mercredi 1 février 2023

Les clubs pré-Covid sont morts. Vive les nouveaux clubs !

Comme pour beaucoup de profdoc, les clubs font partie intégrante de mon quotidien. J'en ai toujours fait, et je ne me vois pas arrêter, même quand tout s'écroule autour de moi.

J'en ai parlé dans un billet sur le site Docpourdocs en 2013 Les clubs-CDI dans un collège, une drôle de cuisine ! et dans un article pour Inter-CDI en 2019 Les jeux au CDI, une bonne stratégie
J'en parle aussi sur ce blog de temps en temps, dans les rubriques "Des jeux ? Des clubs ?".

Après plusieurs années de protocoles sanitaires plus ou moins restrictifs, des habitudes se sont perdues, puis retrouvées en partie, sur fond de nouvelles contraintes, notamment liées à la cantine.
De ces contraintes, sont sorties des améliorations. Pour les élèves, sans doute, mais surtout pour moi.
Et comme il va me falloir tenir jusqu'à 66 ans, hein, ce ne sera pas du luxe !

Je vais faire un peu le point de la nouvelle formule.

The Prince and the Pauper by Mark Twain.

1- Fin de l'époque bénie des clubs multi-niveaux

 
"Avant", le CDI ouvrait en continu pendant la pause méridienne, entre 12h et 13h30. Les élèves pouvaient venir indifféremment avant ou après leur repas. Le tout était de respecter les grandes tranches de niveaux pour le passage cantine, mais c'était pas non plus strict strict.
 
Il y avait des avantages :
 
- Je pouvais très facilement avoir tous les niveaux mélangés pour une activité. Il suffisait de faire club à 12h, et de les envoyer manger après l'activité. Tant pis si c'était en dehors de l'horaire de leur niveau, ils passaient à la fin sans souci pour personne.
 
- Ils arrivaient tous en même temps, je pouvais donc les lancer en expliquant une seule fois.
 
- Les avoir avant le repas évitait l’organisation épouvantable des passage cantine "en priorité". Ils sont impossibles à gérer. Ce ne sont jamais les mêmes élèves qui viennent et il faut tout le temps mettre les listes à jour et les communiquer à la vie scolaire. Si on fait des cartes, les malins s’inscrivent, viennent une fois en club mais passent ensuite en prio et ne viennent plus en club. Il faut checker leur présence au club, vérifier qu'ils ne sont pas passés en prio, les convoquer le cas échéant, mettre les listes à jour. C'est un enfer !

- Dans cette vie d'avant, je pouvais enchaîner deux clubs le même jour (12h puis 12h45), ou fermer le CDI pendant le club de 12h et le ré-ouvrir après, pour ne pas fermer totalement le CDI le midi. Ainsi, je pouvais proposer plus de 4 activités.


 Il y avait aussi des inconvénients :

- Fallait être jeune ! Si j'avais cours à 11h (et que je ne pouvais donc pas manger à 11h30 quand l'étude part à la cantine), je mangeais sur le pouce, et parfois en présence des élèves. C'était ma foi moins fatiguant que de fermer les 4 portes d'accès du CDI pour courir manger, pour les ré-ouvrir après, souvent en retard, donc speed. Je courrais tout le temps, en fait ; ça me plaisait, mais ça me fatiguait.

- Ceux qui avaient une autre activité (chorale, AS, ou un autre club) ne pouvaient jamais venir si cela tombait le même jour.

- En plus de n'avoir jamais les mêmes élèves, les groupes de clubs se délitaient au fil de l'année.

Mes clubs, mais à l'envers...


2- Et puis le Covid est passé par là

Le passage cantine sous Covid, c'était par niveau ET par classe et on ne pouvait pas déroger d'un pouce. De toute façon, il fallait noter pour tracer, donc pas de mélange, ni de classe et encore moins de niveaux.

Après la crise, la vie scolaire a trouvé que faire manger les classes "classe par classe" était beaucoup plus pratique, et a gardé le principe. La contrepartie, c'est qu'aucun élève ne peut désormais aller manger plus tôt ou plus tard que son passage officiel.

