vendredi 16 novembre 2012

Doublon-concurrence entre les romans étudiés en cours, et les romans d'un projet parallèle

Naufrage annoncé d'un projet littéraire...

Une classe de 5e participe cette année à un Prix lecture inter-générationnel.
Hier devait avoir lieu une séance pour préparer la prochaine rencontre, une petite émission de télévision. Avec mon collègue de lettres, nous devions préparer les élèves à parler de leurs lectures. Or, seuls 5 élèves avaient terminé leur livre ! Séance quasi à l'eau !

Un peu dépités lui et moi, nous avons mis les élèves fautifs en tête à tête avec leur roman inachevé, et nous avons beaucoup cogité. Nous avons fini par comprendre les raisons de cet échec, et trouvé des solutions.


Voici nos conclusions :

Mon collègue trouve les romans du Prix sans intérêt littéraire. Sur ce point, je ne peux pas lui donner complétement tort, même si j'ai un faible pour deux d'entre eux (sur 8 !), et que j'ai eu du plaisir à les finir. Il s'agit de bons petits romans pour enfants, sympas à faire lire, dont on peut discuter, mais ne justifiant pas un travail d'analyse plus poussé en cours. De toute façon, avec quatre titres différents (on en a gardé 4 sur 8), le collègue ne peut pas utiliser ces textes pour une étude collective.
Il reste donc sur une frustration de prof de lettres. Comme il ne peut pas imaginer simplement faire lire pour le plaisir des romans pendant 2 mois (durée du projet), il a donné à ses élèves un autre roman à lire en même temps, ce qui lui permet d'organiser des activités de français. Les élèves n'ont évidemment pas réussi à lire les deux romans dans le temps imparti, et les deux projets se sont fait concurrence !

Mon collègue est arrivé persuadé qu'aucun élève ne pouvait avoir aimé les livres du Prix, jugés par lui trop bébés, et sans aucun intérêt littéraire. Après une heure de lecture sur place pour les retardataires, il a fait un petit sondage rapide. Plus de la moitié des élèves ont dit aimé leur livre. C'est à première vue davantage que pour l'autre roman imposé, qu’ils trouvent difficile (La citadelle du vertige, pourtant pas d'une grande difficulté en 5e, bien qu'un peu long à démarrer).

L'idéal serait bien-sûr de choisir nous-même les romans, avec nos exigences conjointes de profs.
Or, les personnes de l'UCTL avec lesquelles nous travaillons mettent comme condition à leur participation l'inscription à un Prix intergénérationnel officiel ! Situation a priori insoluble, sauf à se séparer de nos partenaires.

Une solution nous est pourtant apparue : abandonnons effectivement la formule du Prix, mais bâtissons un autre projet de rencontre inter-âge autour des romans que le professeur a choisi de faire lire et étudier par la classe dans l'année, et qu'on va faire lire aux adultes invités !
Les personnes à la retraite découvriront ainsi les romans qu'on fait étudier en 2012 aux élèves, y retrouveront des "classiques" lus dans leur enfance (L'appel de la forêt), et d'autres plus récents.

Terminés les problèmes d'achat de séries, de gestion de prêt pour que les livres "tournent", puisque les romans sont achetés par les familles. Terminés les problèmes de doublon-concurrence entre les romans étudiés, et les romans d'un projet parallèle. Il n'y a plus les romans du prof d'un côté, et ceux de la doc de l'autre.

On peut y associer des lectures cursives sur les thème/genre des livres étudiés, chaque roman pouvant alors être adapté au niveau de chacun.

On peut conserver l'idée d'aider les élèves à critiquer leur livre. Nous avons testé hier des exercices sur les élèves qui avaient lu leur roman. Ils étaient officiellement nos testeurs, et ont d'ailleurs apprécié qu'on leur demande leur avis sur les activités les plus à même de les aider. La technique des "mots pour le dire" a remporté l'adhésion des élèves, et la nôtre. Nous n'avons pas eu le temps de tester la plus ambitieuse, qui me semble prometteuse.
Voici le document qui regroupe ces idées. On y trouve également 4 façons différentes de voter.
 
Cette organisation constitue sans doute le moyen de ménager tout le monde, sans se priver du partenariat très riche avec des personnes extérieures au collège, source de motivation pour les élèves.

