lundi 13 avril 2020

Au milieu de tout ce numérique, où est le profdoc ?

Et bien, il erre dans les couloirs en criant : "Ohé les gens !" mais pas trop fort pour ne pas se faire enguirlander et entendre "Oh, on bosse, là !"
Comme d'habitude, en fait, non ?

 
Mardi dernier, à la fin de la visio à 68, un de collègue m'a remercié dans le chat d'un "merci à la dame du CDI".
Je savais même pas qu'il en restait un de vivant, de collègue à m'appeler comme ça !
Du coup, j'ai rien dit, j'ai juste regardé les messages des autres, et parmi les petits mots gentils et les merci, il y avait "merci à notre super référent numérique".
Elle, elle avait tout compris !

Depuis 4 semaines, j'endosse ma casquette de référent numérique quasiment H24 (puisque je rêve numérique...), et je peine à me sentir profdoc.
Une dame du CDI sans CDI, ça resterait juste une dame, du coup. Avec le chignon.
Un référent numérique confiné, ça devient un référent numérique débordé.
Mais un profdoc sans CDI (mais pas sans élèves), c'est quoi ?

J'ai déjà tenté de répondre à cette question dans mon premier billet de confinée. Les pistes se profilent, et j'aurais été contente que le confinement dure un peu, comme ça, j'aurais peaufiné les solutions !!
Quand ce ne sera pas un virus, ce sera les moustiques, il faudra être prêt.
Je poursuis ma réflexion ici, ça me permet de lever le nez du guidon et de prendre un peu de recul sur la situation.



Le piège de la profusion des nouvelles ressources gratuites


Ma double casquette m'a protégé du burn out face à l'afflux des ressources numériques "nouvelles" et surtout, "gratuites" :
- J'ai l'habitude de chercher, tester, évaluer, diffuser
- Je connais déjà les ressources, notamment institutionnelles
- Je travaille tout le temps avec des élèves sur ordi en cours
- J'ai l'habitude de les voir faire leur "travail maison" au CDI, parce qu'ils n'ont pas de matériel à la maison, ou parce qu'ils ont besoin d'aide
- Je garde en tête les usages pédagogiques documentaires, d'aide aux élèves, ou de modes de travail, collaboratif ou pas.

Donnez-moi une souris, je suis votre homme ! (ça le fait moins avec "femme", non ?)

Le temps passé en tant que référent numérique n'est donc pas perdu pour mon travail de profdoc. Je n'arrive d'ailleurs pas à dissocier les deux missions, ni à imaginer comment je ferais si je n'étais plus référent numérique. La même chose sans les sous ?

Donc depuis 4 semaines, c'est un peu un jour sans fin. J'essaie de savoir où sont les besoins (ils me sont peu communiqués, c'est donc un peu par hasard que je les identifie, ou par anticipation parce que je me doute un peu), je synthétise, je diffuse.
Et je recommence.
Ma veille Twitter est fondamentale, entre deux messages démoralisants sur la situation sanitaire et/ou politique, je vais de découvertes numériques en découvertes numériques. Et il sort tous les jours des nouveautés, qu'il faut tester, évaluer, classer, diffuser.
Une fois testés et validés, je diffuse les infos aux collègues : soit directement en ciblant les collègues potentiellement intéressés, soit sur le padlet. Et je fais une récap de temps en temps envoyée à tous, où je liste les nouveautés rajoutées depuis le dernier message.
J'en envoie le moins possible pour ne plus recevoir de message de lassitude plus ou moins gentiment exprimée...

Rien de nouveau par rapport à ce que je fais d'habitude, donc, sauf que mes collègues sont, pour certains, plus demandeurs, et que mes recherches trouvent plus souvent un public. C'est donc un peu plus valorisant pour moi.

Mais les collègues eux-aussi testent, et parfois se noient. Quand une collègue a tenté de télécharger les logiciels d'une maison d'édition qui, comme tant d'autres, venait de lâcher ses forfaits, et que son ordinateur a planté, j'ai décidé de leur transmettre ma méthode :
Voici mon avis personnel :
- Ce sont des ressources qui sont payantes d'habitude, qui vont donc le redevenir
- L'accès n'y est pas aisé ni pour nous, ni pour les élèves
- Il y a des tas de ressources pédagogiques gratuites durablement, avalisées par l'éducation nationale, et on n'aura pas assez d'une vie, même de confinés, pour en faire le tour. Avec le CNED, Lumni et quelques autres, dont vos éditeurs habituels et leurs manuels numériques, on a déjà de quoi nous occuper.
- Et ce n'est vraiment, mais vraiment pas le moment de planter vos ordi avec des logiciels à télécharger !