On peut penser ce qu'on veut de ce système : pratique pour les uns (pour la vie scolaire, pour les élèves "sans amis" qui ne demandent plus avec qui ils vont manger), moins bien pour d'autres (ceux qui ont des amis dans d'autres classes ou d'autres niveaux, ceux qui aimaient bien faire des clubs...)
Le fait est que cela a eu un impact considérable sur mon fonctionnement du midi, obligé d'être repensé entièrement.
Et comme je ne suis pas maso, j'ai essayé que ce soit à mon avantage.
Pour une fois !

 

3- Les nouveaux horaires

Je ferme désormais entre 12h et 12h30 pour manger. Je reste pénarde au CDI, dans la cour intérieure au soleil quand il fait beau, sinon dans le CDI. Je ne ferme donc que la porte d'entrée, cela m'évite de fermer les 3 autres issues (je mettais plus de temps à fermer et rouvrir qu'à manger...).
Je m'offre une vraie pause, sans parler ni voir personne. J'ai même le temps d'une petite cohérence cardiaque avant de relancer la machine.

Je ré-ouvre à 12h30, en allant mettre dans le couloir, vue de dehors, la pancarte avec l'activité du jour.
Interdiction de venir dans le couloir avant que la pancarte n'y soit !
(Un jour, je vous dirais si vous voulez comment je m'assure que c'est vraiment le cas. Pas de respect des règles sans un petit coup de pression de temps en temps. Je fais la sorcière, puisqu'ils font les démons !)

 

N'ont le droit de venir que les élèves qui ont mangé. Impossible en effet de guetter sans arrêt quelle classe passe pour leur faire quitter leur bouquin. Ils rateraient leur "passage officiel", ce qui est maintenant problématique.
Du coup, le niveau qui passe en dernier ne peut pas venir au CDI avant son repas, et n'a pas le temps de venir après, il ne reste souvent pas assez de temps. Dommage pour eux, mais tant mieux pour moi : cela régule un peu la fréquentation. J'ai tellement de monde certains midis dans tous les coins que je ne sais pas comment je ferais sans cette auto-régulation naturelle.

Heureusement, les niveaux tournent tous les jours (pendant le Covid, c'était toujours le même ordre, imaginez le carton sur la baisse de fréquentation pour le niveau qui passait tous les jours en dernier, les 3ème...).

 

4- Une organisation en semaines thématiques, avec quelques clubs-lecture ponctuels sur les semaines "vides"

Puisqu'il y a maintenant des jours où les élèves ne peuvent plus venir, ni avant ni après manger, je propose des semaines thématiques, avec la même activité tous les midis. C’est le cas pour les jeux de stratégie, les activités bien-être et le Ciné-club.
Je rajoute quelques clubs lecture à l'année de manière ponctuelle.
J'évoquerai une prochaine fois tous ces clubs un peu plus en détail.

Avec des avantages :

- Chacun a une chance de pouvoir participer au moins une fois. Terminés, les "oh non, j'ai gym le jeudi, je peux jamais venir".

- Auto-régulation des présents sur les 4 midis, avec certains élèves qui viennent plusieurs fois

- Et c'est super pour moi et ma vieillure ! Cela me permet d'avoir une seule organisation matérielle pour la semaine entière, sans me torturer le cerveau tous les midis pour changer l'organisation en fonction du thème.
Le lundi, je mets l'affiche de la semaine à l'entrée du CDI et sur le panneau qui ira dans le couloir à 12h30, je sors la feuille de présents pour cocher les noms (ce sont les élèves qui auto-gèrent leurs croix en entrant, et cela me permet de faire des stat), et je me laisse bercer par les horaires. Mon cerveau ne fait plus de saute-mouton toute la semaine entre 4 activités différentes (voire 6...).

C'est déjà assez compliqué avec les séances péda qui se suivent et ne se ressemblent jamais, pour ne pas en rajouter.

Les infos à l'entrée : "nul n'est sensé ignorer"... le planning !

Mais il y a plusieurs inconvénients aussi :

- Je ne peux plus fermer le CDI à chaque fois, sinon il ne serait jamais ouvert. Donc les clubs doivent être pour certains en semi-autonomie, et c'est une source de fatigue. L'organisation doit être au cordeau, et les élèves coopératifs. Comme ils ont tout à y perdre, ils coopèrent !

