lundi 13 juin 2022

Le syndrome de l'imposteur du profdoc, ou la pièce de puzzle en trop

Faire ces séances avec la collègue d'anglais m'a hyper plu, les élèves étaient ravis, c'étaient hyper cool.
Mais voilà, au fond de moi, je me dis qu'il faudrait que tout le niveau fasse la même chose, pour harmoniser une progression.
Et c'est là que ça se corse, parce qu'on s'éloigne d'une situation pédagogique naturelle.
Et que je dois endosser mon costume de prof fantôme, pour me fondre dans le puzzle pédagogique... 
gens, groupe social, communauté, jeunesse, équipe, amusement, emploi, un événement, collaboration, Homme d'affaires, partage, Entreprise, travailleur en col blanc, emploi, la gestion, conversation, geste
Moi, je suis le type de droite, celui qui tente de faire croire que lui aussi, il a une pièce du puzzle ! Mes pièces, elles vont jamais nulle part, je dois squatter le puzzle des copains...

Pourquoi c'est cool de bosser avec une copine (et pourquoi c'est pas suffisant)

On s'entend très bien, et on se voit très souvent pour les clubs.
Cela facilite donc le montage de projets. Les choses se font naturellement, au détour d'une discussion sur nos cours et nos classes en commun.
Par ailleurs, j'apprécie particulièrement la manière dont elle travaille. Tout est toujours carré, j'adore. 

Source : Marco Verch Professional Photographer

Mais pour toucher les deux autres classes du niveau, je dois aller demander des heures à d'autres collègues. Je suis alors en situation de "demandeuse", parfois "quémandeuse", et je ne tombe pas toujours sur des besoins des collègues (Pas besoin de demi-groupe ? Pas de sujet justifiant un exposé ultra rapide ? Tant pis, je vais voir quelqu'un d'autre).

Source : Marco Verch Professional Photographer

Pourtant, mon boulot, ce n'est pas de bosser QUE avec mes copines... Je suis censée avoir un programme, même si personne ne me demande rien.
Et puis l'an prochain, ça va être galère d'avoir dans une même classe des élèves qui ont vu un truc, et d'autres non. Aux premiers, il suffit souvent de rappeler les choses brièvement.

 

Une séance bâtie pour moi, c'est rare

C'est pour me permettre d'avoir les élèves que la collègue a prévu deux heures de cours en demi-groupe avec eux, et qu'elle a rajouté un élément à son cours. Elle s'est adaptée à mes besoins pédagogiques. C’est dingue, non ?

Le plus souvent, dans ma pratique, je réponds à des demandes.
Je suis l'auxiliaire (l'accessoire) d'un projet monté par d'autres, et à qui il manque une salle / un adulte / des documents / parfois une expertise (mais franchement, pas souvent. Y compris parce que beaucoup de mes collègues ont aussi une expertise dans mes domaines. Je ne suis pas la seule à maitriser la rech doc et l'EMI, heureusement pour les élèves). 

Il manque une pièce dans leur puzzle, et chic, je l'ai ! (Source : Marco Verch Professional Photographer)

Or, il est plus compliqué de demander des heures à un collègue, en débarquant comme ça et en interrompant une discussion en salle des profs, que de créer un projet avec un collègue-ami avec qui on a quotidiennement des tas de discussions autour des élèves.
Je ne suis pas titulaire des heures des élèves. Je ne fais que squatter une grille horaire, pour des objectifs pédagogiques qui ne sont pas encore intégrés comme faisant partie des obligations de chacun (malgré toutes les "éducations à" du monde").
Si on me dit "Oui", je ne peux pas m’empêcher d'entendre "Bon, d'accord, mais pas trop d'heures, alors, j'ai un programme à finir".
Le syndrome de l'imposteur, face à l'importance institutionnelle des programmes des collègues. Qui suis-je pour vouloir m'imposer ?
Syndrome de l'imposteur aussi face à la surcharge de travail des collègues. Ils sont débordés de tâches complexes et ingrates, et moi, je m'éclate avec mes petits clubs et mes séances d'exposé et de lecture.
Un combo pas gagnant !

J'ai tellement peur de me ramasser, ou de m'entendre dire "non, c'est gentil, mais demande plutôt à un autre collègue" que le plus souvent je n'ose plus demander.
Et je rajoute que ce n'est pas une crainte ridicule, c'est malheureusement l'effet de l'expérience...

Source : Marco Verch Professional Photographer
 

Allez, on joue ?

Dans le cas présent, j'ai deux classes à toucher. J'ai le choix entre demander au collègue de la même discipline (anglais), en croisant les doigts pour que ce soit le même qui ait les deux classes, pour n'avoir qu'un interlocuteur. Sinon, il faudra démarcher deux collègues, pas nécessairement de la même discipline, du coup.

Mais le jeu en valant la chandelle, il faudra prendre le risque de me brûler les pattes.

Parfois cependant, quand je me suis poussé au cul et que j'ai pris mon courage à deux mains, je me rends compte que le collègue est tout à fait content de dire oui. Mais chat échaudé craint l'eau froide, et mes peurs sont bien ancrées.
Mes peurs du refus, vécu comme une négation de mon "importance" dans la vie des élèves.
Mes peurs de me sentir une fois de plus la pièce "de trop".

Allez, Claire, peaufine tes arguments, respire un coup, et fonce en salle des profs !!

Source : Marco Verch Professional Photographer

2 commentaires:

  1. C'est clairement un élément extrêmement frustrant pour moi : la sensation de saupoudrage alors que je suis persuadée de l'importance de l'éducation aux médias et du rôle central du prof doc là dedans. Lors de mon premier poste, je me suis dit que j'allais faire une progression en EMI que je partagerais avec l'ensemble des profs, afin de montrer mes compétences, les attentes de l'éducation nationale en terme d'EMI et dans l'espoir que tous les élèves ait des bases communes. Finalement, face à la réalité de mon établissement et la difficulté de monter la moindre séance pédagogique, j'ai repoussé ce projet encore et encore et je ne l'ai jamais fait... La perception des collègues sur le rôle du prof doc est parfois dure et démotivante, entre la collègue qui ne me parle que des manuels et celui qui, lorsque je lui parle de travailler ensemble, me répond "je pourrais peut-être exposer des œuvres au CDI". Finalement, malheureusement, je me retrouve à travailler toujours avec les mêmes collègues et à "ignorer" toute une partie des élèves. Je m'assoie sur mon éthique professionnel pour ne pas étouffer de frustration face aux refus à répétition et je fais une EMI de bric et de broc.

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    1. Je pense malheureusement que nous seront nombreux à nous reconnaître mot pour mot dans ton récit.
      En tout cas, c'est comme si tu décrivais mon parcours !
      Et puis parfois, il y a des tilts, un personnel d'administration plus motivant qu'un autre, plus facilitant, une équipe pour un projet de niveau, et les choses se débloquent un peu. Il faut profiter de ces occasions, s'en contenter sans trop en demander non plus. Et relativiser.
      On fait aussi des tas d'autres choses en dehors de l'EMI, tout aussi importantes pour les élèves. Je me raccroche à ça, je l'avoue...

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