dimanche 24 mai 2020

Toucher les élèves, c'est pas automatique

Aujourd'hui, un petit service après vente, après le billet sur les sondages personnalisés et les envois ciblés d'infos.
Cela fait plusieurs fois que j'évoque ces derniers mois la difficulté de savoir si nos outils et propositions touchent leur cible. Je ne supportais plus de travailler dans le vide, donc j'ai choisi d'interpeller directement les élèves via Pronote, devenu un compagnon un peu plus familier du fait du travail à distance. Et en plus des messages en discussion, j'ai lancé des sondages.
Cela a tenté des collègues qui se sont lancés et l'ont parfois raconté.
@Myhappy_colour a notamment publié le 22 mai un compte rendu super détaillé et riche d'une expérience qu'elle a tentée pour toucher ses lecteurs : associer un sondage lecture à des abonnements type Box, avec des idées de lecture.
https://greenismyhappycolour.wordpress.com/2020/05/22/cdi-a-distance-un-sondage-et-un-abonnement-lecture-pour-les-eleves/

Vous connaissez https://smiley.cool/fr/emoticons.php ? Pratique sur Pronote !
Mais ce n'est pas une pensée magique, et si effectivement cela a permis de lever certaines incertitudes sur la réception de nos infos, et un isolement certain qu'on a parfois mal vécu, il reste pas mal d'élèves en dehors de notre sphère d'action, parce que non réceptifs à nos petits messages, même personnalisés.




Dans nos discussions Twitter, Samand @r2m2g2 (je ne sais pas trop comment appeler les collègues, alors je met tout ;) qui travaille en LP a témoigné : les élèves du club manga, contactés par Pronote, n'ont pas donné signe de vie.
J'ai réfléchi à cette problématique. Concernent-elles uniquement le LP ?
Sans doute pas, même si elle y est plus visible. Ou qu'il n'y a pas au moins quelques élèves réceptifs pour nous faire un peu croire que ça marche. 

 

Relativiser le succès

 
Commençons par relativiser l'effet de ces sondages.  Je vais prendre quelques exemples.
 
1- Sur le sondage sur la diffusion du programme télé, cité ici, 200 familles (200 responsables et 200 élèves, sans doute les mêmes, j'ai extrapolé) ont répondu. Nous avons 670 élèves. Je suis donc très contente de la participation, mais finalement 30% des familles seulement ont répondu. 
Dans ce cas précis, la non réponse des autres autorise à les mettre dans la case des "non", et j'ai ainsi eu l'impression d'avoir reçu 100% des réponses.
 
2- J'ai demandé aussi aux 6e si les activités que j'avais proposées leur avait plu, s'ils avaient consulté les différents outils, et demandé leurs idées pour la suite : 44% de réponses au 1er, 24% au 2e ! Trop de sondages tue les sondages !
 
3- Le premier sondage vie scolaire envoyé pendant les vacances de printemps avait super bien marché. On a reçu 262 réponses, soit 40% des élèves.
Le sondage complémentaire lecture a été envoyé à 24 élèves, pour 16 réponses seulement (mais 70%).
Mais quand il s'est agi d'autre chose que de cocher une case, personne au bout de Pronote ! Je n'ai eu ensuite aucune réponse aux quelques messages envoyés.

C'est vrai que je n'ai pas encore répondu à tout le monde. L'idée de @Myhappy_colour va me relancer, mais peut-être uniquement à long terme, en réponse à une des interrogations que je me pose depuis des lustres. 
En effet, l'idée d'un message ritualisé à un groupe ciblé ressemble furieusement à l'idée 2 de ce billet de 2017 : https://clairementdoc.blogspot.com/2017/03/des-lecteurs-du-soir-vingt-fois-sur-le.html
Comme quoi, on a beau cibler les difficultés et trouver des pistes, il y a loin de l'idée à la réalisation, et il faudrait 10 vies de profs doc (et pas 3 comme espérées dernièrement) pour tout essayer.
 

Qui répond ?


On touche quelques élèves seulement, et sans doute ceux qui étaient déjà réceptifs aux échanges, affiches, contacts.
On aura toujours des élèves qui nous disent "j'avais pas vu" alors qu'on a placardé tout le collège avec des affiches qui nous ont pris 4h à créer, photocopier en grand, colorier, scotcher !
 
Sans doute aussi que les élèves à l'aise avec l'écrit vont avoir plus de facilités pour rédiger un message de quelques mots. Ils vont savoir comment commencer ("Je met bonjour ?") et comment conclure.
Voici le message d'une élève de 6e, et un d'une 4e. Ne vous fiez pas aux apparences, l'âge ne fait pas tout !




Les 6e sont aussi plus spontanés, ils ne se posent pas mille questions, alors que des lycéens peuvent être plus intimidés par l'idée de nous écrire, et avoir peur de faire des fautes ou des impairs.


Une situation improvisée qu'il aurait fallu préparer

 
En temps normal, on a à notre disposition des surfaces d'affichage, des contacts en vrai pendant les récrés, des écrans dynamiques parfois. 
Donc plusieurs occasions de passer de l'info, de toucher du monde. D'autant que parfois, les élèves s'ennuient, ou qu'il pleut, ce qui donne des occasions de venir aux infos...

