dimanche 31 janvier 2016

La place du prof doc tout court

J'ai fait du tri dans mes piles de photocopies, et j'ai retrouvé des dizaines d'articles sur le métier de documentaliste.
Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : en fait, cela fait 15 ans qu'on lit entre les lignes qu'il ne faut pas que le prof doc fasse des cours seul, parce que cela risque d'être déconnecté des autres cours. On voit en filigrane le souhait de davantage d'interdisciplinarité, et le fait qu'on compte un peu sur nous pour sortir les collègues de disciplines de leur seule matière. On voit la peur de nos dirigeants qu'on refasse les mêmes erreurs que certains de nos collègues à discipline institutionnalisée, des cours scolaires à l'ancienne.

Il serait malhonnête de ma part de dire que je ne suis pas d'accord avec ce risque. Je vois assez souvent passer des activités qui doivent faire suer les élèves, et qu'ils doivent faire avec le même enthousiasme que les cours magistraux où le prof parle et distribue des fiches et des questionnaires. Des activités qui doivent faire dire aux élèves : "mais qu'est-ce que le prof a bien voulu me faire dire ou penser ?", et qui passe sur eux comme de l'eau sous les ponts.


Alors à tous les inspecteurs qui voudraient m'empêcher de prendre des classes, de peur que je fasse mal les choses, et que je gâche la marchandise; je fais les promesses suivantes :

- Je n'oublie jamais que j'ai voulu être doc pour changer l'école, et que j'ai pris cette décision en 5e il y a plus de 30 ans


- Je ne fais pas "cours", je met les élèves en activité

- Je ne fais jamais d’activités déconnectées qui sortiraient du tréfonds de mon âme, mais toujours en relation avec une lecture sur place, un thème travaillé dans une discipline ou l’actualité

- Je rajoute 45h d’activés documentaires ou de lecture aux élèves sur deux ans, et ils n'ont pas l'air de se plaindre, pire, ils se demandent pourquoi je ne les ai pas en 4e...

- en faisant ces projets info-doc/lecture sur les heures d'étude des élèves, les externes (des tours à côté) passent autant de temps que les demi-pensionnaires (de la campagne) au CDI, ce qui évite le renforcement des inégalités sociales.

- Je met l'accent sur l'autonomie, la prise d'initiative, le travail d'équipe

- Je les emmène à la bibliothèque, à la médiathèque, je fais venir des lecteurs bénévoles pour lire avec eux

- Mes élèves fréquentent le CDI jusqu'à la 3e de manière volontaire, parce qu'ils y ont des habitudes fortes. Le CDI devient le leur, pas celui de la doc.

- Je ne cherche pas à former des "petits profs doc", mais des citoyens qui savent se servir de leurs environnement numérique, et qui sont ouverts à la culture et aux autres

- Les élèves travaillent en collaboration ou s'entraident dans les activités individuelles

- Je ne pose jamais de questions qui n'attendent qu'une seule réponse possible.

- Je ne fais pas de photocopies : les élèves n'ont donc jamais à remplir de questionnaires à rallonge, ils font des dessins, des schémas, des recherches, des exposés, des cartes heuristiques, des vidéos...

- Je ne fabrique jamais de documents secondaires, mais leur montre des vidéos, des articles de presse, ou les met directement sur internet. Ils choisissent les sites de leur choix.

- Je ne met jamais plusieurs difficultés nouvelles en même temps, je procède par boucle et retours en arrière, donc j'utilise une programmation qui étale les nouveautés tout au long du cursus. Mes collègues sont au courant de cette progression, et s'en servent.

- Je vois souvent les 5e, 4e (moins les 3e) pour des activités "en plus" avec leurs enseignants, et les activités démarrent tout de suite, sans rappels info-doc à faire. Les collègues sont ravis, et gagnent un temps fou.


Alors, dites, je peux continuer à jouer au prof avec mes élèves ?




2 commentaires:

  1. C'est le problème avec les gens comme Claire : elles mettent la barre haut. Merci de montrer le chemin, toujours inspirant.

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    1. Mais non, la barre n'est pas haute. Ce sont des choses simples, gérables, à dimension humaine, qui vont de soi. Il faut juste proposer aux élèves des modalités de travail qu'on aurait aimé se voir proposer en tant qu'élève. Et lire, lire, lire de la pédagogie, se former, écouter, observer.

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