Pour résumer, fuyez :
- tout ce qui est payant d'habitude (sauf si le tarif et la qualité du service rendu peuvent justifier un futur investissement)
- tout ce qui nécessite des inscriptions pour les élèves. Il faut qu'ils puissent y accéder via des liens directs (sauf le CNED, évidemment)
- tout ce qui nécessite des téléchargements et des installations sur nos ordinateurs si précieux, pour vous comme pour les élèves
- tout ce qui est trop compliqué, sauf si ça vous fait plaisir 😉


Les élèves en difficulté avec le numérique, ou avec l'écrit, ou avec l'ordinateur (ou les trois)


Ils sont à la fois présents et absents des discours. On en parle parce que c'est une préoccupation des enseignants, des syndicats et associations de parents, mais on arrête d'en parler dès qu'il s'agit de faire des généralités dans la presse ou au ministère : "l'enseignement à distance, ça marche, les profs se sont lancés avec enthousiasme, on touche pas mal d'élèves, les familles aident beaucoup et s'impliquent. C'est une fabuleuse avancée pour l'école, et l’enseignement numérique ! Gloire au confinement, on saura en tirer toutes les retombées positives !"
Cherchez l'auteur...

Je suis étonnée (et croyez bien que je saurai le rappeler en son temps, quand on aura repris les réunions sur l'inclusion obligatoire des élève à BEP dans nos classes) qu'on oublie assez vite de se pencher sur leur cas.
Vous l'avez vu passer, vous, la formation obligatoire à ces outils d'inclusion ?
Vous avez vu passer des instructions (à part des listes de liens vers des sites qui existaient déjà) ? Ah si, un doc pour l'ArtPla. Sur Eduscol, le lien "école inclusive" mène au chapitre général sur la continuité péda.

Plus généralement, vous avez reçu des instructions ou des formations sur le travail maison (ce qui est strictement la même chose que l'école à la maison, mais en moins pire) ou sur les spécificités de l'enseignement à distance ? 
Autres que des listes de ressources, je veux dire.
MAJ 15 avril et mea culpa : j'ai trouvé ça sur Eduscol en revérifiant ce matin. Et j'ai vérifié ma messagerie, il a été envoyé aux établissements une semaine après le début du confinement (tout était déjà en place chez nous), mais nous n'avons eu que les docs pour les classes à examens, pas les autres. C'était un simple transfert pour info du secrétariat. Et tous les secrétariats ne l'ont pas transféré.
Il y avait pourtant des pistes intéressantes pour une direction, pour guider le travail de ses équipes.
Qui l'a vu, qui l'a lu ? Et pourquoi un envoi une semaine après le début (1 semaine et demi après l'annonce de l’arrêt de l'école, et l'indication comme quoi tout était prêt) ?
Bref, on ne va pas rejouer le confinement, ce qui est fait est fait.

Comme c'est une préoccupation qui ne m'a pour ma part pas quittée avec le confinement, parce qu'elle fait partie de mon quotidien au CDI et que je ne me sens pas au point, j'en ai profité pour suivre une formation Magistère sur le numérique pour les dys.
J'ai testé tous les outils présentés, et j'en ai cherché d'autres. J'ai fait une synthèse à ma sauce, par rapport à ce que je pensais utile à mes collègues, et mes élèves : s'enregistrer ou permettre aux élèves de s'enregistrer sans audacity ; entendre à l'oral des consignes écrites...
Et selon la méthode désormais éprouvée, j'ai diffusé le document par email, et mis sur le padlet des profs.
J'ai eu un seule retour, une collègue de langue qui s'est enregistrée pour ses élèves, et leur a demandé de le faire en retour.
Qu'à cela ne tienne, j'ai décidé que je présenterai désormais un outil par séance au CDI, comme un rituel, afin que les élèves puissent s'en emparer tout seuls.

J'ai depuis découvert plein d'autres ressources, j'ai commencé à fouiller. Ce padlet là me plaît bien, par exemple.

Je pense que les collègues ont compris qu'il faut former les élèves à Pronote, et pas seulement leur dire d'y aller. Il faut l'utiliser avec eux. Et qu'il faut se poser clairement la question de l'équipement à la maison, de la disponibilité du matériel au collège (et pas que au CDI ou en étude, même si on a beaucoup avancé depuis quelques années). Et peut-être aussi un peu du travail maison (ou travail étude, ce qui revient au même).
C'est quoi, déjà, un voeu pieu ? Allez, on y croit !
Je doute. Et vous ?

Sortir du numérique avec la télé


Que faire pour les élèves sans ordinateur, sans connexion, sans téléphone ? Ou qui en ont peu pour tout le monde ? Parmi les pistes, il y a la télévision.

Depuis le lancement de Lumni, je dépouille donc toute leur programmation TV.
J'utilise la gille de programmes de France Télévision, dans laquelle il est très facile de circuler.
Et pour être fidèle à mes principes (pas de pub mensongère, là comme pour la lecture), j'ai testé les émissions Lumni et les autres, avant d'en parler.

Tous les dimanche après-midi, je diffuse à tout le monde via Pronote une sélection "programmes TV en direct".
 
J'ai suggéré que les programmes soient donnés par téléphone par la personne qui suit ces élèves. Mais c'est un peu un message à la mer, la liste de ces élèves n'est pas communiquée officiellement, et je n'ai pas de retours.
Cela peut aussi s'adresser aux élèves qui pourraient avoir intérêt à varier les supports. La liste des sujets traités est maintenant connue à l'avance, mais je ne sais pas si les collègues la regardent pour leur donner des conseils du type : "tiens, cette semaine, vous pourriez regarder le Lumni sur la guerre froide".

Là aussi, je diffuse à l'aveugle, en anticipant les besoins, et en croisant les doigts pour que ça serve. Donc, j'en tire la conclusion qui s'impose, parce que je suis très lucide : ça ne sert sans doute à rien.


Lire en confinement ?



Depuis le 1er jour, il y a sur le padlet spécial confinement des élèves des livres à lire en ligne, à écouter en ligne, les tutos pour transformer son téléphone ou sa tablette en liseuse, et les infos ont été diffusées à tous. J'en ai parlé dans le 1er billet de confinement.
Et parce que je n'avais aucune illusion non plus sur son utilité, dès que j'ai eu des créneaux, j'ai donné en 6e et 5e le travail à faire : "lisez un des livres proposés sur le padlet".
Je ne suis pas dupe non plus sur l'efficacité de cette "obligation morale", que 4 à 10 élèves par classe vont faire. Mais "obliger" les élèves à y mettre le nez, c'est finalement l'équivalent de leur présenter des livres en début d'heure, et je ne me pose pas forcément la question à chaque fois du nombre d'élèves qui m'écoutent...

J'ai entendu que les parents étaient démunis pour faire lire leurs enfants.
Vous savez quelle astuce la surveillante a donné aux parents, et qui a fait dire aux parents "ô mais c'est une bonne idée, ça !" ?
   Lire avec eux, ou lire en même temps qu'eux.
Mazzoni, la stupéfaction
Bon, ben ça m'apprendra à chercher mille solutions. Et c'est à garder aussi dans un coin de la tête pour après.

Du coup, on a créé une affiche avec cette AED, pour l'envoyer aux parents, avec ce genre de conseils de bon sens. C'est une AED qui se destine à l’enseignement de l'art pla, elle a créé le visuel. On enverra l'affiche par le même biais d'information que les autres messages qui n'ont pas été vus.
Voilà.


Faire club en confinement ?


Sur les créneaux récupérés avec (presque) toutes les classes de 6e et 5e, j'ai surtout posté des activités qui les obligent à aller voir le padlet des idées d'activités.
J'ai sorti un premier journal des confinés, à partir des réponses que j'avais eu au thème "ouvrez la fenêtre, écoutez les oiseaux".

J'ai également aidé la même AED à monter un petit défi dessin, à son initiative, pour recréer un peu de lien entre les élèves et le collège : "la vie scolaire vous met au défi". On a eu tout de suite des réponses, et il y a des interactions sur le padlet, c'est vraiment une idée sympa.
A la fin des 15j de défi, on a eu 11 dessins. Pas de quoi pavoiser non plus.

Avant le confinement, on avait démarré de la sophrologie avec 19 élèves, sur des créneaux du midi ou du soir. On a donc proposé de continuer de se voir à distance, d'autant que les élèves ciblés avant pouvaient en avoir encore plus besoin. Six élèves viennent en visio. Pas de réponse de la plupart, et de la part d'une élève de 3e : "je suis débordée, j'ai trop de travail".
Du coup, y'a de place pour nous (CPE, AED et moi), et ça nous fait du bien.

Vivement qu'on reprenne l'école pour qu'ils aient du temps libre et que j'aille les choper sous le préau, ou qu'ils viennent se mettre au chaud ou au frais au CDI. Au moins, on pouvait faire semblant qu'ils avaient envie de venir...
Comme je m'ennuie quand même un peu, j'ai décidé d'ouvrir le CDI virtuellement pendant les vacances, deux fois par semaine, pour faire une sorte de portes ouvertes. J'ai besoin de croiser du monde ! Je n'aurai sans doute personne, mais tant pis, si je touche deux élèves (MAJ 15/04 : ils étaient 3, mais sont restés à la porte, le réseau était tellement mauvais que la connexion ne s'est pas faite...), et bien ce sera toujours ça.
Alors, je note, club à 11h, padlet sur la plage...


Et la dame du CDI dans tout ça ?


J'ai ramené des tonnes de livres à couvrir, mais je ne me suis pas encore organisée pour le faire. A la fois parce que j'ai été très occupée par le reste, et aussi parce que déjà qu'en temps normal ça m'enquiquine, alors là, j'ai vraiment du mal à m'attaquer aux piles !
Ah, mais c'est mon affiche, ça !! Je vais la mettre partout dans la maison.
Je pense que je vais quand-même me forcer à m'y mettre pendant ces vacances, ne serait-ce que pour ne pas leur refaire faire le trajet à l'identique dans l'autre sens, ce qui me minerait le moral. Autant que ça ait servi à récupérer du retard.

Et l'époque où je me demandais si je pourrais installer BCDI pour saisir des livres, c'est de l'histoire ancienne. Rigolons !


En conclusion


Alors, à votre avis, elle est contente, la profdoc qui se cache sous toutes ces casquettes de confinées ?
Mouais, je suis bien d'accord avec vous, c'est pas de ouf.

J'en reviens à mes précédentes conclusions : comment être profdoc à distance sans élèves rattachés dans Pronote, sans projet inter-disciplinaire, sans réunion pédagogique (et oui, à distance, les élèves à BP, les projets inter-disciplinaires, tout ça tout ça, ça disparaît. Déjà que) ?
J'en suis réduite à tenter le péri-scolaire et l'aide technique. Avec le succès qu'on a vu.

Mais finalement, en toute honnêteté, qu'est-ce qui est si différent qu'avant ? Est-ce que les élèves écoutent et comprennent pendant les séances ? Quelles sont leurs motivations pour venir au CDI si celles-ci ne résistent pas au fait de ne plus passer devant ou de ne plus y croiser les copains ?
Qui regarde nos sélections sur les tables ? Qui lit nos affiches ?
Cela fait des années que j'ai arrêté de me bercer d'illusions, je ne suis donc ni triste, ni étonnée.
Premier enseignement du confinement : rester humble sur notre impact sur les élèves, en temps "normal".

Alors la première vague numérique étant passée et les choses se calmant un peu, je vais peut-être pouvoir me pencher sur la pédagogie documentaire à distance. C'est sans doute là que je trouverai le plus de satisfaction professionnelle. Comme d’habitude, donc.
Je vais commencer par transformer une séance que je devais faire en présentiel avec la CPE sur les traces, l'identité numérique et la e-reputation en 5e.
Et aussi comment créer un avatar pour mettre sur la classe virtuelle, si on ne veut pas se montrer.
Mais je ne suis pas formée à ça, je passe donc beaucoup de temps à lire et chercher, pour ne pas faire d'erreurs et pondre une activité que personne ne saura faire.
Il y a déjà des élèves à me dire "j'ai pas compris ce qu'il y a à faire" quand je dis qu'il faut ouvrir la fenêtre et écouter, ou qu'il faut découvrir le padlet des confinés et choisir une activité". Alors je préfère réfléchir avant de leur poster un truc qui serait juste transposé, et pas créé pour. En présentiel, je n'ai quasiment jamais d'écrit, c'est donc un gouffre que j'ai à franchir.
On se la pose, la question de ce qu'ils comprennent, à distance, ou on fait semblant que ça marche ?

Comme je déteste bosser pour rien, je vais m'arranger pour pouvoir réutiliser les autres années toutes ces activités à distance, pourquoi pas en imposant l’année prochaine des séances documentaire à distance (mais qu'ils peuvent faire au CDI), puisque je peine à me faire donner une place dans les EDT.
Profdoc confinés ou pas, on sera toujours des profs à part, ne nous faisons aucune illusion, les amis !

2 commentaires:

  1. que de réflexions et de questions !!! à quand un essai sur Ma vie de prof doc ?? avec avant le confinement, pendant le confinement et après le confinement.
    Garde le moral,pour moi Cpe et en tant que personne, la prof doc me fait du bien, m'oblige à me poser des questions, à remettre les idées en place, à me ressourcer et continuer à apprendre. Nous devrions avoir tous besoin d'une prof-doc. Pour moi la question ne s'est jamais posée car la réponse est dans hésitation OUI. Allez continue de bosser et d'écrire.

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    1. Merci !!! Ils ne t’embêtent pas trop, alors, mes questionnements sans fin ?
      Merci d'être toujours là pour moi (*‿*✿)

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