Suite à l'enquête-lecture que j'ai fait passer (cf billet précédent) j'ai classé mes élèves en trois catégories de lecteurs-loisir. C'est
évidemment caricatural, mais ça m'a aidé à y voir un peu plus clair. Si vous avez des élèves qui ne rentrent
pas dans les cases, c'est normal... Les frontières entre les catégories sont floues, et un enfant peut en changer souvent.
Pour chaque catégorie de lecteurs, je me suis demandé comment ils vivent les projets que je mets en place, et quelles actions pouvaient finalement avoir le plus d'effets positifs sur leurs lectures. Et bien vous serez surpris de découvrir que les projets lecture ne servent peut-être à rien... C'est fou, non ?
Pour chaque catégorie de lecteurs, je me suis demandé comment ils vivent les projets que je mets en place, et quelles actions pouvaient finalement avoir le plus d'effets positifs sur leurs lectures. Et bien vous serez surpris de découvrir que les projets lecture ne servent peut-être à rien... C'est fou, non ?
1- Avec les lecteurs
solides et réguliers, pas de lézard ?
Quels
sont les projets préférés de nos gros lecteurs ?
Qui sont-ils ? Ce
sont des lecteurs qui aiment plusieurs genres, ils lisent
régulièrement. Ils fréquentent une bibliothèque, pour emprunter
ou pour lire sur place. Ils viennent parfois au CDI en plus, mais pas
toujours.
Ce qu'ils ne savent pas
encore, c'est qu'ils ont 50 % de risque de devenir
lecteurs-fragiles au cours de leurs 4 années au collège, de ne plus
prendre le temps de lire, et d’oublier même qu'ils aimaient ça.
Effet des projets
lecture sur eux :
Ils
n'aiment pas tous ça ! Ils ont en général déjà un roman à
lire sur leur table de chevet, et leur en imposer un autre les
ennuie. Ils se trouvent bien assez grands pour choisir eux-même
leurs lectures.
Parfois,
ils aiment bien découvrir autre chose, et être forcés de changer
de style, mais pas toujours. A nous de les convaincre qu'il est
intéressant pour eux de découvrir d'autres genres littéraires.
Notre mission :
Maintenons solides leurs
habitudes.
Assurons-nous par exemple
qu'ils connaissent tous le chemin d'une bibliothèque, qu'ils en
connaissent les codes (les classements, on peut réserver, on peut
proposer un achat, on peut demander un conseil, il vaut mieux parler
tout bas...).
Forçons-les à découvrir
tous les genres possibles, élargissons leurs goûts.
Achetons les nouveautés à
la mode, celles qu'ils ont repérées en librairie, et qui pourront ensuite bénéficier du bouche à oreille.
Assurons-nous aussi que la lecture n'est pas une fuite devant l' « autre » ! Créons des projets lecture pour leur faire rencontrer des « pairs ». Evitons-leur l'isolement et la difficulté d'aller vers les autres de leur âge, en proposant des clubs où ils se retrouvent « entre lecteurs » mais dans la communication, la parole et l'échange.
Assurons-nous aussi que la lecture n'est pas une fuite devant l' « autre » ! Créons des projets lecture pour leur faire rencontrer des « pairs ». Evitons-leur l'isolement et la difficulté d'aller vers les autres de leur âge, en proposant des clubs où ils se retrouvent « entre lecteurs » mais dans la communication, la parole et l'échange.
2- Avec les lecteurs fragiles, faisons le moustique pour faire mouche !
Qui sont-ils ? Ils
disent lire un peu, le plus souvent assez peu de genres différents,
voire un seul genre. Ils ne fréquentent pas de bibliothèque. S'ils
viennent au CDI, c'est pour lire sur place, mais ils n'empruntent pas
souvent. Si on ne leur met pas de romans sous le nez, ils n'en lisent pas. En grandissant, si personne n'est en mesure de leur conseiller des lectures adaptée à leur âge, ils se tournent vers d’autres loisirs.
Ils sont parfois en difficulté technique face à l'écrit (ne se souviennent pas le lendemain de l'histoire commencée la veille, butent sur beaucoup trop de mots de vocabulaire pour que ce soit un plaisir). En grandissant, les livres « pour leur âge » deviennent donc trop difficiles, ils abandonnent.
Si au contraire la confiance vient, s'ils découvrent un genre qui leur va bien, si des habitudes en bibliothèque se créent, s'ils font partie d'un réseau de copains qui se passent des livres, s'ils réalisent enfin que lire ce n'est pas que pour les autres, ils peuvent devenir des lecteurs solides.
Ils sont parfois en difficulté technique face à l'écrit (ne se souviennent pas le lendemain de l'histoire commencée la veille, butent sur beaucoup trop de mots de vocabulaire pour que ce soit un plaisir). En grandissant, les livres « pour leur âge » deviennent donc trop difficiles, ils abandonnent.
Si au contraire la confiance vient, s'ils découvrent un genre qui leur va bien, si des habitudes en bibliothèque se créent, s'ils font partie d'un réseau de copains qui se passent des livres, s'ils réalisent enfin que lire ce n'est pas que pour les autres, ils peuvent devenir des lecteurs solides.
