Comment apporter ma pierre à la nature ?

(Divulgâcheur : c'est plus gai à la fin qu'au début du billet...)

Je rentre le soir en ce moment un peu lassée, et pour tout dire pas hyper enthousiaste de mes journées : heures d'étude enchaînées, ordinateurs occupés à 100% pour les merveilleux diaporamas pour l'oral de brevet, pour les exposés à sujets libres de fin d'année (ah, les recherches sur les rappeurs, les extraterrestres, les footballeurs), les sélections BD et les nouveautés romans qui décorent les grilles et prennent la poussière...
Le soir, je passe devant les poubelles de recyclage qui débordent, les élèves ont gardé des habitudes mais plus personne n'a repris le flambeau depuis que j'ai souhaité arrêter de m'en occuper il y a deux ans.
Et puis je rentre à la maison, j'allume l'ordi, je lis mes tweets, je dépouille L'important.fr... Et je dois avouer que cela ne compense pas trop ma baisse de moral !
Comme beaucoup, je suis victime de "solastalgie" ! (cf article de Libération)

Pour couronner le tout, je suis même de plus en plus obligée de me fâcher en club jeux, un moment totalement offert aux élèves sur mon temps libre du midi, pour leur permettre de jouer au foyer ou dehors au ping pong. Et bon sang que je suis persuadée qu'ils en ont besoin, de jouer entre eux. Normalement, je n'y vais pas à reculons, c'est vraiment des moments chouettes.

Alors vendredi dernier, alors que j'appréhendais de revivre la même chose, les mêmes tensions, j'ai décidé au moment de partir, mon cartable à la main (enfin ma valise, j'en ai déjà parlé ici), de trouver un nouveau sens à ma vie à mes journées au collège !

C'est décidé, tant pis pour le Uno et le ping pong, j'arrête le club jeux pour me libérer une plage pour autre chose. Pour me sentir utile à quelque chose de plus grand que le seul bien-être des élèves.



Je sais, je sais, le bien-être des élèves, c'est important, c'est à la mode, et c'est même le sujet de notre future journée de doc. Mais je trouve que je fais déjà pas mal pour les nerfs de mes chers élèves, que je trouve d'ailleurs très relax.
Je vais donc me recentrer un peu sur ma sérénité à moi, pour une fois. Histoire de terminer l'année sans déprimer.

Ah oui, il y a eu aussi ça, cette semaine. Vous allez mieux comprendre mon découragement :

Et oui, les temps sont durs. Pour un chocolat ou une affiche, certains sont prêts à falsifier des cartes de Z ! Misère de misère !

Le CDI et moi avons besoin d'un nouvel air.
Et peut-être que du même coup, en redonnant un coup de peps et de sens à mes journées, je vais toucher d'autres "solastagiques", y compris parmi les élèves. Parce que non, ils ne sont pas tous relax, on a même de plus en plus d'élèves qui ne vont pas bien du tout, et on est perdus pour les aider. Et ce n'est pas une sieste, une BD ou une partie d'awale qui va les aider à retrouver le sourire, même si cela peut compter !
J'ai besoin de retrouver un peu de sens collectif et d'engagement. De l'action qui donne du sens.

Alors j'ai fait vite fait une affiche, j'ai dégoté un nom ridicule, le seul qui m'est venu sur le coup, pour éviter de faire trop sérieux avec les éco-délégués ou éco-citoyens.
J'ai mis mon nouveau panneau d'affichage devant le foyer...

...et j'ai attendu.

Je me doutais que j'allais voir tourner les talons à une grande partie des 50 élèves qui viennent tous les vendredis (j'en ai une première fournée à 12h avant le repas, et je refais le plein après).
Je m'étais attendu à 3 élèves, pour ne pas être trop déçue.
Ils ont été 5, presque deux fois plus... Miracle !

Chaque nouveau groupe qui parvenait au niveau du foyer s'en est retourné une fois assuré qu'il n'y avait décidément pas moyen de jouer.

Au passage, je précise que l'affiche-cabine était la 2e qui était sur leur chemin. Une autre barrait le couloir, rendant sa non-lecture totalement impossible.
Mais tenter sa chance est la première mamelle des élèves, la non-lecture des affichages étant la 2e !
Cela fait d'ailleurs partie des raisons qui font que j'en ai ras la cafetière de proposer des activités ludiques. Ils sont frénétiques dès lors qu'une carte à jouer ou une raquette est en jeu, c'est infernal. On est à leur service, ils ne nous écoutent plus, c'est comme si on était invisibles.