On est aujourd'hui dans une situation différente, avec un outil unique pour les toucher, auquel en plus on ne les a pas habitués.
S'ils ne répondent pas à Pronote, on n'a aucun autre moyen de toucher les élèves, sauf si on avait créé "avant" un autre outil type réseau social ou envoi d'une lettre d'info, dans le cas d'un lycée. 
 
Sans doute qu'il faudra penser à la création d'habitudes de communication  avant des envois de messages Pronote, et même en dehors de tout travail à distance : 
- peut-être d'une fois sur l'autre avec l'horaire ou le thème (pour créer le "besoin" d'aller voir), ou la liste des titres achetés
- avec des trucs à gagner (club manga : les goodies offerts par le libraire ?) ou une autre carotte ("les nouveaux manga sont prêts, le premier arrivé pourra emprunter")
- via un réseau social avec des élèves lycéens
- associé à un autre média plus visible dans l'établissement : écran d'affichage 
- sans bouder les anciens systèmes (marquepages, bulletins de sélection à dispo) sur lesquels on peu mentionner l'envoi de ces bulletins par Pronote, ou la possibilité d'un abonnement/inscription...
- ou carrément pendant les clubs, au cours duquel on peut ne pas avoir tous les élèves, il peut y avoir les discussions de la semaine à regarder. Cela jouerait ici le rôle d'un pied à l'étrier, et aurait l'avantage de donner les codes, et l’habitude.


Les raisons de la non réponse

 
Pour savoir quelle arme de communication on peut utiliser, il faut s'intéresser aussi aux raisons.  

- Ils n'ont pas vu ? Peut-être une méconnaissance de l'outil ? Ce sont les élèves les plus fragiles qui n'ouvrent pas leurs messages, ne savent pas s'organiser, ça s'accumule et du coup ils ne regardent plus rien (ni le travail à faire, évidemment). On a repéré chez certains collégiens revenus en cours lundi 150 messages non lus !
 
- Ils ne sont pas intéressés ? Ils ne se sentent pas concernés ? Dans le cas d'un club déjà constitué, comme un club manga, on se dit que cela ne peut pas être ça, mais je pense au contraire que si. 
Ils sont intéressés par un club en tant qu'activité scolaire, et ils ne se sentent plus concernés en dehors de l'école. Ils y vont pour ne pas s'ennuyer ou pour retrouver un groupe de copain, pas vraiment pour la lecture ou la découverte d'une information.
Moi, c'est clairement le cas au collège. J'y touche les élèves un peu seuls ou isolés, mais pas nécessairement intéressés par le sujet du club. A distance, j'ai au contraire eu plutôt les élèves privés de bibliothèque ou de contacts et en manque culturel. Dans l'enquête lecture, cela a été flagrants, je ne connaissais même pas certains d'entre eux, jamais venus au CDI.
 
- Ils n'ont pas les codes de la culture écrite ?
On avait préparé un projet sophrologie avec 19 élèves inscrits, tous motivés. Fermeture, donc on s'est rabattus sur des séances à distance en visio, j'ai invité tout le monde : 7 réponses, dont une seule négative. 
Je pense que les élèves n'ont pas la culture de la réponse négative : ils disent seulement si c'est oui !
Et certains ne sont pas à l'aise du tout, même pour dire oui (cf plus haut). Ils dégainent les SMS, mais un email ou un message Pronote plus institutionnel, c'est sans doute une épreuve pour certains.
J'ai aussi eu l'exemple d'un élève et sa famille contactés pour un problème d'envoi de travail pour un cours, j'ai donné les tutos en demandant qu'ils me disent s'ils avaient finalement réussi. J'ai su par le collègue que l'élève avait commencé à envoyer ses devoirs, mais je n'ai pas eu de message ni de la famille, ni de l'élève. 
J'ai en règle générale très peu de réponses à mes messages envoyés en discussion, quasiment aucun, en fait, si c'est moi qui ai commencé la discussion. Alors que si c'est l'élève qui m'a interpellé et que je lui répond, j'ai toujours un merci, OK, d'accord.
Du coup, l'idée de les contacter par un sondage court, dans lequel on a glissé une info, un lien, est un bon moyen de toucher statistiquement plus de monde. C'est moins impliquant.
 
- Ils sont noyés sous les messages ? Nous ne sommes pas les seuls à utiliser Pronote : j'ai vu sur un site (je ne sais plus où) que les élèves ont parfois 15 messages par jour. Pas étonnant qu'ils ne répondent pas à tout, ou qu'ils en ratent, ou qu'ils ne lisent plus rien devant le défi à relever !
Imaginez que vous n'ouvriez pas Twitter une semaine : est-ce que vous ne risqueriez pas de zapper une info ?

Alors comment savoir exactement pourquoi nos messages tombent à l'eau ?
Un petit sondage ?

1 commentaire:

  1. J'ai les mêmes réflexions que toi, ainsi que les mêmes interrogations. Premier sondage élèves via l'ent, environ 30% de réponses. Et après, cela se délite. Par exemple, j'ai envoyé les résultats d'un vote en ligne pour un concours de dessin manga. Aucune réponse, y compris des gagnants à qui j'ai envoyé un mail personnel. Pour le élèves du club manga, vu que je suis en zone rouge, je leur ai envoyé un sondage pour voter pour leurs mangas préférés, sachant que le vote permet de sélectionner les suites de manga à acheter. 6 réponses sur 16 ! Des fois, on se sent bien seule... Alors qu'ils étaient plutôt investis en club. Bon, je me dis vivement que je revois les élèves en vrai !

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