !), les livres consultés sur place sont :
- choix 1 : pris librement sur les étagères et les bacs (après accord de se lever). Mais j'ai vu vendredi qu'ils touchent à tout, alors faut-il limiter le temps debout (au bout 4 min, leur chaise s'autodétruit) ou leur attacher les mains dans le dos (on touche avec les yeux !) ?
- choix 2 : demandés et amenés par moi (ben voyons !)
- choix 3 : choisis uniquement sur les tables et présentoirs de sélection (+ peuvent m'être demandés à la marge)
- choix 4 : pris librement mais laissés dans des caisses de quarantaine ensuite ?

Je peux choisir l'appel à un ami ??

 

Les prêts

J'ai bien vu que je suis parfaitement incapable de dire à un élève : "tu peux prendre le livre pour la maison, j'ai bien fait attention, personne n'a mis de virus dessus !"
Donc, je rajoute des précautions par-ci par-là (et donc je mange du temps) : nettoyage à l'alcool des prêts en drive, affiche pour proposer aux emprunteurs sur place de me demander de leur nettoyer leurs livres. En croisant les doigts pour qu'effectivement le gel approximatif suffise, et que tout cela se révélera inutile dans de futures études scientifiques. Ou la satisfaction d'avoir œuvré pour l'immunité collective de notre jeunesse, avec effets collatéraux pour moi.

Pour le reste, j'en parle une autre fois.
Tout est problème.


Déplacements contraints, activités limitées ?

Si les 4e-3e ne pouvaient plus travailler aux tables, si je devais les placer et qu'ils doivent tous me demander avant d'aller chercher un livre, s'ils ne pouvaient plus papillonner d'un livre à l'autre et devaient se contenter d'1ou 2 livres par heure, si je réserve les jeux pour la pause du midi (parce que déjà, gérer les quarantaines des jeux du midi, je vous laisse imaginer !! Je suis perdue entre les boites "neuves"et les boites à laisser reposer), il ne resterait plus grand chose de l'esprit du CDI tel que je l'ai bâti, mais on fera ce qu'on pourra.
Ce qui est certain, c'est que l'espace autonome de méditation, les Z et la guitare, c'est entre parenthèse. Pour le reste, je vais tester des formules pour qu'on y trouve notre compte avec le maximum de sérénité.
Le plus important, c'est de ne pas être responsable d'un trou dans la raquette "gestes barrières".

Et je compte bien sur la magie de la lecture pour leur faire oublier tout le reste... 

ô un livre !!!!
 

Ah, la lecture, justement !
Imaginons 12 élèves par heure, 7h par jour (sans compter le midi), 2 livres par élève (c'est 3 fois moins qu'en temps normal dans mon collège de zébulons masqués) : 168 livres par jour dans la potentielle caisse de quarantaine !

Ah ah ah, la bonne rigolade !!
Il va bien me falloir mes 6h de "pause" du midi pour désinfecter tout ça !

Sinon, vous, ça va ??

1 commentaire:

  1. Bonjour.
    Merci pour cet article, moi aussi je suis perdue dans mon CDI. Même constat, j'ai péché par excès d'optimisme, mais que faire, que faire. Tant de questions sans réponses ces six derniers mois. Merci pour le partage des questions, c'est déjà beaucoup. Et quelques esquisses de réponses. Bon courage !

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