Il y a deux ans, et dans un autre monde, j'ai écrit : "Le volontariat, ce n'est pas très démocratique."
InterCDI 274-75 |
Bien sûr, j'ai fait depuis une semaine, et comme tant de collègues profdoc connectés, des padlets de ressources adaptés à mes collègues, et à mes élèves. J'ai tout testé, tout écouté, tout vérifié. Je n'aime pas les padlets trop chargés, et j'évite coûte que coûte les ressources qui déçoivent les visiteurs.
Bien sûr, j'ai profité de cette première semaine pour mettre le nez dans le nouvel e-sidoc, pour le dompter et l'adapter au confinement.
Mais parallèlement, j'ai fait l'hypothèse que ça n'allait servir à rien.
Pour ce qui est du padlet des collègues, c'est un peu l'expérience qui parle.
J'y ai mis plein de réponses aux questions qui circulent entre eux, mais je vois les mêmes questions continuer à circuler. Je me console en me disant que quelques collègues, peut-être,
En tout cas, à moi, il me sert, et je m'y réfère souvent. Pour retrouver les solutions que je leur envoie ensuite par email, par exemple... C'est devenu mon 2e bureau virtuel.
Concernant les élèves, la situation est nouvelle, mais mon hypothèse est pessimiste. Combien se serviront de ces ressources affectueusement triées et vérifiées ? Combien liront, écouteront une histoire, joueront, participeront aux projets proposés ?
Je pourrais présenter ici avec fierté et détermination de confinée mes projets de défis photos, d'écriture, d'activités manuelle. Un CDI hyperactif et interactif, même dans la tourmente. CDI, toujours, prêt !
Je m'attends pourtant à devenir invisible.
Un message arrivé hier soir tard sur Pronote est venu infirmer mes doutes. Un élève de 6e est volontaire pour jouer aux échecs à distance avec notre bénévole du club échecs. Alors je reprend confiance, je vais peut-être servir un peu à quelque chose. Pour quelques-uns, et ce sera déjà ça ?
"Mais à quoi voulez-vous servir, ma p'tite dame ? Vous êtes bien gentille avec vos petits liens, mais on bosse, nous, on fait de la continuité pédagogique, je vous ferais dire."
Chapitre XIII - Je suis sérieux, moi ! Je n'ai pas le temps de rêvasser. |
Je pourrais, par peur d'entendre ça (ou parce que c'est déjà fait), créer un parcours EMI, un genialy avec des vidéos et des questions sur le droit à l'image, la protection de sa e-eputation, les dangers de la lumière bleue pour le sommeil (et donner mon exemple à méditer, une semaine d'insomnie !).
Mais à quoi bon leur rajouter en ce moment ce genre de sujets, et ce temps d'écran ? Je me sens mal à l'aise dans ce rôle.
Avec ce qui les attend dans les semaines à venir.
Avec ce que je ressens déjà des difficultés des familles à faire l'école à la maison.
Je préfère suggérer aux élèves de jouer, lire, faire. Vivre un peu, après les exercices. Les guider, pour remplacer leurs loisirs disparus.
"Ouvrez la fenêtre et écoutez les oiseaux."
"Écoutez un livre audio, allongé sur votre lit."
"Apprenez à vos parents à jouer au DAO."
Ces idées minuscules sont déjà sur leur padlet dans e-sidoc.
Autrement dit, totalement invisible si on ne fait pas la démarche volontaire de s'occuper. Qui la fera ?
Philippe Meirieu a rappelé ces jours-ci, en réponse à notre ministre, qui vantait les mérites de l'ennui comme une vertu éducative :
"L’ennui n’a une vertu éducative que si l’on peut mobiliser des images et des symboles, si l’on a bénéficié d’un nourrissage culturel dans lequel l’imaginaire peut puiser. Sinon, l’ennui débouche sur la dépression ou la violence. Là encore, la lutte contre les inégalités s’impose."
Comment lutter contre ces inégalités quand on n'a plus les élèves sous la main ? Et un CDI pour les y coller de force ?
Et que dire de ce paradoxe professionnel, qui veut qu'on doive passer par le numérique pour dire aux enfants (et aux parents) de lâcher le numérique ?
Alors je me dis que je vais peut-être mettre du travail à faire aux 6e : "Pour jeudi en 15, faites de la méditation en famille sur le tapis du salon. Cochez quand c'est fait".
Est-ce que je vais mettre un note pour les inciter à le faire ? Un QCM pour vérifier si c'est fait ?
Mais je n'ai qu'un créneau quinzaine de cours avec les 6e. Les autres classes viennent selon les projets programmés au coup par coup. Je ne peux leur envoyer qu'une info, avec l'effet magique que vous imaginez.
Alors est-ce que je vais aller au fond de ma réflexion, et demander à mon adjointe de créer une heure de projet CDI pour les autres classes, pour pouvoir leur poster mes petites activités minuscules ? Sans doute.
Et puis je testerai peut-être quand-même des petites activités EMI, parce que le temps va se faire long, et que j'ai un peu envie de tester le "à distance", découvrir des outils, ça pourra servir après, enrichir et faire évoluer ce que je fais. Mais pas sur des sujets pesants, surtout pas. Autant pour eux que pour moi.
Et puis si c'est pas sûr, c'est quand-même peut-être...
Voilà, tiens, sur les poètes ! C'est important, les poètes !
Donc c'est décidé, je passe en mode "activités facultatives imposées" !
Et pendant que mes élèves feront leur travail, couchés sur leur lit, ou penchés sur la table du salon en famille (ou seuls, les familles ont du boulot aussi), j'irai couvrir des BD, en espérant pouvoir reprendre, après, une vie normale, qui ne le sera plus jamais tout à fait.
Allez, on va rester sur l'idée qu'elle sera encore meilleure. Avec plein de nouvelles idées et de bonheurs partagés. Parce qu'on aura vécu ça tous ensemble.
Je sais déjà que je vais garder l'idée de donner des "choses minuscules" à faire d'une fois sur l'autre : entre le début de la rédaction ce matin, la publication sur Pronote du travail à faire, et tout de suite, j'ai déjà des réponses d'élèves. Et elles me redonnent mon sourire perdu. Je vous les livre pour partager un peu avec vous de ces petits bonheurs simples et essentiels :
"J'ai était dans le padlet "spéfial confinement", j'ai cliquer sur tour de magie "les gobelets pass - pass" et ça m'a plus j'ai bien aimé le faire
En plus quand j'ai montré la scène à ma famille ils allucinaient surtout mon petit frère et ma soeur."
"bonjour, j'ai regardé la vidéo sur e-sidoc et regarder tous les jeux de cartes voilà je v'ai pouvoir m'occuper cette semaines
merci"
Donc je ne sais pas encore si un CDI confiné est toujours un CDI, mais un profdoc restera toujours un profdoc ! Avec des élèves, et des rencontres.
Il ne reste plus qu'à croiser les doigts pour que ceux qui n'ont pas internet, ou pas la culture de l'école, ne s'y perdent pas trop.
Allez, j'ai plein de temps pour rattraper le retard de gestion, quelle aubaine... Il sera toujours temps après de reprendre les choses sérieuses. Ou pas.
Portez-vous bien ! Profitez de la vie !
Ce soir |
Ce matin |
Bonjour, ce confinement a au moins l'intérêt que je prenne le temps de laisser un commentaire (alors que d'habitude,je me contente de lire !). Je suis exactement dans la même situation, envoyant des ressources aux collègues sans aucune réponse ni merci, ni "j'en ai pas besoin", ni m... (lol), donc sans évaluation possible. Côté élèves, j'en ai mises quelques unes sur l'ENT mais manque de visibilité... En revanche, j'adore l'idée d'ouvrir les esprits vers l'observation de son environnement et j'ai bien envie de proposer de petits ateliers d'écriture (haïkus, souvenirs du confinement, concours de dessins ou photos).Reste la question de la visibilité... Je vais cogiter à tout ça ! Merci pour ces partages d'expériences et de réflexions que je lis régulièrement et qui m'enrichissent à mon tour. Et désolée pour ce manque de réaction les autres fois. Bon courage et au plaisir de lire l'article suivant !
RépondreSupprimerMerci merci !!! ça me fait bien plaisir !
SupprimerExplore le "devoirs à faire" de pronote, si tu as des cours avec eux, donc de créneaux. ça marche du tonnerre !
Encore plein de réponses aujourd’hui, je prépare un "journal des confinés avec leurs photos et textes.
Sinon, demande à l'adjoint de te rajouter des créneaux à distance.
Pour les haikus, explore du côté de cet excellent billet, le dessin est génial pour faire écrire après avoir senti-vu-touché...
http://lebateaulivre.over-blog.fr/article-a-la-decouverte-des-haikus-112645425.html
Il reste juste à inventer une consigne plus simple pour le "à distance".