mardi 7 mars 2023

Pour bien vivre au CDI : une grande liberté dans un cadre très organisé. Une ruche, quoi !

Nous sommes quelques-uns à vivre de temps en temps ce genre de moments délicieux.
Mais qui n'a pas entendu, de la part d'un collègue qui entre dans un CDI blindé et silencieux : "Ah, tu as de la chance, ils sont calmes ici !"

Ceux-qui-savent savent bien que ce n'est pas un effet miraculeux de la lecture ! (même si cela y concourt en partie, mais en partie seulement. On sait aussi qu'une classe qui lit, ça peut aussi être très, très bruyant !)
A moins d'avoir des élèves extra-terrestres, cette situation idyllique a comme origine des tas de conditions.
Je vais vous donner ici ma recette personnelle. A
adapter selon son caractère, ses limites personnelles, ses objectifs, et le profil de ses élèves. Et parce que c'est un peu long... et bien je vous en ai fait une version A4.

Ma CPE compare souvent le CDI à une ruche. Je vais donc filer cette métaphore.
Cool, c'est moi la reine !

Heureuse comme une reine !

Ma recette du bonheur en résumé :
- Vouloir créer un lieu inclusif et bienveillant
- Faire simple, clair, explicite, juste et logique
- Tout expliquer

- Être inflexible sur le respect des règles
- Mais être prêt à s'adapter en cas de nouveaux besoins.

Pourquoi ce fonctionnement m'est indispensable ?

 
Avant toute chose, voici les raisons qui me motivent pour que la situation décrite au début de ce billet soit mon quotidien, et pas seulement une utopie :
1- Parce que ça me fait du bien

2- Parce que ça fait du bien aux élèves

3- Parce que je n'ai pas le choix !!

Au CDI, je suis seule et j'ai beaucoup de séances de cours. Il faut donc que je puisse travailler en même temps que j’accueille les élèves de l'étude. Je préfère travailler au CDI tout en laissant la pièce ouverte aux élèves, et ne pas fermer ou laisser quelqu'un d'autre l'ouvrir à ma place. C'est un choix personnel.
DONC, il faut qu'ils soient autonomes.

Par ailleurs, j'ai personnellement besoin de calme sinon je ne suis pas au top, je deviens fébrile, je leur crie dessus, je me fatigue. J'aime l'activité, pas l'agitation.
DONC, il faut qu'ils soient calmes.

On peut difficilement imaginer que les élèves soient désireux d'avoir un cerbère pour les accueillir. Donc s'ils veulent que je garde le sourire et la pêche, que je sois patiente avec eux, tout en ouvrant largement le CDI et en leur proposant des tas d'activités, et bien c'est pas compliqué : ils doivent me permettre de tenir le coup heure après heure ! Et année après année...
Il m'arrive de rendre explicites mes besoins, si des élèves râlent et sont revendicateurs. J'ai découvert dernièrement que plutôt que de hurler en leur montrant la porte d'un doigt rageur (j'avoue, j'ai cette tendance, une fois bien poussée à bout), si je respire un coup, et que je leur explique calmement que j'ai besoin de calme et de sécurité, et que c'est pour ça que je leur demande de sortir pour aujourd’hui, quitte à revenir
une prochaine fois s'ils acceptent ces règles, et bien, cela se passe très bien. Ils s'excusent, cessent ou sortent sans conflit.
Je ne suis pas un super-héros, inutile de le leur faire croire.
Une faiblesse reconnue ne me rend pas moins respectable, ni plus malmenée, au contraire.

Un CDI inclusif et bienveillant, c'est très bien. Je ne vois pas pourquoi je n'y aurais pas droit moi non plus !

Beaucoup d'élèves ont également besoin d'une bulle de calme au collège, d'un lieu refuge. Je leur dois de faire en sorte qu'ils puissent se sentir bien, et qu'aucune des autres activités plus "conviviales" proposées ne nuise à ce besoin. Le foyer est ouvert à chaque heure d'étude, les besoins couverts y sont différents, et c'est très bien pour tout le monde.

Et pour les autres, sans qu'ils en aient nécessairement conscience, ce calme a un effet favorable sur leur état de stress, leur agitation, ou tout simplement leur capacité à travailler. Eux se sentent peut-être contraints, mais c'est pour la bonne cause, y'a pas mort d'homme à devoir lire une BD dans le calme !
Un collège m'a envoyé le lien vers cette page https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Flow_(psychologie), C'est tout à fait ce qu'on souhaite pour eux et pour nous, non ?

D'où des règles claires, simples, affichées, enseignées, respectées par moi, et exigées aux élèves. Ainsi qu'une organisation de l'espace qui facilite naturellement le respect de ces règles.


Préalable : un lieu connu des élèves

Pour qu'un CDI soit blindé et calme, il faut d'abord... qu'il soit blindé !!
J'ai rédigé il y a quelques années un billet récapitulatif sur les moyens de faire venir les élèves au CDI, je remets le lien ici.
Les méthodes de communication avec eux sont importantes, j'en détaille quelques éléments ici.

 

Règle n°1 : un cadre le plus simple possible (s'occuper, ne gêner personne, deux maxi, ne pas bouger les chaises. Et c'est tout !)

Aucune règle superflue. Si elle est trop difficile à faire appliquer, ou qu'elle ne concerne qu'un cas rare, je la retire.

Cela donne ce règlement :
1- Obligation de s'occuper
(d'où la possibilité de jouer à un jeu de stratégie en fin d'heure d'étude, pour éviter les fins d'heure où on se fâche. Détails ici)
2- Faire en sorte que personne ne soit gêné par les activités des autres, moi y compris : pas d'agitation, pas de bruit, pas de discussion qui n'ont rien à voir avec l'activité, règles identiques quelque soit l'activité (lecture, travail scolaire, jeux)
3- Deux maxi par activité, quelque soit l'activité (hors club)
: pilier des règles, pour éviter l'apparition du bruit. Une exception : une seule table collective, pour être à trois, et éviter qu'un élève se retrouve tout seul. (Pourquoi une seule table de 3 me direz-vous ? Et bien parce que 2 trios, cela rentre sur 3 tables de 2, sans laisser personne tout seul s'il ne le veut pas...)
4- Pas de déplacement de chaises : l'espace est prévu pour que le calme règne sans effort. Les chaises sont placées de telle sorte qu'il n'y ait aucun espace à problème. Si je remarque que des bêtises sont souvent faites à une endroit, je le règle en déplaçant les chaises ou les tables.

Pour que ce soit le plus simple possible, toutes les activités sont autorisées quelque soit le moment de la journée.
J'aurais aimé ne pas faire d'exceptions, mais certains moments sont compliqués à gérer. J'ai donc créé 3 exceptions qui permettent de réguler naturellement le nombre d'élèves accueillis, sans avoir besoin de trier/filtrer, ce qui rajouterait de l'agacement chez les élèves, et du stress pour moi :
1- 6ème et 5ème : jamais de travail aux tables (expliqué à la rentrée de 6ème, règle très vite intégrée)
2- Récréation du matin : pas de travail aux tables. Permet de réserver les places aux lecteurs et emprunteurs (et évite au passage les devoirs de dernière minute...)
3- Midi : pas de jeux, sauf lors des semaines CRUC (où c'est d’ailleurs la seule activité possible, avec jusqu'à 40 joueurs certains midis)

J'ai davantage de mal à faire intégrer les deux dernières exceptions en dehors des habitués du CDI, j'ai plus souvent à le rappeler. C'est normal, donc j'explique gentiment les raisons (pour réguler le nombre d'élèves, très nombreux aux récrés et le midi), et ça passe très bien.
Avec moins d'élèves (collège de 600 élèves), je pourrai faire sauter cette règle. Et j'aurais pu choisir d'autres options : un jour par niveau, des inscriptions avant de venir. Mais cela me semble plus lourd à gérer pour moi, plus compliqué à faire comprendre, pour moins d'efficacité et moins de mixité entre niveaux et types d'élèves (et on peut se retrouver avec un CDI vide selon les jours, je l'ai vu pendant le Covid, quand il ne fallait pas mélanger les niveaux).


Règle n°2 : un cadre explicite et explicité

Pour que les élèves sans culture de bibliothèque ne soient pas exclus, pas d'implicite qui vaille !
Il faut donc :
- Tout indiquer : voir billet sur l'affichage explicite + les étiquettes pour les chaises
- Rappeler, expliquer, toujours patiemment (c'est mon objectif à atteindre...)
- Ne pas juger un manquement comme une volonté de perturber. Il faut accepter qu'un élève puisse avoir envie de venir sans connaître les codes, mais sans volonté d'être hors cadre. Si on se braque, on le braque. Soit on ne le revoit pas, soit il revient pour dépasser ces limites non acceptées (en d'autre termes : pour faire chier !). 

J'ai moi-même eu droit à un "chut" agressif, dans la salle d'étude d'une bibliothèque que je visitais pour la première fois. Expérience traumatisante... J'avoue que ça m'a fait tout drôle, j'ai pas eu envie de revenir !

On a toutes les infos, en route vers le flow !

 

Règle n°3 : un espace auto-régulateur avec profdoc invisible

Je l'ai dit un peu plus haut, l'espace est prévu pour que le calme règne naturellement, sans effort. Ni effort conscient pour eux (donc pas besoin de règles officielle !), ni pour moi sur le moment. J'ai conçu en amont, je profite.

- Pas plus de deux élèves par activité, cela régule par exemple le niveau sonore.
- Les chaises sont placées de telle sorte qu'il n'y ait aucun espace à problème. Si je remarque que des bêtises sont souvent faites à une endroit, je le règle en déplaçant les chaises ou les tables.
- Si on veut que les élèves, une fois assis (ils s'assoient souvent avant de prendre quelque chose), s'occupent, et bien il faut qu'ils trouvent à portée de bras de quoi s'occuper !
- Sur les heures d’étude ils doivent rester 1h. Mais au bout d'une demi-heure d'effort (important, pour certains), ils peuvent sortir un jeu de stratégie. Cette soupape est la bienvenue, et une vraie bouffée d'oxygène, quand au bout de 30 minutes, on sent que l'atmosphère change, et que ça commence à bouger, gigoter, bavarder, tourner en rond.

C'est un sujet qui me tient à coeur, et qui revient ici assez souvent. J'ai abordé le sujet dans plusieurs billets : La pédagogie passe aussi par la place des chaises, et des tables, des fauteuils de lecture...

Une fois entrés au CDI, on n'est pas accueillis par moi (il n'y a que pour les heures de cours et d'étude que je suis à l'entrée pour les accueillir, avec des rituels de début et de fin d'heure).
Mon bureau est loin de l'entrée, volontairement, et central par rapport à l'espace.
Je m'efface, me fond dans le décor.

Mais je suis davantage une vigie qu'un fantôme !
De mon bureau, je vois chaque coin et recoin, et toutes les chaises me font face. Aux récrés, je suis le plus souvent debout à scanner un oeil à gauche, puis un oeil à droite, mais aux autres moments, soit je travaille à l'ordinateur, soit je me déplace.

Je souhaite que ma présence ne soit pas la raison qui fasse que les élèves respectent les règles. "Chut, elle arrive", omondieu que ça m'énerve !!
Si la condition pour qu'ils respectent les règles, c'est que je sois sur leur dos sans arrêt, que je râle et ne puisse rien faire d'autres, c'est :
- soit que les règles ne sont pas bonnes : pas logiques, trop nombreuses, superflues
- soit que les règles ne sont pas intégrées : pas explicitées, pas enseignées
- soit que ces élèves seraient mieux dehors. Et y'a pas de drame !

J'essaie au maximum de faire des remarques tout bas, directement à la personne concernée, en me déplaçant et sans parler à haute voix. Pour ne pas que tout le monde lève le nez vers l'impertinent !
Sauf quand il est vraiment dans la provocation et que je veux en faire un exemple à ne pas suivre. Dans ce cas, au contraire, il a droit à un savon officiel et bien fort ! C'est un moyen de communication très efficace.

Peut-être que cela diffère de certains d'entre vous, mon attitude n'est pas pro-active. En gros, sur les moments péri-scolaires (en dehors des cours avec eux, où je suis à 100% à leur disposition), je leur fous la paix, et leur demande la même chose. Ils vaquent à leurs affaires, je vaque aux miennes, en étant disponible en cas de besoin.
Avec moi, pas de "Tu lis quoi ?" ou "Tu l'as aimé ?", c'est pas trop dans mon caractère.
Les élèves empruntent seuls à une table d'emprunt autonome (j'ai gardé des fiches en carton), et ne me sollicitent pas, sauf s'ils ont une question à me poser, un livre à demander.

Meuh non, elle est juste un peu cachée...


Règle 4 : des rituels d'entrée et de sortie, auto-régulateurs eux-aussi

L'organisation régulatrice ne concerne pas uniquement les élèves installés. Cela commence plus tôt, quand ils décident de venir, et dans la manière dont ils entrent.

Il faut donc penser aussi à l'affichage des horaires, du planning, des activités, ailleurs qu'au CDI. Et aux règles d'accès. Avec les mêmes exigences de simplicité et de clarté.

Par exemple, sur les heures d'étude, je prends les élèves rangés sous le préau sous l'affiche CDI (où figure le planning de la semaine). Je pars à la deuxième sonnerie, et une fois partis, aucun élève n'est plus accepté. La régulation se fait donc avant l'entrée.
   Une fois entrés, je me mets devant eux, ils entrent un à un, posent leur cartable (je leur apprend en 6ème à le ranger de côté, pour ne pas prendre de place et ne pas tomber vers l'avant), puis leur carnet (dans des boites 6-5-4-3 et dans le bon sens, pour que mon travail de saisie sur Pronote soit facilité). Avoir les carnets permet d'avoir une "liste" en cas d'alerte. Il suffit de prendre la pile avec soi.
   Les élèves qui veulent aller sur ordinateur attendent dans l'espace BD de l'entrée que tout le monde soit entré (je ne peux pas accueillir et dire bonjour, vérifier qu'ils mettent leur carnet, ET répondre aux questions !). Je les écoute un à un, et si je valide leurs travaux (il m'arrive de dire non), je les installe dans les différents espaces ordi (ils sont dispersés, pour ne pas créer un espace ordi unique générateur de bruit). Une fois installés, je n'ai plus besoin de les surveiller, ou juste d'un oeil rapide de temps en temps. Ils savent que s'ils font autre chose que ce qu'ils ont demandé, ils seront privés d'ordi pendant une durée qui peut aller jusqu'à un an (365 jours ! Pour éviter les bêtises du mois de juin). C'est raide, mais ça marche. Je leur fais confiance a priori, et je sanctionne au besoin. Par an, je dirais que je punis... 2 élèves ? Le système marche TB.
   A la fin de l'heure, je rend les carnets un à un, une fois que j'ai vérifié que les chaises sont rangées. Cela me permet aussi d'apprendre leurs noms !

Sur les récrés et le midi, l'accès est libre, pas de carnet puisque je ne saisis pas les présents. On peut venir 5 minutes, ou rester sur place le temps qu'on veut. Le CDI est en RDC, l'accès est presque direct avec la cour. J'ai cherché des solutions pour que le midi, les élèves et les AED sachent quand le CDI est ouvert, et pour faire quoi. En l'absence d'un cadre clair pour l'accès, et de respect de ces règles par les élèves, ça peut vite dégénérer, et les AED sont tentés de fermer l’accès au couloir.

Enfin, pour les heures de cours, les élèves sont rangés dehors dans la cour ou arrivent directement devant le CDI, et je fais une entrée comme en salle de classe, ils gardent leurs cartables et vont directement s'installer dans la salle de travail.

 

Règle n°5 : des alvéoles inclusives, et un accueil sans jugement a priori

J'essaie d'avoir un CDI inclusif, et que chaque élève se sente légitime à venir.
Cela passe par la prise de conscience que mes règles, même si elles m'apparaissent logiques et justes, ne le sont pas forcément pour tout le monde. Et que s'il me parait facile de les respecter, ce n'est pas forcément le cas pour tout le monde. Notamment si on n'aime pas lire, si on a du mal à s'occuper, si on a besoin de bouger...
Alors plutôt qu'exclure les profils "non lecteurs" ou "non travailleurs", je préfère trouver des parades pour qu'ils aient aussi leur place. J'ai donc rapidement mis en place les jeux de stratégie en fin d'heure, il y a beaucoup d'albums, de Tom Tom et Nana et de Max et Lili, de mangas et de BD, des livres audio... Et des activités différentes de la lecture : relaxation, aide au rangement...

Du moment qu'ils respectent les 4 règles de base (s'occuper, ne pas gêner, 2 maxi, ne pas bouger les chaises), ils doivent se sentir les bienvenus. 

Parfois, des AED accompagnent des élèves jusqu'au CDI, et me demandent d'un air narquois "Il me dit qu'il vient au CDI", sans y croire, étant donné le "profil" de l'élève. Bien souvent, ils sont étonnés quand je valide leur venue comme étant naturelle et habituelle. Et parfois ils avaient raison de douter... Mais tant que l'élève accepte les règles de la ruche, aucune raison de le stigmatiser. Par contre, je le surveille comme l'huile sur le feu, je le piste, je m'assure qu'il s'assoie tout seul et pas à côté des copains, je lui fournis une idée de lecture... Le tout très naturellement, mine de rien. C'est pas le plus facile à faire !
- ça passe ? Tant mieux, un élève de plus de gagné.
- Il réalise qu'il serait mieux dehors ? Je lui fais remarquer gentiment que c'est mieux pour lui et pour les autres. Mais qu'il peut revenir.

Ne pas dire "Tu n'as rien à faire ici".
Mais pouvoir dire le cas échéant : "Si aujourd’hui tu ne veux pas t'occuper dans le calme en respectant les règles, tu n'as rien à faire ici. Mais tu peux revenir demain."

Par contre, c'est là que je diffère peut-être de certains d'entre vous : je ne redonne pas mille chances. Un élève demande systématiquement de l'attention quand il est là, au détriment de mon travail, de celui des autres ? Il est interdit de CDI, le plus souvent définitivement. Je lui dis qu'on va le laisser gentiment mûrir, et qu'il pourra revenir quand il sera prêt à respecter le cadre. Je n'ai pas de scrupules. Au pire, je le prive de BD, y'a pas non plus à en faire un drame.
Je garde une liste des élèves qui ont donné un coup dans la porte, été insolent sans s'excuser, mis le bazar, ou sont venus jusqu'au CDI le midi alors que le panneau n'était pas mis (oui, même pour ça je suis sans pitié !). Souvent, ils respectent l'exclusion, et viennent parfois redemander s'ils peuvent revenir.

Un CDI pour tous les types d'abeilles !

Règle n°6 : un apiculteur pour enseigner le cadre

C'est une étape à mes yeux fondamentale. C'est d'ailleurs une étape incontournable en Pédagogie explicite.
Il ne faut pas se dire que parce que c'est écrit, et à nos yeux logique, c'est intégré naturellement par tous.
Certains élèves auront besoin qu'on leur enseigne ces règles, et qu'on explicite leur raison d'être. Il faut qu'ils comprennent qu'il y a un cadre à respecter, pour être ensuite libre à l'intérieur.

Cette étape nécessite de voir les élèves en cours, pour toucher tous les élèves.

Et cela passe par une batterie d'activités :

- Rallye de découverte à l'arrivée en 6ème : ils comprennent que tout est inscrit quelque part. Et qu'ils auront à être autonomes (prêt autonomes, choix des activités). Mais que pour cela, il faudra respecter quelques règles simples. Ils apprennent aussi les rituels de chacun des moments (récré et midi, heures d'étude, cours), et les règles aux ordinateurs.

- Accès interdit aux 6ème tant que cette première séance n'est pas passée. Donc selon les emplois du temps, il peut arriver que des classes doivent attendre 15j avant de mettre les pieds au CDI. Ce n'est pas un souci pour moi. Aucune envie d’expliquer individuellement ce qui peut être expliqué à un groupe. Et exclu de risquer que des élèves viennent prendre des mauvaises habitudes.

- Les activités du premier trimestre en 6ème sont axées sur la connaissance du CDI, ses règles, le rangement des livres, les outils de communication (Pronote, Esidoc) et les activités proposées (ils apprennent tous à jouer à 2 jeux proposés sur les heures d'étude, découvrent quelques exercices de relaxation)

- A la fin de chaque heure d'étude, je redonne les carnets seulement si le CDI est rangé. Donc la plupart prend l'habitude de ranger sa chaise. Au fil de l'année, je n'ai presque plus besoin de vérifier.

- Problème des nouveaux élèves : j'essaie de les avoir en vie de classe quand il s'agit d'un groupe nombreux (sections sportives à partir de la 4ème), ou lors de leur arrivée, en demandant à ce que la vie scolaire me les envoie. Je fais de la même manière visiter le CDI à tous les nouveaux AED ou professeurs. A qui j'explicite les règles et leur raison d'être.

- Leur faire vivre "une heure d'étude" sur une heure de cours (donc sans d'autres élèves avec eux), pour repérer les manquements et les expliciter, voir qui aura du mal à s'occuper et étayer davantage, faire découvrir les activités. Comme ça, sur les "vraies" heures d'étude, ils peuvent plus facilement se fondre dans le décor et ne pas apparaître à côté de la plaque, ce qui m'obligerait à intervenir au risque de les stigmatiser aux yeux des autres. L'idéal d'une heure d'étude pour moi, c'est quand une fois l'installation faite (avec plein de rituels de début d'heure pour rendre l'arrivée fluide et organisée), tout le monde vaque à ses occupations, y compris moi, sans qu'on entende le bruit de ma voix.

- Accepter de répéter souvent, surtout au début de l'année. A partir de février, je ne répète plus, je fais sortir, ou j'exclue définitivement.

Règle n°1...

Règle n° 7 : un respect sans aucune faille (de ma part)

Comme je le dis aux élèves, j'applique mes règles ! Il m'arrive de dire "non, je n'ai pas le droit, c'est pas autorisé au CDI".
Une fois qu'elles ont été définies, cela me libère de la charge mentale, je n'y reviens pas.

Bien sûr, si moi ou des élèves remarquent que quelque chose cloche, j’observe et j'analyse, et le cas échéant, je modifie le cadre.
Exemples :
- Le travail scolaire est interdit à la récréation du matin, mais devait-il l'être aussi le matin avant les cours ? Quand j'ai ouvert ce nouveau créneau du matin, je n'avais pas prévu le cas. Les premières fois qu'on m'a demandé, je n'ai pas su répondre, j'ai dit que j'allais y réfléchir. Pour finalement l'autoriser, puisque la fréquentation est moindre qu'à la récréation.
- Est-ce qu'on peut aller dans l'espace relaxation le midi à plusieurs élèves, alors que c'est limité à 1 sur les heures d'étude ? Après réflexion, je l'ai autorisé seulement les midis sur les semaines Bien-être.

Et je n'ai pas de scrupules à exclure, ou même à fermer entièrement le CDI si trop d'élèves se mettent à abuser, ou à être revendicateurs et désagréables. Je me casse la tête pour qu'ils soient le mieux possible, le plus nombreux possible, mais j'exige qu'ils respectent mon travail et mes décisions.


Règle n°8 : un respect sans aucune faille (de la part des élèves)

 
C'est assez facile : soit ils respectent, soit ils sortent.
Or, ils n'ont pas envie de sortir. Donc leur motivation est assez solide !
Quand il arrive que je doive faire une remarque :

1-  J'explicite, je rappelle la raison d'être de la règle

"A la récréation, vous êtes si nombreux que je ne peux pas accueillir tout le monde, donc j'ai créé une priorité pour les lecteurs et emprunteurs."

"A la récréation, il y a peu de temps, donc on peut aller sur les ordi pour un rattrapage rapide ou pour consulter Esidoc, pas pour travailler comme sur une heure d'étude."

2- Je prends sur moi pour rester calme (j'avoue, c'est plus facile le lundi 10h que le vendredi aprem...). Mais une fois qu'on a intégré cette exigence de zénitude comme un geste pédagogique, on arrive à faire semblant. Et à force de faire semblant, on finit par ne plus être agacé par les situations qui nous mettaient hors de nous avant.

Photo libre de droit
Résultat : voici le CDI sur les temps péri-scolaires ! Un doux vrombissement afféré.
Oui, c'est pas très Covid. Imaginez donc la perte de sens pour un tel lieu !

 

UN DERNIER CONSEIL : ne faites jamais d'exceptions !!

Ce sont les exceptions qui mettent la pagaille, à la fois dans notre tête et dans celle des élèves.

Acceptez un truc une fois, et vous êtes à peu près sûr qu'on va vous le demander une deuxième, ou même le faire directement sans vous demander, même si vous aviez précisé que c'était une exception. Le plus fort, c'est que d'autres élèves vous le demanderont, parce que les exceptions courent plus vite que la lumière !

Comment dire non à un élève, si vous avez dit oui à un autre ? Comment vous justifier, à part admettre que si vous faites des exceptions, c'est que vous faites des différences entre les élèves ?
Peu importe que votre exception soit liée à votre fatigue, le hasard ou un concours de circonstance, ce que les élèves retiendront, c'est que vous ne les traitez pas pareil. Et si vous êtes à peu près humain (moi, des fois, je sais pas...), vous aurez tendance plus facilement à faire des exceptions pour des mignons, des habitués. Ne jamais faire d’exception va donc vous protéger de ces tentations.

Qui dit que tel élève pénible en classe va l'être dans une autre situation ? Pour leur donner à tous la même chance de faire leurs preuves, ne faisons jamais d'exception. Il y a plein d'avantages à en retirer :
- Personne ne pourra vous reprocher de privilégier untel ou untel.
- Votre charge mentale sera allégée.
- Et en prime, les élèves "privilégiés" ne s'entendront pas dire qu'ils sont les chouchous ou les fayots.

Jamais d’exception, vous dis-je !

J'avoue qu'en tant que presque-humaine, cela m'évite aussi de vivre une situation hautement horripilante : que des élèves qui viennent tout le temps se sentent au bout d'un moment tellement à l'aise et comme chez eux, qu'ils finissent par être lourds et désagréables. Voire désagréables avec les autres, en les prenant de haut. Être un pilier de CDI n'est pas un gage de sympathie !

Et ben dans mon CDI, personne n'est au-dessus des lois, même pas le profdoc !

Est-ce que tu peux aller sur les ordis pendant la récréation ?
Attends, je ne sais plus, je regarde le règlement.

 

Voilà, à vous de faire votre propre miel de tout cela, en l'adaptant à votre essaim, et à la qualité des fleurs à butiner dans votre établissement.

Oui, au CDI, mes élèves sont calmes et affairés.
Mais cela ne tient pas à la chance. C'est ma réussite, et la leur !
Et je suis fière d'eux, et de moi !

C'est pour toutes ces raisons que je suis persuadée qu'on ne peut pas "ouvrir" un CDI si on n'a pas observé, analysé, conçu et enseigné cette pièce très particulière, qui doit remplir des objectifs nombreux et variés. Je ne sais pas trop ce que je suis, ni comment j'aimerais me nommer. "Professeur documentaliste", c'est assez con, je trouve. Je me sens professeur jusqu'au bout des antennes, mais aussi bibliothécaire, documentaliste, animateur, formateur, conciliateur, sociologue.
Tout sauf la gentille dame du CDI, à vrai dire.
Les élèves disent "la prof du CDI", et c'est finalement assez juste.

C'était ma méthode pour ne jamais avoir le bourdon !
(OK, c'était facile, mais j'ai pas résisté...)

2 commentaires:

  1. Merci !
    J'ai toujours l'impression d'être plus stricte que mes collègues mais je reste persuadée que c'est en étant parfaitement carrée que ça marche le mieux pour tout le monde. Sauf que je ne suis pour l'instant que TZR donc obligée de me couler dans les habitudes de celleux que je remplace ou complète. ça fait vraiment plaisir de voir une autre prof de CDI avec quasi exactement la même vision du métier que moi. Et ça me conforte dans mes objectifs pour quand j'aurai enfin "mon" CDI.

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  2. Merci pour cet article que j'ai eu plaisir à lire (merci Twitter). Ça me conforte énormément dans ma façon de faire certaines choses. Ici, j'ignore quelle image les élèves ont du CDI, mais une grosse majorité s'y comportent, comme tu disais à un moment, comme à la maison. Le plus horripilant pour moi : quand ils s'installent et se mettent à bavarder (en faisant du bruit, bien sûr) Dans "mon" CDI, les règles sont peu nombreuses et simples mais parfois, je crois qu'ils confondent CDI et cour de récré. C'est fatiguant car c'est une grosse majorité d'élèves. Les "gentils", eux, finissent par ne plus venir parce que les autres font trop de bruit. Et je ne parle même pas de la pause méridienne (le CDI devient un vrai hall de gare). Je suis parfois fatiguée de devoir toujours ménager la chèvre et le chou. J'ai souri quand j'ai lu que tu fermais le CDI dans certaines circonstances, refusais les classes avant de les avoir briefées. Ici, je n'en aurais même pas le droit !.. Enfin bon, en tout cas, j'ai grandement apprécié ton article et je pense que j'y reviendrai pour m'intéresser aux liens que tu as inclus.

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