Elle peut ainsi permettre de concilier toutes nos exigences :
- les exigences des profs de lettres : faire lire des textes qui ont "quelque chose à dire", rester en relation avec les programmes, ne pas prendre trop de temps sur les cours
- mes exigences de prof-doc : éviter que les élèves se détournent de la lecture, leur proposer des histoires adaptées à leur niveau et à leur maturité, quitte à ne pas être toujours dans du texte hautement littéraire
- nos exigences communes : les aider à parler de leurs lectures, évaluer leur compréhension, sans tomber dans le trop scolaire
- les exigences budgétaires : acheter avec les crédits du CDI des lots de romans dont on ne refait rien les années suivantes (parce que les livres n'ont plu ni aux élèves ni aux profs) est impossible


Je salue au passage mes collègues de lettres. Qu'ils n'y voient aucune flagornerie, mais un réel contentement de travailler avec eux. J'ai la chance qu'ils aiment discuter de lecture, de littérature et de pédagogie, et acceptent volontiers de tester des activités. J'ai avec certains des discussions fort passionnantes et productives, où l'on refait le monde, et desquelles sortent des idées de projets "idéaux". Cela implique aussi qu'ils acceptent que certains projets soient moins réussis, puisque nous inventons souvent de nouvelles formules. C’est même le sport favori au CDI, et les élèves sont habitués à servir de cobayes...

Nous avons découvert ensemble les vertus du livre-audio, et un collègue fait des merveilles avec ses élèves. Nous faisons beaucoup de lecture sur place à partir de la 4e, avec des lectures choisies par les élèves. Nous nous appuyions de plus en plus sur les romans proposés dans les manuels des élèves pour la lecture cursive, et nous avons commencé à constituer des petites séries de cinq exemplaires. Nous allons tester cette année un classeur collectif de lecteurs en sixième, en liaison avec une classe de CM2. Je teste aussi la participation collective d'une classe à un Prix, avec une seule lecture par élève, et donc partage des romans en lisse, en cherchant des techniques pour ne pas fausser les votes (cf autre billet sur ce blog).

Seule, je ne peux rien faire d'efficace.
Ce n'est pas avec des clubs lecture que je vais faire aimer la lecture à la totalité de mes collégiens ! 

En connaissant mieux les programmes, les listes d'ouvrages conseillés, et en étant plus à l'écoute des difficultés des collègues avec les élèves, j'espère arriver à leur proposer des activités et des livres plus adaptés, afin que mon action touche toutes les classes, et que mes objectifs à moi (banalisation de la lecture, découverte de tous les genres de lecture, connaissance de ses goûts, renforcement des habitudes de lecteur-emprunteur, ouverture vers la lecture publique pour favoriser la poursuite de ces habitudes après le collège) visent enfin tous les élèves.
 
Je commence ce soir à lire-relire les romans des listes officielles...
J'en ai d'ailleurs trouvé une autre sur eduscol hier, qui complète la liste officielle !
On n'est pas rendus !
Si vous avez des coups de coeur personnels dans ces listes, n’hésitez pas, nous mutualiserons !

2 commentaires:

  1. Bonjour, je trouve très intéressant votre façon d'analyser cet échec et la limite des "prix littéraires" (on pourrait d'ailleurs s'interroger sur les implicites idéologiques des prix, liés à la compétition et au formatage des lecteurs). Surtout, vous en tirez des conséquences positives en proposant une action qui implique d'avantage les lecteurs. Ma seule réserve serait sur la fiche d'évaluation des livres, très complète, c'est-à-dire... trop complète ! Impossible à mon sens pour les élèves d'assimiler toutes ces informations ! Et le temps de remplir cette fiche équivaut au temps de lecture ! De quoi décourager les lecteurs fragiles. Il serait sans doute bon de concevoir des fiches graduées (une vraiment simplifiée pour les premières lectures, d'autres plus approfondies pour les lecteurs plus aguerris ou pour des situations diverses). En tout cas, félicitations à vous et tous mes encouragements. Bernard Friot

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est un honneur et une pression considérable de savoir que vous lisez mes lignes, moi qui me délecte des vôtres !
      J'ai le défaut d'être un peu trop gourmande. Sur la fiche citée dans l'article, nous avons finalement retenu le tableau des mots pour le niveau 5e, et la grille pour donner une "note" à un roman. J'attends d'avoir tous les retours des élèves pour juger si ça vaut le coup de les faire s'interroger de cette manière sur leurs lectures. Et si ça permet finalement de participer à un prix, sans faire lire toute la sélection à chacun. Si j'ai eu envie de tester la suite, je l'avoue bien trop ambitieuse, c'était pour voir si ce type de questionnement pouvait les aider à sortir leurs vers du nez. En toute poésie, bien sûr... L'idéal serait de pouvoir travailler dans la continuité : on utilise une technique une première fois, mais on s'en ressert pour d'autres lectures, imposées ou loisirs, pour aiguiser peu à peu l'esprit critique des élèves. Et pour analyser non pas le roman en lui-même, mais le plaisir et l'intérêt que l'on a eu à sa lecture. Mais je suis gourmande, et un peu trop pressée... Merci pour vos encouragements, ils me touchent et me motivent. Claire Pommereau

      Supprimer