mercredi 16 mars 2022

Bouée 1 de notre régate "poldoc" : Pourquoi j'hésite tant à diminuer l'exhaustivité du fonds ?

Oui, pourquoi ?
Et bien sûrement parce que je suis une vieille doc !
Formée à la Dewey, avec un héritage de bib-doc qui se doit de gérer un fonds de CDI comme à la bibliothèque. Avec des rayons équilibrés et bien achalandés.

C'est sans doute nécessaire en milieu rural, sans ressources à des km.
Mais mon collège est proche du centre, avec deux librairies, deux bibliothèques et des bibli dans les villes et villages de secteur.

Si je veux être très honnête, à part ME faire plaisir, faire plaisir à la fille grande lectrice d'UN collègue (pas le même collègue au fil des années), et à UN lecteur de temps en temps, QUI lit les "gros" romans formidables que j'achète ? Et parfois même pas gros, mais juste un peu complexes ou exigeants.
Les gros lecteurs sont absents du CDI, mais cela veut-il dire qu'ils n'existent pas du tout ?
On pourrait faire le pari qu'ils achètent ou vont en bibliothèque, non ? Et qui dit qu'ils ne lisent pas du numérique, ou dévorent les bibliothèques de leurs parents ?
(Réponse la semaine prochaine, avec le résultat de l’enquête lecture ! Suspens !!)

Alors si les gros lecteurs trouvent des gros livres ailleurs, pourquoi continuer à en acheter, et pourquoi ne pas me concentrer sur les autres types de lecteurs, plus fragiles ?
Si l'on rajoute que les projets des professeurs de français n'incluent désormais plus trop cette littérature, et qu'il est devenu rarissime que des collègues prévoient des recherches dans des livres documentaires, on peut se demander ce que je fais à m'agripper à mes vieilles habitudes !
Pourquoi continuer à acheter tous ces types de livres, à part pour maintenir l'exhaustivité du fonds, et une tradition ancestrale de profdoc ?
Quel est l'enjeu exactement de cette réflexion sur les achats ?

Changement de paysage au bout du voyage !

 Rappel du programme de la course : https://clairementdoc.blogspot.com/2022/03/regate-politique-documentaire-programme.html

Explications après le clic :

1- Situation actuelle : politique d’achat "d'avant", mais avec moins de moyens

Du fait des restrictions budgétaires et la hausse du prix des livres, voici ce que j'achète de moins en moins, voire plus du tout : gros romans, dictionnaires, romans en langues étrangères, livres documentaires sur les disciplines scolaires.

Et voilà comment je le vis :
1- gros sentiment de culpabilité de ne pas "bien" faire mon travail😣
2- tristesse de voir plein de romans neufs non lus (Pourtant, qu'est-ce qu'ils sont bien ! 😢)
3- dépit voire colère devant la très grande difficulté à récupérer les romans prêtés lors de quelques projets lecture : rendus sans avoir été lus, le plus souvent après de multiples rappels, et parfois même pas rendus du tout 😡

 

2- Nouvelle proposition, officialiser l’arrêt des ces achats non rentables, et aller plus loin dans la démarche.

Changer de stratégie permettrait de favoriser :

1- la lecture sur place, sans emprunt à la clé, donc des lectures courtes.
L'idée est de proposer des tas de p
etits romans suffisamment courts pour être lus sur place, mais plein de romans. Plein plein !!
Et bien sûr toujours des BD/mangas et livres documentaires sur des sujets demandés par les élèves 😍

Des tas de petits livres plus nombreux, parce que moins chers. J'ai suivi une formation Canope en ligne qui m'a fait réaliser qu'il existe des tas de collections de livres courts, que je n'exploite pas suffisamment, ne les connaissant pas.
Vous allez rire : comme j'ai peu d'argent, je ne peux pas me permettre de me tromper dans mes achats. Donc je lis AVANT d'acheter. Donc je ne lis QUE ce que je peux trouver en bibliothèque : donc jamais beaucoup de nouveautés, et que des achats pour des lecteurs de bibliothèque.
Vous le voyez, le problème ?

2- les emprunts spontanés : BD et mangas et quelques sujets de documentaires, seuls emprunts spontanés depuis quelques années😆


3- BILAN des opérations

Vous voyez la différence de ressenti émotionnel ?😃👌 (c'était pour ça, les émoticônes)

 

4- Si je change, quelles conséquences sur l'organisation du CDI ?

Voici les éléments qui pourraient aller avec cette nouvelle politique d'achat (et disons-le tout net, si ce n'est pas le cas, inutile d’acheter des livres, même courts !!) :

- Axer mon action sur la lecture sur place : en étude et le midi pour les volontaires (et ils sont assez nombreux, comme on le verra avec l’enquête lecture), mais surtout sur des temps offerts à tous, sur les heures de cours (on y reviendra, c'est le nerf de ma guerre)

- Caisses thématiques plus nombreuses (J'ai déjà commencé à créer des boites maison, et ça a marché instantanément ! Il faut que les livres sont en frontal. Les présentoirs ou les grilles, ça ne marche pas. Photos de mes créations ici :https://padlet.com/refnum_mathurin/defis20202021)

- Restructuration et aération des espaces devenus un peu trop chargés au fil des années.
Ils font dire au gestionnaire, à chaque fois que je dépose une commande : "Mais tu vas les mettre où ?", et à la direction, quand je déplore les baisses de crédits, que le CDI a beaucoup de livres.

C'est vrai, le CDI a beaucoup de livres, mais pas nécessairement des livres récents, ni ceux qui servent l'objectif principal du moment, à savoir : "Comment faire lire les élèves ?"


5- Est-ce la fin de tous les soucis ? Que nenni !

Cette solution n'annulerait certes pas mes cas de conscience !
Au "Bouh, mes beaux livres tout neuf ne sont pas lus", je substituerai une autre lamentation : "Ouin, je fais quoi des livres documentaires non utilisés mais exhaustifs sur les 100 cases du savoir ??"

Quelques exemples de questions qui hantent mes nuits (non... mais mes journées, un peu...) :

- Est-ce que je bascule en réserve (déjà pleine...) les livres documentaires vraiment jamais lus, quitte à déséquilibrer les rayonnages, pour récupérer de l'espace ? Il faut savoir que je désherbe très souvent, et que j'ai la poubelle facile. Il ne reste donc plus beaucoup de marge de manœuvre dans le pilon.

- Est-ce que je crée un rayon Dewey un peu tassé dans un coin, pour libérer de la place pour des accès frontaux ? Et dans ce cas, il faut des tablettes plus espacées entre elles, pour qu'on visualise le contenu.

- Est-ce que je mets des caisses partout ? Les tables sont déjà pas mal pleines, avec mes nouvelles boites faites maison. Il ne faut pas non plus tomber dans la surcharge visuelle. Trop de boites tue les boites !

Même si cela ne résout pas toutes les difficultés, ou si cela en substitue d'autres, je sens bien que cette évolution est logique pour répondre aux changements de besoins et d'habitudes de lecture des élèves d'une part, et de pratiques pédagogiques d'autre part.
Qu'on le regrette ou pas, on doit faire avec, parce que ce n'est pas avec un petit CDI bien achalandé que je vais changer le monde (comme on va le voir une prochaine fois, en revenant sur mes 25 derniers bilans de CDI...).
 

Avant toute chose, et avant de lancer des grands débats passionnés en conseil pédagogique, il fallait quand-même s'assurer d'une dernière chose : 


6- Bon, au fait, les élèves, ils veulent lire, ou ils veulent pas ?

Il me fallait une enquête précise avant d’affirmer que les élèves ne consacrent plus du tout de leur temps de loisir à la lecture, parce qu'ils ne veulent pas lire.
C'est chose faite, l’enquête est dépouillée, j'en reparle la semaine prochaine.
Spoil :
- j'avais raison, ils lisent moins
- j'avais tort : c'est davantage par manque de temps, de motivation ou d'idées, que véritablement par détestation de l'activité.

Cap sur la 2e bouée : le profdoc fait causer ses élèves, avant de parler à ses collègues !

Le profdoc moderne sait s'adapter aux changements de vent,
même s'il risque de prendre l'eau !

1 commentaire:

  1. Super intéressante cette série d'articles ! (comme toujours !)
    Je me pose aussi beaucoup ces questions, j'ai aussi cette impression de "vieille doc" qui fait comme on m'a appris alors que les choses changent. Bon, cela dit dans mon cas précis, comme je dois entièrement constituer le fonds, la problématique est différente, mais quand même liée (est-ce utile d'acheter des livres qui ne sortiront jamais ?)
    J'ai aussi décidé de passer beaucoup de budget dans la lecture plaisir. Par contre, je te rejoints un peu moins sur les documentaires car j'ai régulièrement des collègues qui veulent des sélections thématiques (pour des recherches et/ou des emprunts) sur des thèmes et régulièrement ce sont des thèmes inédits du coup ça m'arrive souvent de dire que je n'ai rien sur ce thème et je déteste ça ! Une occasion de travailler ensemble ratée ! Le problème étant que mes collègues (en tout cas ceux de mon collège actuel) ne répondent jamais à mes sollicitations pour la politique d'acquisition donc c'est compliqué.

    RépondreSupprimer