jeudi 22 février 2018

Sciatique pédagogique, les débats : sauvés par les neurosciences ?

La découverte des neurosciences semble ouvrir des vraies perspectives. On se dit qu'on les tient, les solutions !! Et scientifiques, en plus !Mais notre enthousiasme est un peu refroidi à la lecture d'articles ici ou là, où on nous met en garde contre un trop grand engouement, en rappelant que la pédagogie ne se résume pas à la connaissance du cerveau.
Alors, sauveurs ou pas sauveurs ? Voyons tout cela de plus près.


1- Les neurosciences ne nous ont rien apportées, elles ne font que confirmer ce qu'on avait déjà remarqué

Ce n'est pas moi qui le dit, mais j’avais eu la puce à l'oreille en lisant des dizaines d'articles présentant des préconisations pédagogiques, et en regardant leurs dates de parution.
J'étais à chaque fois un peu honteuse d'avoir attendu que les médias montent les neurosciences en épingles pour m'y intéresser.
Et puis je me suis dit qu'on aurait pu aussi en être informés et formés par notre hiérarchie. Mais bon !
"Les professeurs découvrent que, pour l’essentiel, les neurosciences valident les modèles élaborés par la psychologie cognitive au cours des trente dernières années dans des domaines transversaux, comme la mémoire, le raisonnement ou la métacognition, et dans des domaines spécifiques, comme la lecture ou le calcul. Nombre de ces connaissances ont déjà été intégrées aux démarches pédagogiques, d’autres sont en passe de l’être grâce au regain d’intérêt pour les sciences cognitives. Nous nous en réjouissons. Il est probable que, dans le futur, les neurosciences ouvriront des voies nouvelles, mais nous devons admettre qu’à l’heure actuelle, elles n’ont pas apporté aux enseignants grand-chose de plus que ce que les autres sciences cognitives avaient déjà mis au jour".
Goigoux, Libération, janvier 2018

2- Attention à ne pas oublier le reste


Beaucoup de pédagogues ou chercheurs en pédagogie alertent sur les risques de laisser trop de place aux neurosciences dans les décisions concertant l'éducation.
"Dans le dialogue permanent que l'école doit entretenir avec la recherche, aucune discipline ne peut légitimement s'imposer aux autres et aucune ne doit être ignorée. La recherche ne peut être instrumentalisée dans des débats médiatiques le plus souvent réducteurs."
http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/11/27112017Article636473633817064947.aspx
Roland Goigoux, un des membres du nouveau Conseil scientifique du ministre (rajout de nov 2019 : c'est une erreur ! Je ne sais pas où j'avais vu cette info, ou s'il en a fait partie au départ ??) et signataire du texte cité dans l'article précédent, l'a encore rappelé récemment, dans une interview au journal Libération :
" Ce ne sont pas les neurosciences elles-mêmes qui posent problème, mais la tentation autoritaire dans la prescription du travail enseignant". Le chercheur craint que le Conseil scientifique mis en place par JM Blanquer soit utilisé pour transformer le travail enseignant en mettant au pas les enseignants"
Voyons ses explications plus en détail :
" Ce ne sont donc pas les neurosciences et encore moins les sciences cognitives qui nous inquiètent. Ce sont les modalités de gouvernance du système scolaire qu’elles pourraient servir à cautionner. Une tentation hégémonique et une tentation autoritaire affleurent. Le ministère semble valoriser un seul type de recherches, celles qui testent la supériorité d’une méthode pédagogique par rapport à une autre en comparant un groupe expérimental à un groupe témoin. Ce paradigme expérimental pourrait drainer tous les financements publics et devenir, pour la recherche en éducation, une norme scientifique au détriment des approches qualitatives de type clinique ou monographique et au détriment des approches quantitatives écologiques, celles qui évaluent l’effet des pratiques pédagogiques sans les manipuler expérimentalement...La tentation autoritaire pointe son nez dans la prescription du travail enseignant, par exemple pour l’apprentissage initial de la lecture. Sous couvert de neurosciences, le ministère envisage d’imposer un manuel basé sur une approche exclusivement syllabique. Or, les neurosciences n’ont pas établi la supériorité de ces méthodes, elles n’ont même jamais essayé de le faire".

(rajout de nov 2019 : du coup, le paragraphe suivant n'est plus vrai. Je n'ai pas retrouvé d'infos sur son éventuelle participation à un moment donné)
Le fait qu'il fasse partie du Conseil scientifique du ministre est rassurant, parce qu'il y incarnera cette position. Attendons de voir s'il y reste. Une démission serait un très mauvais signe pour nous, parce que cela voudrait dire que ce qu'il craint est arrivé. Il faudra alors être vigilant à continuer à se former de notre côté, sans attendre les stages prévus de manière autoritaire, qui souvent ne sont là que pour aider à lancer une mesure d'Etat.


3- Quelles preuves "scientifiques" issues des neurosciences permettraient aux élèves de progresser ?


Je trouve que c'est du côté de la mémorisation et de l'attention qu'il y a le plus de choses intéressantes. Je suis en train de terminer une liste de liens, c’est bientôt prêt.


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