mardi 22 juin 2021

"Si tu me pub, je te pub !"

Allez, je vous raconte !
Séance 6ème sur la pub un vendredi. Déjà faite 4 fois, terrain connu.
Sauf que dans cette classe, la moitié me dit que la pub, c'est quand on tague quelqu'un sur une photo et qu'il le fait aussi en échange. Ou quand ils font une pub sur Tiktok.

Moi : on ne dit pas pub dans ce cas, et ce n'est pas contre de l'argent
Eux : sisi, c'est de la pub, avec de l'argent, pour gagner de l'argent
Moi : vous ne gagnez pas d'argent
Eux : SIIII !
Moi : ??

Du coup, je me suis penchée sur la question tout le week-end, et j'ai adapté mes séances de la semaine suivante avec les autres classes.

 

Petites recherches

J'ai re-visionné le Roi des rats (notamment https://www.youtube.com/watch?v=irJgUBKxKhA), j'ai lu des trucs (voir sitographie dans le paragraphe suivant).
Et j'ai vu que oui, ils appellent ça de la pub, et ils dépensent de l'argent contre un espoir d'abonnés, puis d'argent en retour. Et qu'ils en gagnent.
Univers impitoyable, qui brouille toutes mes cartes.

 

 

Quelques liens trouvés dans la foulée, pour me former sur le sujet


D'un côté, quelques joueurs qui gagnent de l'argent (parfois beaucoup et en jouant beaucoup. Les deux ensemble, on comprend que ça puisse faire rêver !) :

De l'autre, beaucoup qui ne gagne rien ou très peu (un élève de 6ème était très fier de me dire qu'il avait déjà gagné 10 centimes, il l'a dit pour me rabattre le caquet, sous le regard admirateur de son clan. Dur !) :
- https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/02/06/ils-se-lancent-sur-twitch-et-ne-reussissent-pas-toujours_4570744_4408996.html
 
Enormément de gens qui les regardent jouer (forcément, puisque certains gagnent beaucoup d'argent), en interagissant avec eux (ou pas !), avec tous les soucis potentiels que cela comporte et les conseils nécessaires donnés par les adultes :
 
 
Avec au milieu des plateformes qui créent le besoin et les moyens de gagner et donner de l'argent (pour eux-même en gagner un peu plus que tout le monde) :

Il y a aussi le problème de l'image de la femme, de l’homme, le corps parfait, et l'hyper sexualisation des contenus. Mais j’avais ma dose, j'ai arrêté là...

 

Pourquoi leur réaction m'a mise mal à l'aise ?

 
Je crois que c'est le fait de réaliser qu'ils étaient pour certains dans un usage "vide" des RS : juste des clics en échange de clics, dans l'espoir d'avoir encore plus de clics.
Parfois, d'après leurs dires, sans contenu et souvent sans communication ni échanges.
Avec juste l'espoir de gagner de l'argent.
Que pour ça, ils sont prêts à en dépenser.
Et que m'expliquer tout ça les rendait ravis et fiers.
 
Une sorte de système de fonctionnement aux antipodes de ce qu'est le web pour moi. Un conflit de valeurs.
Je l'avoue, cela m'a agacé.
D'habitude, je suis la première à leur dire d'aller sur les RS, mais prudemment, parce que c'est génial si c'est bien fait (je n'en parle pas en 6ème d'habitude, because 13 ans min...). 
Là, je ne les ai pas compris, je n'avais pas de pratiques à échanger.
 
Je n'ai pas pris de recul sur le moment, pour me dire qu'ils étaient ado et à la recherche de popularité, quitte à ce qu'elle soit vide de sens.
La maturité viendra, et en attendant, notre rôle (le rôle du profdoc ?? Celui des parents ? De la vie scolaire ? De l'équipe dans son ensemble ?) est de leur éviter les désillusions et les soucis plus graves.
Cliquez pour regarder
 

 

"Vraie vie" VS "vie sur les RS": une relation différente selon l'âge ?

Je rencontre ce type de phénomènes sur mon compte Twitter : beaucoup d'abonnés avec des comptes "je rend", qui ne cherchent que la réciprocité d'abonnements, sans aucun lien avec ce que je peux raconter.
La plupart du temps, ce sont des joueurs ou des amateurs de manga ou d'animes.
Bien qu'ayant un compte public, et après les avoir longtemps laissés, j'ai finalement décidé de les bloquer.

