jeudi 14 juin 2018

Débat en 4e

Je suis tombée il y a quelques mois sur un reportage diffusé sur LCP, relatant l'expérience d'un club débat dans un collège de Champigny-sur-Marne :
https://www.lapauseactu.com/debatteurs-champigny-pari-reussi (le film n'est plus en ligne aujourd'hui).

J'ai envoyé le lien à un collègue d'EMC, avec lequel on avait évoqué ce type de projets. Après quelques réunions entre nous, nous avons décidé de tester l'idée dans une de ses classes de 4e.



On a d'abord commencé par revisionner le reportage pour bien comprendre les objectifs des adultes, et reconstituer les consignes données aux élèves.
Nous avons ensuite présenté le projet à la classe, en leur indiquant que c'était un test, et qu'ils pouvaient nous donner des conseils d’organisation, ce qu'ils ont fait très sérieusement.

Voici l'organisation que nous avions décidée (1h de présentation en classe, 1h de débat 15j après) :

1- Montrer aux élèves un extrait du reportage, et laisser la possibilité aux élèves de venir voir l'intégralité du reportage au CDI (j'avais mis le lien sur le compte twitter du CDI, et la moitié des élèves l'ont visionné collectivement au CDI, dans la salle avec vidéo-projecteur)
https://vimeo.com/248316570
https://www.dailymotion.com/video/x4jnbby

2- Expliquer la raison du point de vue imposé (les élèves peuvent être amenés à défendre un point de vue opposé au leur, et cela les perturbe) : cela protège leurs propres opinions, ils sont dans un jeu de rôle. Et cela leur permet de découvrir d'autres façons de voir les choses, de se mettre à la place des personnes qui ne pensent pas comme eux. Un des élèves dans le reportage le dit d’ailleurs fort bien (début à 32 : 48, fin à 33 : 04).

3- Choix du sujet : le cadre était imposé (les libertés), nous avons fait un brainstorming pour trouver deux sujets. C'est une étape très délicate : il faut absolument s’assurer que les deux points de vue à défendre sont équivalents, qu'il n'y a pas un groupe "favorisé". Exemple caricatural : peut-on parler comme on veut avec tout le monde ? Le oui est indéfendable. Il faut tester rapidement les deux camps, avant de fixer un sujet.

4- Constitution des équipes : elle était laissée à la libre appréciation des élèves, parce qu'ils devaient pouvoir se retrouver en dehors des cours pour préparer, et les options de la classe excluent certains regroupements en étude.

5- Taille des équipes : nous avions choisi entre 6 et 8, les élèves nous ont dit que c'était trop. Ils préféreraient n'être que 4, pour avoir davantage de temps de parole lors du débat.

6-  Préparation : nous les avons laissés libres. Nous avons regretté ensuite ne pas les avoir accompagnés dans ce travail de réflexion : brainstorming sur le sujet pour aboutir à davantage de pistes de recherches, aide à la recherche d'arguments, de faits historiques ou d'actualité.

7- Organisation du débat :
- Deux équipes face à face, deux des joueurs debout, les autres en attente de leur tour derrière (c'est mieux assis sur une table que sur une chaise, pour pouvoir se sentir plus proche des deux joueurs debout, et pouvoir prendre leur place très fluidement) et le reste de la classe sur des chaises, façon spectacle. Ne pas être trop près les uns des autres, si c'est possible.
- Prévoir de noter au tableau, bien en vue de tout le monde, le sujet, et les deux camps défendus. Nous nous sommes rendus compte qu'on avait souvent besoin de s'y référer, pour ne pas perdre le fil des arguments.
- Nous avions prévu que ce soit les responsables de groupes qui fassent les changements, mais ils n'ont pas réussi à tout faire (débattre, et gérer les changements de parole). C'est ce qui a été le plus difficile à gérer. Quand quelqu'un est dans sa prise de parole, il ne voit pas forcément qu'il tourne en rond, il faut qu'un autre le relaie, mais qui décide ?
- Rappeler les règles du jeu : on ne s’interrompt pas, on s'écoute, on utilise des mots de vocabulaire corrects. On n'interpelle pas un adversaire personnellement, on n'oublie pas que tout le monde joue un rôle. Les adultes peuvent intervenir pour sortir un joueur en cas de dérapage (prévoir un petit signal, une cloche, un instrument de musique).
- Prévoir un temps de bilan pour écouter leurs remarques, leurs ressentis, leurs regrets, leurs suggestions.


Le bilan est totalement enthousiaste, tant du côté des élèves que du nôtre. C'était une expérience quasi émouvante, de voir ainsi nos élèves s'étriper à coup d'arguments, et super sérieux à défendre un point de vue parfois différent du leur.
J'avoue que quand j'ai vu le reportage, je m'étais dit qu'on n'avait pas des élèves capables de faire aussi bien. Or, même pour leur première expérience, ils nous ont totalement bluffés.

Il reste encore des inconnues :
- Faut-il le proposer à toutes les classes (plutôt 4e) dans un cadre obligatoire (EMC, vie de classe, histoire ?) ou de manière facultative en club ? (souci des externes qui sont exclus des horaires de midi, et du manque de motivation et d'assiduité des élèves dans les activités péri-scolaires). Au départ, on partait sur un débat fait en classe pour montrer le principe, et donner envie ensuite à certains de s’inscrire à un club facultatif. Mais devant l'évident bénéfice pour tous les élèves, nous avons du mal à nous dire qu'on le passerait en facu !
- Faut-il laisser les sujets libres ou les imposer ? Mon collègue a listé des thèmes possibles, en lien avec son programme :

Je ne peux que vous encourager à regarder ce magnifique reportage, témoin d'un projet fantastique, et d'une génération étonnante, qui mérite qu'on leur donne la parole, et les armes pour la maîtriser.
En tout cas, nous, on relance l'an prochain !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire