lundi 7 mars 2016

Ces sursauts à répétitions me donnent mal au coeur

Ce n'est plus un sursaut, c'est les montagnes russes !!


Pour survivre, rebondit !
Figurez-vous que quelques heures après la parution du billet "sursaut", j'ai appris qu'on allait accueillir au collège 300 élèves de plus dans un an, et passer de 600 à 900 (800 collège + 100 segpa). Les plus optimistes tablent sur un collège 800...

N'en jetez plus !
Alors que j'avais retrouvé une nouvelle dynamique, j'ai recommencé à avoir des idées noires : adieu ma petite organisation pas franchement dans les clous, mais pratique quand même !!
Après 15 jours de consternation, j'ai repris du poil de la bête, notamment grâce aux messages qui ont circulé suite à cet article qui a eu l'air de raisonner chez beaucoup. Je me sentais moins seule. 
Alors avec beaucoup de mauvaise foi, je me suis dit : "et bien, cela fera 300 élèves de plus qui profiteront du beau CDI et de l'ambiance qu'on a réussi à créer !". Une affaire réglée, on passe à autre chose.

Mais en fait, un autre problème arrivait à l'horizon, que je n'ai pas vu venir... Comment allais-je m'organiser, et survivre ?? (ça, c'est du Jules Verne, il fait tout le temps ça dans ses romans, c'est pénible, d'ailleurs. "Elle ne savait pas encore que sa vie allait devenir impossible... Tadam !")

Alors au lieu de m’inquiéter, j'ai recommencé frénétiquement à chercher des infos sur la rentrée, toute guillerette. 
Et bien il va vraiment falloir que j'arrête la veille, sinon je risque de tomber encore sur des comptes rendus de réunion comme celui du site de l'adben pays de la Loire, réunion du 49. Pauvre de nous ! Mais bon sang, ils cherchent quoi ? A nous faire tous démissionner ?


Bidibule-doc a donc repris du service. Mais depuis, je peinais à trouver une autre idée pour rebondir, je fatigue un peu !

Or, hier soir, après une journée de dimanche passée à préparer mes séances de la semaine, je me suis vue travailler, au bord de l'implosion. Comment allais-je pouvoir m'organiser, si tant est que j'arrive à y comprendre quelque chose avec les progressions demandées en EMI, EMC, info-doc et Cie.

J'ai passé en revue la facilité que j'avais eu à prévoir mes séances "à moi", et les difficultés que j'avais eu à organiser celles prévues avec les collègues, en désormais fausse inter-disciplinarité.
J'attends en effet que 2 collègues de 4e intéressés par une activité autour de la source des images prennent RDV, mais ils n'ont pas encore casé la séance dans leur programmation.
Il s'agira d'un petit jeu de détective, les élèves devront chercher le plus d'infos possibles sur une oeuvre d'art dont le fichier image sera enregistré sur le serveur. Ils devront utiliser un moteur inversé (mais ça, je ne leur dit pas !) et ensuite fouiller plein de sites à la recherche de l'auteur, de la date... J'en salive ! 
Mais j'ai bien peur de ne pas pouvoir la faire avant celle prévue en EMC sur les libertés, où ils vont pourtant avoir besoin de se resservir de ça pour leur padlet, s'ils veulent sourcer leurs images. Ceci dit, cette séance n'est pas encore programmée non plus, il faut que la collègue arrive au bout de son chapitre précédent, et quand ça arrivera, il faudra que j'ai des dispo sur ses heures.
Allez, je ne vais pas jouer les Cassandre, je ne vois pas pourquoi ça ne collerait pas...

Je fais comment, si je veux multiplier les séances en collaboration (parce que c'esindéniablement mieux quand je ne suis pas toute seule de mon côté à vouloir passer des compétences info-doc) ? Comment je survis au stress et aux difficultés d’organisation ? Et ben je peux pas !!
Bon, mais alors quelles doivent être mes priorités, comment je choisis ce que je lâche ?

Encore sous le coup de la frustration de ne pas trouver une solution, je me couche, et là : "Mais au fond, c'est quoi le plus important pour les élèves ? De quoi les élèves ont le plus besoin, venant de moi ?"

Est-ce :
- que les élèves connaissent les coulisses des data center
- qu'ils sachent faire une carte heuristique
- qu'ils citent leurs sources et maîtrisent les communs
- qu'ils se créent un EPA
- que, comme le suggèrent les inspecteurs du 49, ils évaluent l'information « à la croisée des cultures informationnelle, médiatique et numérique". (Mais pourquoi continuent-ils à former les docs ? Ce sont les vrais profs qu'il faut former à tout ça, maintenant ! A eux de se coltiner les EPA, les documents de collecte, les sources...)
- qu'ils jouent à l'awalé avec des élèves qu'ils ne connaissaient pas l'heure d'avant
- qu'ils lisent, qu'ils lisent, qu'ils lisent
- qu'ils aient des habitudes à la bibliothèque municipale et qu'ils réservent des livres à distance
- qu'ils sachent qu'on peut acheter des livres via internet, et aller les chercher en librairie
- qu'ils fassent des Légo techniques et de l'origami
- qu'ils sachent ce que veut dire un entourage noir dans les mangas ? Qu'ils reconnaissent les plongées et contre-plongées, les SD ?
- qu'ils me disent en me croisant sous le préau "ça y est, Madame, je suis accros aux romans !" (Merci Lucie, tu m'as définitivement sauvée avec ces quelques mots)
- qu'ils aient le sourire et la patate en se rangeant dans la file CDI ?

Faut-il vraiment que je réponde ?
Les ordi, les autres profs vont s'en charger (mais si, mais si, les inspecteurs le disent), donc faisons ce que personne ne fera à ma place.

J'ai revisionné "L'homme qui voulait changer le monde", avec la voix hypnotisante de Gougaud.



En 5e, je voulais changer l'école. Si je ne veux pas trahir mon rêve, il faut que je me raccroche à mes
convictions de départ. Ils n'auront pas ma peau de vieille doc.

Ce matin, j'ai vu mes emails pense-bête de la veille : "réfléchir différences EMI et info-doc (qu'est-ce qui n'est pas dans l'EMI ?)", "quels sont les rapprochements possibles entre EMI et EMC ?", "fouiller du côté de l'option EMI de ce collège", "padlet EMI à découvrir".
Mon dieu, mais où allais-je me perdre ?
Et la lecture, et le partage, et l'ouverture culturelle ? J'ai failli vendre mon âme à 2016. Tant pis s'ils ne savent pas ancrer des images dans des tableaux de trois colonnes formatées en 100%.


Sursaut, le retour, ou la recette de la sérénité retrouvée

Ah comme ça je "participe à" !
Ah comme ça je "contribue à" !
Et bien soit.
On m'enlève officiellement la mission de former TOUS les élèves à la recherche doc ? Je dois juste contribuer ? J'en prends bonne note, je m'en sens désormais officiellement déchargée.

Je vais donc faire juste de mon mieux, pour que les élèves maîtrisent leurs outils numériques du quotidien (pas ceux pour la scolarité, mes collègues s'en chargeront), sans me prendre la tête avec tous les référentiels, sans chercher à arranger sans cesse tout le monde (exit les sites pour l'orientation, les usuels sur le net, les rumeurs sur internet, les dangers des réseaux sociaux, sauf si ma copine CPE ou les PP me demandent).
Je vais arrêter de croiser toutes les "éducation à" en vue d'une illumination pour trouver ma place.
Ma place je l'ai déjà, je l'avais presque oublié.

Et puis tant que j'y suis, je vais aussi arrêter d'aller aux conseils de classe, d'évaluer dans Pronote et le LPC, de mettre des appréciations dans les bulletins.
Si d'aventure quelqu'un organisait une réunion sur l'organisation de ces thématiques EMI, et bien j'irai. Mais je n'organiserai rien, ne prendrai aucune casquette EMI, info-doc. 
Et en attendant une telle réunion (ah ah...) je vais continuer ma tambouille au CDI et avec MES élèves, tant que j'en ai à moi....