Mon compte est public parce que je suis ravie d'accueillir des nouvelles personnes autour de ma table de pique-nique, et que comme mes 6èmes, j'ai sans doute un peu envie d'un peu de popularité !
J'étale mon tapis et accueille volontiers des invités, "asseyez-vous donc avec nous !". Je vais aussi picorer sur le tapis des autres quand les sujets m'intéressent et qu'ils ont lancé des invitations. Je reste discrète et remercie, et je ne cause pas beaucoup.

Mais imaginez, vous vous installez au parc, vous avez lancé une invitation pour faire des connaissances et échanger, et quelqu'un s'installe avec son bouquin, sans rien écouter (ou un peu quand-même sans en avoir l'air, comment savoir ?), sans même vous adresser la parole ni n'avoir rien à vous dire. Il imagine juste qu'en échange, vous allez ensuite aller vous asseoir sur son tapis...
Juste pour pouvoir dire qu'il y a du monde sur le sien !!

Un pique nique convivial un peu faussé si quelqu'un passe juste demander des cacahuètes (j'en donne pas, d'abord !!)

Certains Twittos accueillent leurs nouveaux abonnés d'un petit mot. Parfois, ça m'agace, mais d'une certaine façon, c'est intéressant aussi, parce que cela inclue le nouvel abonné dans un groupe. Bienvenue à ma table !!
Est-ce que ça ferait drôle à mes "je rend" de s'entendre dire "Bienvenue @thebossdu47btw dans ma communauté qui échange sur la pédagogie et le boulot de profdoc. Je ne rends pas, mais n'hésite pas à t'exprimer quand-même !" Resteraient-ils ou fuiraient-ils ? Et lisent-ils même leurs messages, donc ceux que je lance à la cantonnade ?
 
On voit bien l'analogie avec la "vraie" vie.
Lors d'une fête, si un inconnu s'approche de votre groupe et écoute ce que vous dites, vous allez vous adapter. Vous allez faire attention à ce que vous êtes en train de lâcher comme infos, peut-être changer de sujet de conversation. Si vous n'êtes pas trop sauvage, vous allez l'inclure dans le groupe : "Salut, tu es dans le club ? Tu fais quel sport ici ? Tu es le cousin de ... ???" (ou "Tu veux ma photo ?!")
 
Contrairement à la génération des plus jeunes, je pense que j'applique sur les RS les mêmes règles de vie en société que celles de la "vraie vie", de manière sans doute un peu rigide, mais prudente.
Les RS sont pour moi une opportunité pour causer à des inconnus qui pourraient être des connus, donc des pairs que j'aurais pu croiser au boulot, dans ma vie publique. Je n'utilise aucun réseau social dans le cadre privé.
Je mets quelques "J'aime", retweete, et ose des commentaires, mais seulement quand mes inconnus sont devenus un peu familiers. Je ne participe que très rarement à des discussions avec des gens que je ne connais pas du tout, ou qui ne sont pas abonnés à mon compte.
J'aurais l'impression de de ne pas être légitime dans l'échange, de faire la pique-assiette. Par ailleurs, les risques de ne pas être "bien reçu", de recevoir de l'agressivité ou de l’hostilité en cas de désaccord est trop grand, je ne veux pas l'assumer. J'ai fait ce type d'expériences au début, j'ai appris, je connais mieux mes limites. Je préfère avancer en terrain connu et sûr.
 
Pour moi, ce n'est pas un monde "différent", je n'y ai pas d'identité différente créée pour d'autres usages. Je ne dis pas tout (comme dans la vraie vie...), mais je ne me change pas. Je ne suis pas "joueuse" (métaphoriquement et concrètement).
En cela, je pense que mon usage des RS diffère de celui de mes élèves, plus naturels et moins calculateurs. Pour eux, les RS sont un autre monde.
 
Par contre, exactement eux, je suis comme une gamine quand quelqu'un me dit qu'il est d'accord, qu'il apprécie mon travail, qu'il me remercie. On a besoin de feed-back positifs à tout âge !!


 

Du coup, j'ai tiré les vers du nez d'autres élèves !

Je voulais savoir si beaucoup géraient leur présence en ligne dans le même état d'esprit mercantile (spoiler : non ! Ouf !).
Je vous en dis plus une prochaine fois. 
J'ai lancé un sondage et testé des activités en abordant le sujet en partant des influenceurs.
Je suis contente de ce qu'on a fait (co-création avec les élèves !).
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