mardi 29 mars 2022

Bouée 3 de notre régate "poldoc" : changement de cap validé, on avance (enfin) !

Chers co-régatiers, souvenez-vous, on a vu la semaine dernière les résultats de l'enquête lecture :
- Les élèves lisent moins de romans, mais pas forcément moins "tout court"
- Par contre, ils lisent chacun moins souvent
- Ils ne sont pas opposés a priori à la lecture, mais n'y consacrent pas de temps de loisir à la maison (il faut donc les pousser aux fesses en les faisant lire sur place, et ainsi se redonner une chance de relancer la machine)
- Ils manquent d'idées de lecture (là, c'est à moi de jouer !!)
- Ils lisent aussi "autre chose" que des récits papier, même si cela reste marginal (livres numériques ou mangas en ligne, audio, fanfiction).

Depuis la parution du billet, et ma communication aux collègues, le Centre nationale du Livre a sorti son enquête. Les résultats rejoignent mes constats, mais j'ai vu aussi que la situation de mon collège était quand-même un peu pire...
La tranche d'âge n'est pas la même, on peut donc imaginer que les chiffres sont logiques pour un collège. Ou pas...
- Nous : 34 % n'aiment pas trop lire, 14% disent détester
- France des 7-25 ans : 11% n'aiment pas trop, 5% détestent.

Bref, outre le fait que mon enquête a confirmé des tas de choses que je pressentais (et que je disais années après années dans mes bilans), cela m'a donné des billes pour mettre deux choses sur le tapis du conseil pédagogique :
1- l'envie de changer de politique d'achat, d’abandonner officiellement (et pas par défaut) l'exhaustivité du fonds, pour privilégier sur le budget de base du CDI les achats demandés par les élèves, mais aussi des romans très courts, afin de permettre des lectures loisirs courtes (sur place, ou vite bouclées à la maison)
2- l'envie d'institutionnaliser des moments de lecture sur place, dans toutes les classes, une fois par an au minimum, pour ne pas en rester à des voeux pieux chaque année lors de mon bilan.

J'ai donc diffusé le résultat de l’enquête lecture aux membres du conseil pédagogique, accompagné de ces deux propositions à discuter et à valider le cas échéant.
On a discuté. Ils ont validé. Cœur sur eux !
Attention vos têtes, on vire de bord, cap sur la lecture loisir !!

BATEAU ARRIVE (LE)
Ce conseil péda m'a mis du bôme au cœur !

 

Les arguments en faveur du changement de politique d'achat

Je vous renvoie au premier billet de la série "régate poldoc", puis au second.


Les arguments en faveur de la lecture sur place : ceux qui viennent des élèves

Ce que nous a appris notamment cette enquête lecture, c'est qu'ils aimeraient bien lire, mais manquent de temps.

"Ils manquent de temps ? Avec toutes ces heures qu'ils passent devant les écrans ? Ils n'ont même pas la bouffe à faire, ces feignants"

Non, il ne s'agit pas du dernier discours sur les profs, mais bien de ce qu'on entend parfois dans la bouche de certains adultes, quand on dit que les élèves n’ont pas le temps de lire. Et dans la tête des autres, qui y pensent un peu quand-même (moi inclus !).
Il est alors bon de rappeler aux adultes que peu d'entre eux prennent le temps de lire 1h chaque jour. Peut-être préfèrent-ils eux aussi le soir une petite série Netflix, au lieu de prendre un roman. Et jouent-ils au Monopoly avec leur petit dernier quand la tarte cuit, ou bien en profitent-ils pour checker leur fil Twitter ? (je ne parle pas de moi, bien sûr, on n'a pas de Monopoly...)

Bon, alors au lieu de jeter la pierre aux ados, relevons simplement qu'ils ont perdu l'habitude et/ou l'envie, mais qu'il suffit peut-être de leur donner l'occasion pour que ça revienne.
Et je vous assure que ça revient, j'en fais tous les jours l'expérience. La lecture sur place, c'est mon cheval de bataille. Je suis persuadée que c'est la mesure la plus simple pour redonner aux élèves l'envie de lire.
La lecture sur place ne suffira évidemment pas. Il conviendra de rajouter les autres compétences de lecteurs, dont j'ai déjà largement parlé ici : un "lecteur durable" sait ce qui existe, ce qu'il aime, et comment trouver des lectures.

Je vais aborder plus bas le cas du 1/4h lecture, pour expliquer en quoi ma proposition est un peu différente.

Laissons la barque voguer et la magie opérer

Les arguments en faveur de la lecture sur place : ceux qui viennent des adultes

La 2ème série d’argument vient des adultes (dont moi) : lire davantage va leur faire du bien. Il ne faut pas qu'ils perdent techniquement l'habitude de lire. C'est indispensable pour réussir des études. Et il faut aussi les aider à diversifier leurs lectures actuelles, pour consolider leurs habitudes.

On assiste aujourd’hui à un souci accru au niveau de la concentration, du vocabulaire courant pas maîtrisé, en plus des traditionnelles difficultés liées à la compréhension de l'implicite.
Or, comme en plus, on l'a vu, ils y consacrent moins de temps, temps libéré pour des activités plus "sociales" ou plus "faciles", c'est un cercle vicieux, ils perdent encore plus ces habiletés. Et on ne s'en sort plus.
Imaginez ne plus être monté sur un vélo depuis 20 ans, et qu'on vous propose une sortie en famille de 20 bornes (moi, j'imagine très bien...mon refus...). Vous ne préférerez pas une petite série sympa, ou checker Twitter, plutôt que de tenter de retrouver votre short rembourré, vos baskets et vérifier le stock de Sportenine pour le retour ?

Alors si les élèves n'arrivent plus à dégager du temps pour lire chez eux (en raison de la captation du temps de loisir par les écrans et/ou parce qu'ils n'ont pas assez de ces "compétences de lecteur durable"), peut-être que le premier défi est de les ramener vers la lecture "tout court", à défaut de la lecture loisir.
Et s'ils rajoutent ensuite un peu de lecture dans leurs loisirs, et bien ce sera une 2ème étape formidable accomplie. Ne mettons pas les haubans avant le mât de misaine...

Allez, on y va tout doux ! Gardons l'équilibre !

 

Les arguments en faveur de la lecture sur place : ceux qui viennent de moi, pôv profdoc pas superwoman !

 
La 3ème série d'argument vient du profdoc lui-même : si on veut faire lire tous les élèves, je ne pourrai pas assumer le prêt de livres à toutes les classes, ni en terme de stock, ni en terme de charge de travail.
Disons-le tout net : le quart d'heure lecture pour 600 élèves me terrifie !
Trop de livres à acheter, à prêter, à récupérer, à rappeler. Je ne me sens pas d'attaque.
Donc, lecture sur place pour moins de flux.

Pour les mêmes raisons de gestion matérielle, je mets une condition à la systématisation de la lecture sur place : que l'emprunt soit facultatif !!!!
A votre avis, que devient un livre emprunté sous la contrainte ?
Au choix : un livre non rendu, perdu, abîmé, et en plus, pas lu. Ce qui occasionne des pertes financières, et un temps de travail considérable, en rappels divers et variés.
J'ai rappelé la chaîne de rappel, invisible pour les collègues : rappel rapide dans les classes, rappel Pronote individuel, rappel Parents Pronote, appel téléphonique, 1er courrier postal, facture officielle intendance.
Si un collègue veut prévoir un emprunt obligatoire, la condition d’organisation serait de prévoir 2 séances avec une contrainte pesant sur l’élève pour qu'il ramène son livre lors de la 2e séance (ramener un livre fait partie des compétences de lecture, non ? A ce titre, il pourrait être valorisé par 2 points sur la note ou une compétence validée).

Image rare d'un profdoc coulé par le projet qu'il a lui-même mis en place


Des moments de lecture sur place offerts, juste pour le plaisir de l'aventure

J'ai eu l'occasion de voir lors d'expérimentations à la Segpa que "trop de lecture tue la lecture". On passe assez vite de la fête à la lassitude. On a par la suite adopté un rythme plus léger d'une visite par période, pour créer une boite pour la classe, et emprunter le cas échéant pour la maison. Cela permet de maintenir l'appétence et la curiosité, et quelques-uns empruntent seuls entre deux RDV avec leur classe. C’est un entre-deux.

Afin de rester dans cette exceptionnalité, dans cette "fête", ce moment "offert", je vais créer des "quinzaines de la lecture sur place", 6-5 ou 4-3, avec une "déco" et des sélections adaptées aux niveaux, et un planning soumis aux collègues. Et pourquoi pas des lectures en plein air sur des sièges de plage ? Je reprendrai le nom créé en 2008 pour le projet inter-générationnel autour des albums. Moments de partages perdus avec le Covid.

Je voulais que ce soit clair dès le départ : il ne s'agit pas de dire aux élèves 10 min avant la fin de l'heure : "Ah oui, et puis vous emprunterez tous un livre, je veux une fiche de lecture pour dans 15j".
Je commence à les connaître, mes profs de français ! Ils sont indécrottables, quand ils voient que finalement, ils lisent, ils ont du mal à ne pas sur-exploiter la situation. Alors non, c'est cadeau, et un cadeau repris, c’est plus un cadeau.

Emprunteront donc pour la maison ceux qui voudront, et eux seulement.
Je souhaite reconstituer une situation "non scolaire" de lecture.
De ça aussi, je vous en reparlerai. Même si je radote.
Si on ne sort pas la lecture du scolaire, ils ne liront pas une fois sortis de l'école (voir mes billets sur la lecture durable en mars 2017, notamment).

Suis la route à ton rythme, petit bateau, je te guide !


Est-ce un enjeu nouveau ?

On va jouer à un petit jeu très bientôt.
Je vais remonter le temps pour replonger dans 25 années de bilans CDI.
Et je m'interrogerai pour savoir ce qui, cette année, m'a fait passer de ma barque à rames au hors-bord à moteur !
Un avant goût pour patienter ?

No comment ...

 

Donc c'est parti, on vire de bord : cap sur la lecture loisir !

Il nous reste la ligne d'arrivée à franchir ensemble, et les coups à boire, aussi, pour fêter la victoire collective.
Mais avant cela, il va falloir avancer un peu. Je m'en voudrais de fanfaronner pour des simples projets, s'ils prennent finalement l'eau, eux-aussi. Plus plus d’honnêteté, attendons donc un peu avant de fêter la victoire.

A venir donc ici :

- des billets sur la nouvelle politique d'achats : je vais tester des tas de collections découvertes lors d'ateliers Canopé de Beauvais. Je vais devoir les acheter sans les lire, parce qu'ils ne sont pas à la bibliothèque de la ville. J’achèterai quelques exemplaires de ceux qui auront bien fonctionné.
Et je vais aussi fouiller davantage dans les nouvelles, genre que j'ai délaissé parce que cela ne s'emprunte pas bien. Un recueil de nouvelles, ça se prend en main, ce n'est pas le même type de lecture qu'un roman. Pourquoi pas des guides de lecture dans la couverture, avec des conseils pour choisir les nouvelles (dans un recueil, il y a en toujours des moins bonnes, il faut savoir les passer).

- des billets sur l'organisation des séances de lecture sur place. Je ferai un bilan des conséquences sur l'emprunt spontané. C’est évidemment l'effet voulu à terme.
Déjà 3 classes programmées, et plein d'accords de principe.

En chemin, tout au long de cette régate, j'ai découvert d'abord qu'on était un paquet de profdoc sur la route !! Courage, matelots ! J'espère que cette série de billets aura un peu permis d'éclairer votre route. semée de questions et de scrupules.
J'ai aussi découvert au collège des supers skippeurs :
- des collègues convaincus de l’importance de la lecture pour nos élèves (je ne le savais pas, le sujet n'étant pas de ceux qu'on discute en réunion. Lecture grande cause nationale peut-être, mais pas sur le terrain, occupé par plein d'autres choses que la pédagogie)
- qui m'accordent leur confiance (qu'est-ce que ça fait du bien !!)
- et qui ont juste besoin, comme moi, d'un moment dédié programmé, pour nous forcer tous à ne pas remettre au lendemain ce qui nous aurait fait plaisir de faire tout de suite, mais qu'on a zappé, le nez dans le spi !

Bon vent matelots ! RDV dans quelques semaines, ou mois, pour l'arrivée de cette régate au long court.

On n'est pas bien, là, tous ensemble ??

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