Et cette tambouille, n'en déplaise aux inspecteurs qui ne veulent même plus nous voir oeuvrer avec des classes en inspection (zut, il va falloir que je révise la dewey), et bien cette tambouille comportera des cours, des vrais cours, épouvantables de pédagogie et de pédagogisme. Avec le rang dans la cour, puis devant le CDI, puis l'entrée avec les bonjours, puis l'appel, puis "la dernière fois", puis "aujourd’hui", puis les activités en groupes, sur ordi, sur papier, dans les livres, dans les sites... Avec des rituels, de la pédagogie différentiée, des bocaux et des couleurs, des tas de compétences EMI pour s'en sortir dans la vie, des histoires pour grandir, mais chut... cela reste entre mes élèves et moi.
Activité : en utilisant paint, changez la couleur de la capuche de la doc !
(http://www.mes-coloriages-preferes.biz)
 
Ces moments de travail obligatoires sont vitaux pour un CDI sain, je l'ai déjà longuement expliqué. Ils leur montrent le chemin du CDI, puis les font revenir seuls, leur donnent les clés de ce lieu AOC (Autonomie et Ouverture Culturelle, brevet déposé, parce que ça marche !).

Ces cours permettront aux bientôt 900 élèves du collège de savoir que la dame avec le pantalon bouffant et la capuche rouge de lutin, c'est la doc ! Tu sais, la dame qui nous accueille au rez de chaussée, là où c'est paisible quand on est sage, et où ça grogne aussi parfois, mais où on revient, parce qu'il y a des livres, des jeux, des activités, des cours où on apprend plein de trucs pour les ordi, et où on écoute des histoires.
Elle est prof, la dame ? On s'en fout, finalement !
Par contre, la dame, elle est en colère, et elle est fatiguée !


3 commentaires:

  1. Au mois de décembre, mon amoureux et néanmoins compagnon de tous les jours, a constaté mon état de nerfs déplorable et a craint que je fasse un burn-out comme notre CPE. Il s'est mis en colère et a promulgué un des rares décrets qui règlent notre vie commune : "tu ne bosseras plus le week-end". A la limite, je peux encore lire de la littérature jeunesse ou même pédagogique, mais rien de plus et SURTOUT, interdiction absolue d'ouvrir mes courriels professionnels.
    Ce fut difficile. Il a fallu faire des choix, laisser tomber des dizaines d'idées géniales (dont au moins la moitié viennent de ce blog), et revoir sa façon de travailler. Mais :
    1. ça permet de faire le point sur l'importance des choses, pour les élèves et pour moi ;
    2. je vais mieux
    3. la gestion du CDI recommence à avancer, je reparle aux élèves et c'est bon pour tout le monde.

    Bienvenue au club...

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    1. Ce n'est pas le travail à la maison qui me stress. Mon homme à moi passe son temps à bosser aussi, on se fait des coucous de chaque côté de nos ordi. Non, c'est que certains trucs désormais m'exaspèrent, m'épuisent et s'avèrent impossibles à résoudre.
      Mais il est hors de question pour moi de lever le pied, ce serait me priver de trop de satisfactions. Il faut juste que j'évacue tout ce qui est inutile, stérile, institutionnel, puisque l'institutionnel n'a pas à mon avis fait les preuves de son efficacité en ce qui me concerne.
      Et je vais retrouver de ce fait un niveau de travail plus acceptable, tout en restant dans le plaisir de faire du bon boulot.

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  2. Merci pour toutes ces réflexions vraiment rassurantes, intéressantes et rafraichissantes! Je vois que je ne suis pas du tout seule dans toute cette "tambouille" (pour être polie)!
    Finalement, voyons le côté positif : nous avons plein de missions, pleins de dispositifs dans lesquels on peut s'investir, il n'y a plus qu'à choisir! Et heureusement que l'institution ne nous met pas tout sur le dos, ce serait ingérable!!

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