Effet des projets
lecture sur eux :
Les
projets avec un ou plusieurs livres imposés ne leur conviennent pas
du tout ! S'ils ne les aiment pas, ils ne liront pas davantage
pour autant par la suite. Et si le livre leur a plu, il est fort
possible que tout le tralala mis en place autour ne leur plaise pas
plus que ça... Donner son avis, parler devant les autres, écrire,
argumenter, c'est pas leur truc, et s'ils ont été en réussite dans
la lecture, ils seront à nouveau en difficulté dans le prolongement
de la lecture.
Le
projet peut avoir le mérite de leur faire lire UN livre, alors
autant faire en sorte qu'il leur plaise !!!
Notre mission :
En
multipliant les occasions de mieux les connaître au fur et à mesure
qu'ils grandissent, nous pouvons faire des conseils de lecture
personnalisés. Quand ils viennent en 3e,
on peut ainsi poser devant eux LE livre qui va leur aller, et ils
nous font confiance. Évidemment, il faut connaître les
livres ET les élèves, le bluff ne marche pas. Si on se rate, on
perd le lecteur.
Il faut multiplier les
occasions de les faire venir au CDI pour des courts projets, qui ne
dépassent pas l'heure.
Laissons-leur du temps sur
place pour commencer un roman, et donnons-leur le choix d'emprunter
ou pas. Cela les décrispe, et finalement, beaucoup empruntent.
Insistons auprès de nos collègues pour proposer de temps en temps
d’autres types de fiction : BD, albums, mangas...
Profitons aussi d’avoir
des séances hebdomadaires en 6e et 5e (c'est
mon cas) pour intégrer des lectures sur place au sein des activités
documentaires, pour leur faire découvrir des genres, des types de
lecture :
- en 6e, on
choisit un poème pour le mettre en page (traitement de texte,
insertion d'un logo commun enregistré sur le serveur, format
paysage, changement de marges, deux colonnes) pour en faire des
marque-pages pour le Printemps des poètes
-
travail sur la presse : mettons-leur sous le nez les magazines
qu'ils ne prennent pas le temps de découvrir- faisons-leur lire des Petites poches avant de leur demander un exposé et des recherches Internet sur l’auteur, le thème...
Faisons
ainsi le moustique : tournons-leur autour, mais pas longtemps à
chaque fois. On finira bien par les piquer, et faire mouche !
3- Avec les
non-lecteurs, faisons l'autruche !
N'ayons
l'air de rien...
Qui sont-ils ?
Avec eux, c'est simple :
ils n’aiment pas lire, et ils le disent. Ils ne vont jamais ni à la
bibliothèque, ni au CDI. Les livres, c'est pas pour eux !
Effet des projets
lecture sur eux : a
priori, aucun ! De toute façon, ce sont des élèves qui
n'aiment pas perdre la face, ils n’avouerons donc pas facilement
qu'une activité scolaire liée à la lecture leur a plu ! Les
projets lecture ne sont pas d'une grande utilité pour eux s'ils sont
obligés de lire un livre qu'ils ne comprennent pas, ou qui leur
tombe des mains. Ils vont être au contraire renforcés dans leur
rejet : « Je vous l'avais bien dit, c'est pas pour moi la
lecture ».
Parfois
aussi, ce sont des faux non-lecteurs. On rencontre des épidermiques
« moi j'aime pas lire », parfois très bons élèves, qui
vous racontent le dernier roman, manga ou BD lus. En réponse à
votre point d'interrogation au dessus de la tête, ils précisent «
ah, celui-là, c'est pas pareil, j'aime bien ». Peut-être
faudra-t-il les aider à changer définitivement d’image
d'eux-même ?
Notre mission :
Ils
font la grimace quand on annonce une présentation de livre, ou un
temps de lecture libre ? Passez outre. Faites-les lire malgré
eux, mais sur place au CDI, pas chez eux : « c'est pas
grave si tu n'aimes pas, c'est pas obligé d'aimer, mais c'est obligé
de lire ». Et surtout, ne fanfaronnez pas si vous les voyez
plongés dans leur bouquin : « Tu vois, je te l'avais bien
dit, que j'arriverai à te faire lire ». Restez sobres et
détachés, cachez votre joie. Elle peut de toute façon être de
courte durée, soyons humble.
Parfois ils n'aiment pas
non plus les histoires racontées à voix haute, mais le plus
souvent, si ! Alors lisons à haute voix, des contes, des
nouvelles, des extraits. Mais lisons bien !! Quitte à prendre
des cours, s’entraîner.
Ou alors ne lisons pas,
mais faisons-les mettre en voix, mettre en scène, en vidéo...
Et puis n'oublions pas les
livres documentaires, les histoires vraies (très demandées par les
filles), les albums, les thèmes porteurs (le foot...), les BD, les
mangas.
Et si c'était donc beaucoup plus simple qu'on ne le pensait, de les faire lire ???
Sur ce, je vais me recoucher... avec un bon bouquin... c'est les vacances, après tout, il faut que je fasse une pause !!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire