Je n'aurais pas dû faire toutes ces formations sur les Compétences Psycho-sociales !
J'y ai appris qu'il fallait de la gratitude pour être motivé.
Il parlaient des élèves, mais par extrapolation, cela m'a permis de comprendre pourquoi je n'ai pas toujours la pêche.
Et pour les grandes personnes, ça marche comment ? |
Je fais un boulot où je vois passer beaucoup d'élèves, mais avec un profil particulier : ils veulent être tranquilles (pour lire, pour bosser), ils sont souvent introvertis (ils préfèrent le CDI à rester dans la cour), et ils sont de temps en temps contents de participer à une activité pour s'occuper ou rendre service, mais pas trop.
Du coup, pas trop le genre de public à s'exclamer que c'est GENIAL (chut !), que je suis HYPER COOL (c'est pas vrai, d'ailleurs), ou à me faire des hugs pour me remercier (j'en demande pas tant !).
Et les autres profils, ils sont plutôt à râler qu'on peut "jamais rien faire, au CDI !" (sous-entendu : pas discutailler, pas regarder les réseaux sociaux, pas se mettre 12 autour d'une table)
De mon côté, je mets tout en oeuvre pour qu'ils soient autonomes. Je m’invisibilise le plus possible, je les laisse libres de leurs mouvements, et toutes mes règles pour le CDI concourent à ce que les choses se passent bien sans moi (même si c'est quand-même moi au départ). Dès qu'un endroit ou une activité dysfonctionne, je modifie les règles pour qu'elle s'auto-régule. Donc tout le monde est toujours affairé, dans le calme, sans que j'ai l'air d'y être pour rien.
"Tu as de la chance, ils sont calmes au CDI !"
Par ailleurs, quand on a cours ensemble, bien que bien identifiée comme prof, mes séances ne sont pas forcément assimilées à des "cours", ni par eux ni par leurs parents (et parfois pas par mes collègues, parce que "toi, c'est pas pareil"), et mon programme est un peu hors programmes (de leur point de vue, pas du mien, vous l'aurez compris...). En plus, je donne même pas de notes, alors hein !
En prime, quand les élèves aiment lire, on n'y voit pas les conséquences de mes actions (et c'est vrai, puisque c'est n'est jamais uniquement grâce au CDI et à mes choix), et s'ils connaissent des choses sur ces choses
"hors programme", ce n'est jamais grâce à moi. C'est un effet de génération
!
"Ah, les jeunes, aujourd'hui, ils connaissent plein de trucs !".
Finalement, à la fois invisibilisée dans les moments passés librement au CDI (de ma propre volonté) ou dans ceux passés en apprentissage, je ne suis pas associée explicitement aux moments passés au CDI. OK, on a vu que j'ai eu beaucoup d'idées et que j'ai beaucoup transpiré, mais on n'a pas VU mon travail. J'ai été présente au CDI, quoi.
Concrètement, quelles conséquences cette invisibilisation a-t-elle ?
Je ne reçois pas de petits mots de remerciements ou de cadeaux en fin d'année, par exemple.
On ne remercie pas non plus d'avoir emmené des élèves à la bibli (c'est vrai que c'est pas très exotique...), d'avoir parlé réseaux sociaux et identité numérique (mais on félicite le collègue qui met en place la nouvelle option FLA, option qui au passage m'a fait reculer d'un cran dans les cases d'EDT 6ème, me rapprochant de la porte de sortie...).
Personne non plus pour me remercier du travail fait pour le FSE, les clubs, le foyer. Mon travail là aussi est invisible, les élèves sont ravis d'aller jouer, mais ne se rendent pas compte que c'est aussi un peu grâce à moi.
Du coup, je manque un peu de signes de gratitude !
Je ne parle pas de reconnaissance professionnelle, ça, je l'ai : "Ah, quel boulot, tu as toujours plein d'idées, tu cours toujours partout, quelle énergie, un super CDI..."
Non, je parle de ce qui me permettrait d'entendre des "merci, vous m'avez aidé, je vais mieux grâce à vous, je lis grâce à vous, mon enfant continue à lire grâce à vous, merci de nous permettre de travailler au calme, merci de nous avoir acheté des puzzles, merci pour les jeux, merci pour la liberté, heureusement que vous avez pensé à créer un espace relaxation, cette idée de casques antibruit quelle trouvaille, merci pour le prêt de liseuse à mon enfant dyslexique..."
Vous voyez la différence ?
J'aimerais savoir si courir partout et avoir des idées a servi à quelque chose et à quelqu’un. Qu'on ne me félicite pas d'avoir des idées, mais qu'on me remercie si elles sont bonnes et utiles ! Savoir à qui elles ont servi, à qui elles ont fait du bien, le cas échéant. Ce qu'il faut garder, intensifier, enlever.
Et accessoirement, être identifiée comme à l'origine de ce potentiel bien-être, qui n'est pas l'effet magique d'une grande pièce avec des livres, quelque soient les livres, quelque soit l'accueil, quelque soit l'organisation.
Maintenant que j'ai identifié le cocktail idéal pour un burn-out psychologique du profdoc, il va falloir que je relise mes notes de formation pour voir ce qu'ils conseillent de faire pour les élèves, pour continuer à extrapoler !
Tiens, pourquoi pas un mur de la gratitude rien que pour moi ?
"Merci à la dame du CDI pour..." |
100% d’accord ! Je me retrouve complètement dans cet article, merci de l’avoir écrit.
RépondreSupprimerUne idée peut-être : l’an dernier j’ai une super collègue qui, après un gros projet interdisciplinaire, a fait écrire aux élèves des cartes de remerciements pour les profs de l’équipe (j’en ai eu plein, c’est là que j’ai réalisé que ça faisait beaucoup de bien). Cette année, j’ai vu passer l’idée d’offrir des « fleurs de gratitude » en calligramme, je déposerai peut être quelques modèles vides ça et là dans le CDI pour voir si quelqu’un se décide à en remplir… ;-)
Des chouettes idées !
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