- En plus de la fatigue de gérer l'accueil au CDI et le club en même temps, il a fallu penser les activités pour qu'elles soient possibles en autonomie. Et ce n'est pas toujours facile, on perd en qualité, et je tâtonne encore. Je compte beaucoup sur l'autonomie des élèves et leur capacité à prendre des initiatives pour guider les nouveaux arrivants.

- Parce que du coup, les élèves arrivent au compte-goutte après leur repas. Source de complication pour les consignes (qui doivent être écrites donc prévues à l'avance, et médiées par les élèves déjà présents et qui ont eu les explications). Pour éviter de me répéter, j'essaie que les activités soient très ritualisées, pour qu'avec le temps, les élèves les prennent en charge seuls.
Franchement, ça marche pas mal.
Le Ciné-club, par exemple, fonctionne en totale autonomie, et si des pubs se lancent (ça arrive avec certaines vidéos) ou s'il faut changer de films, ils gèrent. Le rangement aussi est pris en charge, il suffit de menacer de stopper le club si les couvertures ne sont pas rangées pour qu'ils soient respectueux. Mais il faut avouer que leur naturel serait de partir sans rien ranger, ni chaises ni plaids, je ne voudrais pas voir leurs chambres !

- Enfin, il est plus difficile de mélanger les niveaux. Je concocte donc de temps en temps des événements ponctuels à 12h, avec passage cantine, pour créer du lien entre eux, et pouvoir être présente à 100%. C'est le cas pour les clubs lecture.


5- Un planning annoncé entre chaque vacances, prévu à l'avance dès septembre

Le planning a été un vrai casse-être à créer, mais une fois le boulot fait, je n'y suis plus revenue de l'année. C'est une sacrée baisse de charge mentale au quotidien.

J'ai casé d'abord les semaines Ciné club avant chaque vacances, comme un rituel.

Projections dans la salle de travail, avec rideau rouge, rideaux baissés, plaids à dispo, padlet avec les films proposés (je ne les mets qu'au fur et à mesure, j'ai des thèmes d'avance, comme les métiers du cinéma bruitage/doublage...).


J'ai tenu compte ensuite des contraintes d'ouverture, ou plutôt, de fermeture. Je ne veux pas fermer le CDI aux lecteurs et travailleurs trop souvent.
J'ai décidé d'un rythme d'une semaine de fermeture toutes les 3 semaines, pour le club Jeux de stratégie, où je dois être totalement présente et vigilante.

Ce club, c'est une "institution" pour le CDI (pas pour les collègues, qui parfois découvrent qu'il y a des joueurs, notamment d'échecs en grand nombre, mais j'ai arrêté d'en être touchée et de le prendre pour moi. On ne fait pas des clubs pour une reconnaissance institutionnelle !).
Cette année, c'est 96 élèves inscrits, 46 certains midi, donc pas moyen d'accepter des lecteurs en même temps.
Je le faisais avant le Covid. On montait à 70 certains midi. Même s'il est vrai que je n'avais pas de discipline à faire, avec le recul, je me dis que j'étais bien trop dévouée. Personne ne m'en a été redevable quand j'ai arrêté avec le Covid. Personne ne m'a dit "Oh, dommage que ce club n'existe plus, dommage qu'on ne puisse plus venir". Personne pour me dire que ça avait manqué, ces deux ans sans club, sans CDI le midi avec tout ce monde. Donc maintenant, je fais ce qui m'arrange.

Donc va pour une semaine "Jeux de stratégie" toutes les 3 semaines. Avec les clubs ponctuels, c'est le seul club qui bloque le CDI. Toutes les autres activités sont proposées avec le CDI ouvert en même temps.

Je voulais ensuite officialiser plus régulièrement des semaines Bien-être, après mes essais concluants de l'an dernier.

Je lance un thème différent à chaque fois : le sommeil, le coloriage, la parole orale, l'écriture. Élargir à l'écriture me permet de relancer notamment des activités de poésie, en me calant par exemple sur le Printemps des poètes.
Et je fais la promotion (y compris pendant mes cours) des autres activités disponibles chaque heure d'étude : relaxation assise ou allongée, coloriages en musique (pour une seule personne, sinon c'est le souk). J'en reparlerai.

