Je ne sais pas pour vous, mais moi, les affiches, ça me sort un peu par les yeux. En plus du temps infini que cela prend, on a des tas de feuilles en attente partout, et quand elles sont finies, aucun espace pour les exposer.
Alors depuis l'an dernier, j'ai proposé à une collègue d’histoire de troquer les affiches pour de l'audio.
On a testé avec des 3e : 1h de travail en cours sur les textes donnés par le professeur, puis 2h au CDI.
Pour le professeur, 3h de cours. Soit beaucoup moins qu'un travail de création d'affiches, pour lequel certaines classes ont passé 6 à 7h en cours, et beaucoup de temps libre sur heures d'étude (quand ils en trouvent).
Les explications
Quelque soit l'activité, j'ai pris l'habitude de découper les temps d'explication en ne gardant que ce dont on a besoin pour chaque heure. Ainsi, chaque séance débute par un topo de quelques minutes, à l'oral, avec des choses montrées en général au vidéo-projecteur.
Si des groupes vont plus vite, je leur donne des explications directement pour ne pas les bloquer, et lors de l'heure suivante, ils commencent à travailler sans attendre que j'ai expliqué la suite aux autres.
Lors de la première heure avec les 3e, j'ai donc expliqué qu'on allait leur faire enregistrer un reportage radio, et j'ai fait écouter une émission de 2 à 3 min du type de celle-ci :
https://www.francetvinfo.fr/
Je m'arrange pour que cela colle avec le sujet travaillé en cours.
On relève à l'oral les caractéristiques de construction, ils réussissent à pointer tous les éléments :
- un journaliste-animateur qui fait le lancement où il annonce le sujet et présente le journaliste-spécialiste ou l'invité
- il y a un dialogue pour dynamiser. Je leur précise que le texte est écrit par le journaliste-spécialiste, qui donne à son collègue-animateur les phrases de lancement et de relance qu'il devra lui dire
- on peut avoir des sons externes (archives, jingle)
- et il y a une conclusion (au revoir, Bernard, et merci).
Je leur précise qu'on ne parle pas par hasard d'un sujet à la radio. Il faut un événement : anniversaire de naissance ou de mort, une exposition, la célébration d'un événement comme la remise d'un prix...
Au début de la 2e heure, je montre très rapidement les bases dans Audacity, je donne quelques conseils (On ne recommence pas si on bafouille. On s’arrête, on reprend, et on coupe à la fin) et je donne les consignes pour qu'on puisse enregistrer en limitant les bruits extérieurs.
Le travail préalable
Ils avaient cette année des portraits de femmes résistantes à réaliser. Le professeur les a fait travailler en amont, dans la salle de classe, sur des documents pré-sélectionnés, d'une longueur d'une page.
Au CDI, après la découverte du travail audio demandé, ils choisissent un angle, une date, les invités... Ils rédigent le brouillon.
Essai à l'oral, il faut que ça dure à peu près 2 min.
Puis ils passent dans le "studio d'enregistrement" !
L'enregistrement
On isole ceux qui ne sont pas prêts dans la petite salle de travail, et je récupère côté CDI ceux qui doivent enregistrer. Ils passent de l'une à l'autre des salles quand ils sont prêts.
Je les disperse dans le CDI, les salles info, la réserve, la bagagerie, le jardin... partout où on peut espérer un peu de silence.
Pas évident au CDI, avec la porte qui grince (mais c'est fait exprès, ça m'évite le reste du temps que des élèves sortent en cours d'heure sans que je les entende, et cela me permet de savoir que quelqu’un rentre, sans avoir les yeux sur la porte en continu. Malin, mais bruyant !), ou les éclats de voix intempestifs (y compris les miens ! Je leur dis de faire attention, mais c'est rare qu'on ne m'entende pas en fond des enregistrements, je suis indécrottable).
J'ai acheté 3 micros de tables sur le site Génération 5, qui permettent d'enregistrer très facilement deux ou trois élèves assis en face de l'écran. J'ai aussi 3 tablettes et des micros USB pas très pratiques, mais qui dépannent.
Le droit à l'image
Et ça aussi, c'est de l'EMI, quand on leur montre que leur identité numérique est engagée par toute diffusion.
Et pas besoin d'une séance longue pour ça, le seul fait de leur demander leur avis suffit. Cela les alerte sur ce qu'ils font de leur côté avec leur image. Ils apprennent peu à peu à se protéger.
La différentiation
Elle est induite par le mode de travail, et présente à chaque étape. Chaque élève peut y trouver son compte, selon son niveau ou son profil :
- consigne simple et non écrite : on leur fait écouter un exemple, on l'analyse et ils font "à la manière de"
- aucun élève n'est seul face aux textes. Ils sont en équipes de deux, et on les aide beaucoup sur cette étape de découverte du personnage. Le professeur a sélectionné les informations, ce n'est donc pas un travail de recherche documentaire, qui rajouterait beaucoup trop de charge cognitive à l'ensemble. Chaque chose en son temps.
- aucun blocage par l'écrit, puisque le brouillon n'a pas à être remis, les fautes "ne comptent pas" du moment qu'ils peuvent se relire
- chacun a fait selon ses capacités : certains groupes ont joué à fond la carte de l'émission de radio et en ont repris tous les codes, d'autres sont restés plus scolaires. mais tous ont "bon" sans distinction. La seule différence sera sans doute dans notre choix pour une diffusion externe : il est évident qu'on est davantage séduits par des groupes qui ont "fait" les journalistes et qui parlent plus clairement, et comme on veut que les élèves en soient valorisés, on préférera passer ces interviews.
- compétences informatiques : selon leur niveau ou leur appétence, ils rajoutent un jingle trouvé sur internet, capturent un son externe, rajoutent des éléments à leur montage audacity. Ou se contentent d'un montage simple. Aucune exigence de complexité ne leur est imposé. Donc un élève qui ne maîtrise pas bien les outils, ou un élève qui préfère faire du sport ou lire plutôt que de passer 1h à trouver un jingle a le choix.
J'ai entendu une élève demander à un autre de l'aider à récupérer son fichier enregistré sur son i-phone : "Je vais lui demander, on est sur snap tous les deux."
- Et si des groupes sont plus rapides à se lancer, ils n'ont pas besoin d'attendre les explications de l'heure suivante, ils passent tout de suite à l'enregistrement. S'ils ont fini avant les autres, soit parce qu'ils ont commencé avant, soit parce qu'ils arrivent la fois suivante avec le fichier enregistré chez eux, ils aident alors les autres, ou travaillent pour eux de manière autonome. On ne leur donne pas un autre travail à faire. S'ils savaient qu'on leur donnerait autre chose à faire, on pourrait imaginer qu'ils ne se pressent pas pour terminer, et ce serait de bonne guerre.
Les deux classes avaient un profil très différent qui aurait pu laisser présager des différences d'implication. Cela n'a pas été le cas.
Les élèves, de niveaux extrêmement hétérogènes, se sont tous autant impliqués, l'ambiance était vraiment agréable.
En un mot, on est super fiers d'eux !
On a sélectionné deux des reportages pour le site du collège, les élèves ont donné leur accord pour leur diffusion. Je me permets de les présenter aussi ici.
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