Au moment donc où ce énième groupe a lâché l'affaire, un de mes éco-élèves s'est exclamé : "Et ben, on n'est pas prêt de sauver la planète !"
Bon résumé, hein ?

Qu'a cela ne tienne, on a décidé à nous 6 (plus deux adultes venus nous rejoindre) tout un tas de truc : un relais oiseau avec la LPO, la reprise du recyclage en version plus simple à gérer que ce qu'on avait mis en place précédemment. Et d'autres trucs, comme une gourde floquée aux armes de la chorale offerte à tous les élèves de la chorale (ils avaient tous leur bouteille en plastique lors du concert de fin d'année😞).

L'affiche a évolué, cf plus bas

Au CDI en fin de journée, un élève m'a fait remarquer que mes plantes araignées avaient plein de rejetons, on a donc décidé de les mettre dans des bocaux d'eau pour qu'ils fassent des racines, et en accord avec le club jardinage, on va prévoir des pots à donner ou à mettre dans des salles du collège. On en profitera pour informer sur les bienfaits des plantes dépolluantes.

Le soir, en discutant à la maison avec mon éco-ado, j'ai décidé d'aller encore plus loin : faire lire un article ? OK, mais un article sur les déchets... Faire travailler sur les mangas ? OK, mais à partir du manga sensationnel Les pommes miracle...

L’histoire vraie d'un agriculteur japonais qui a voulu passer au bio.

Evidemment, je vais continuer aussi à faire découvrir Lilo et Ecosi, et à leur expliquer les avantages à mettre des liens en raccourcis, au lieu de les rechercher à chaque fois dans Google.
Vous voyez le truc ? La planète qui les grattouille partout où ils mettent les yeux ou les fesses. Je vais la leur mettre sous le nez, la nature !

La nature, et les gens !
Il y a déjà pas mal de projets de solidarité au collège, mais on pourrait aller plus loin dans la connaissance de l'autre. En club lecture (mais 6 élèves !) on correspond avec des élèves de Mayotte (coucou Mayotte !!!), et à la lecture de leurs premiers portraits, on voit qu'on a des tas de points communs, malgré nos vies très différentes.
Dites, à Mayotte, vous avez des poubelles de tri ? Et vous avez quoi comme oiseaux dans votre collège ?

Le vendredi suivant, nouveau RDV, avec une "petite" semaine de pub entre les deux.

Et nouvelle affiche. La suppression du club jeux a fait suffisamment le tour (vous imaginez, une info pareille !) pour que je puisse enlever la mention, et il y a de la demande pour agir en dehors du vendredi midi, donc on élargit ! On ne va pas se priver de bonnes volonté, hein !
Après sondage, on garde finalement "club planète", et on mentionne "éco-citoyen" pour la caution sérieuse.

Ils étaient 16, de la 6e à la 3e, en deux équipes (avant et après le repas, ils ne passent pas tous à la même heure).
Je suis regonflée à bloc !
On a remis en place les cartons de recyclage papier au CDI, on a trouvé des débouchés pour nos bouchons, nos crayons, nos compotes, nos tubes de dentifrice, les bébés araignées sont dans l'eau, les exposés lancés, et on a même un projet de vidéo pour montrer toutes les actions dans les classes.

On a décidé de créer une 2e carte de Z : la carte des Zécocitoyens. Une croix quand ils m'aident à faire des boutures, quand ils créent une affiche pour informer sur les plantes dépolluantes, quand ils passent une heure de club à travailler plutôt qu'à s'étrangler dans la cour...
Comme dans les super-marchés : 10 croix, une gourde ou un sac !

Je suis plus sereine ce soir, grâce à l’enthousiasme de quelques ados/enfants très mûrs, qui connaissent les oiseaux du collège mieux que moi, et sont d'une autonomie sans égale. Merci à eux, ils vont sans doute me sauver ma fin d'année (et la planète 😃).

Dans les bouteilles,
l'eau de lavage de mes salades...

Une fois les racines poussées, le club jardinage
fera des petits pots pour en mettre partout, ou leur donner.