Dans les trous qui restent, je cale des Semaines "sans rien", pour souffler et pour glisser les clubs lecture. Cela me fait 2 ou 3 midis plus léger.
Avec quand-même un CDI bondé de lecteurs dans tous les coins. Mais cela fait vraiment plaisir, et ils sont autonomes et silencieux (sinon, ils sortent, vous avez compris le principe !). Je peux en général m'occuper des retours, préparer les sélections, et bosser avec les Z.

Pour les clubs lecture, j'organise quelques RDV seulement par an. Cela évite le délitement des élèves au fil de l'année. Et pour certains lecteurs, s'impliquer 2 midis dans l'année, pourquoi pas, mais ils ne sont pas OK pour venir régulièrement, et n'en ont souvent pas le temps (chorale, AS, amis...).
Cela rajoute aussi "artificiellement" des midis aux semaines. Je peux proposer ainsi plus de 4 activités différentes à l'année, tout en laissant le CDI ouvert assez largement, ce qui est indispensable vu le nombre de lecteurs le midi. Ouvrir le midi, c'est plus important pour la lecture que d'ouvrir une heure d'étude !
Comme c'est ponctuel, je me permets un passage cantine en priorité. Je leur donne un laisser-passé, et je pointe leur présence.
Par ailleurs, le FSE offre le repas de cantine aux externes adhérents, pour les inciter à participer aux activités. Il est compliqué pour un externe de s'impliquer au collège, beaucoup de choses se passent le midi ou sur les heures d'étude.

Le tout donne donc un truc comme ça, pour la dernière période :

Planning fait avec Canva
 

6- Des activités péri-scolaires, oui. Mais sur mon temps de travail (parce qu'il faut pas pousser Mémé !)

Tous ces thèmes entrent dans mes missions pédagogiques et éducatives.
Et en plus, à part pour les jeux de stratégie et les clubs lecture, le CDI reste ouvert en même temps.
Donc, je propose ces activités sur mes 30h de présence.
Et comme j'ouvre chaque récréation du matin au lieu de faire une pause, et que je ne récupère pas mes heures de cours (cf circulaire de 2014), j'estime que je peux fermer 4h toutes les 3 semaines pour les faire jouer aux échecs. Ce serait malvenu de m'en faire la remarque.
J'ai lu avec intérêt le discours du ministre sur les maths. Il leur demande de faire des clubs en péri-scolaire pour développer l'appétence pour les maths. J'estime donc être dans les clous, et dans mes missions. Fin du débat, et des scrupules.

La seule exception, c'est quand j'ouvrais le club Jeux au foyer. Je le faisais en plus, déclaré en heure péri-scolaire (sans rémunération parce qu'il n'y a plus de sous pour le péri, mais bon, ça me plaisait).
Je ne le fais plus, je préfère laisser ouvert le CDI et proposer des activités "bien-être". Le foyer est ouvert chaque heure d'étude, ils ne sont pas en manque. Et puis il y a pire pour des élèves que ne pas pouvoir jouer au ping pong ou au puissance 4...
J'avoue, je propose quand-même le ping pong quand il fait beau pendant les semaines Jeux au CDI. C'est juste derrière les fenêtres, je vois les joueurs, et les élèves sont mignons, ils sont très respectueux. Ils ont bien trop peur que je reviennent sur ma décision... Et ils adorent tellement ça ! Et puis c'est un bon outil de socialisation pour des élèves un peu isolés. Pas plus de 4 dehors en même temps, et si j'entends hurler, c'est "dehors !!". Enfin... "dehors ailleurs !!"

 

Comme quoi, parfois, les contraintes qu'on vit d'abord comme des emmerdements peuvent conduire à des améliorations, une fois analysées et dépassées.

Merci pour l'artiste. Et c'est vrai qu'il a fallu lutter, contre soi, aussi. Mais votre chute, là, je la sens moins. Vous pouvez préciser ? Je dois rajouter des règles encore plus strictes, c'est ça ?

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