mardi 10 octobre 2017

Inspectez-moi, je suis absente !

Absente pour arrêt maladie, alors que l'année venait à peine de commencer, j'ai eu l’idée au bout d'une semaine de faire appel aux élèves "Z" et "coachs numériques", pour ouvrir le CDI à la récré du matin, pour éviter la chute des emprunts, et la perte des habitudes. 
J'ai demandé à 4 élèves en qui j'ai toute confiance, et qui connaissent le CDI par coeur, s'ils accepteraient d'ouvrir à la récré, pour les emprunts, les retours et les ordinateurs de dépannage (recherche express, impression d'un document). Précisons que l'emprunt se fait manuellement avec des petites fiches en carton à l'ancienne, donc pas besoin d'ordi. Ils ont eu une feuille de route très précise, avec la liste des choses à faire.

Il parait que j'ai fait 4 heureux !

Un adulte est présent à chaque fois, pour assurer la discipline et la sécurité. Les collègues sollicités ont tous répondu présent, ce qui m'a fait vraiment chaud au coeur.

Qui, mieux que les élèves impliqués au quotidien dans la vie du CDI, pour en connaître le moindre fonctionnement ?
Ils connaissent les règles de vie, les règles d'emprunt, les classements.
Je n'ai que des retours super des collègues qui ouvrent à la récré avec eux.
Ils assurent, ont le sourire, ça a l'air de rouler tout seul.
Malgré tout, les piles s'entassaient sur le bureau, et mon arrêt au départ court a été prolongé de 15j.
Fallait-il continuer dans ce fonctionnement, l'arrêter, l'intensifier ?


A leur demande d'ouvrir aussi le midi, j'ai répondu non.
Voici mes arguments :
- Il y a le problème de l'adulte. Il en faut un forcément, pour la discipline, mais aussi s'il y a un souci de santé, une alerte... Et le midi, il y a plus de risques que ça dégénère, il y a beaucoup plus de discipline et de surveillance à faire que le matin à la récré, où il y a surtout des habitués. Les collègues ne connaissent pas assez les règles autorisées pour gérer une plage plus longue que la récréation, et c'est plus contraignant de leur demander de sacrifier la pause du midi.
- En ouvrant 10-15 minutes le matin, cela ne laisse pas le temps aux 4 élèves d'adopter une posture de "prof" qui pourrait leur prêter préjudice dans leur relation aux autres élèves.
- En plus, ce n'est pas le midi que les élèves empruntent et impriment, c'est uniquement le matin. Donc en terme de gestion du lieu, c'est le matin que ça manque le plus. Ouvrir le midi, ce serait pour leur plaisir/confort, ce qui n'est pas la même logique.

Par contre, s'il est exclu de trouver des solutions pour le libre accès le midi, ou sur les heure d'étude, certains projets continuent :
- Pour la semaine du goût, ce sont les coachs de 3e segpa (formés l'an dernier) qui auront en charge les photos et pourront travailler à distance avec moi, pour mettre en ligne des articles (rajout : pour être honnête et réaliste sur l'investissement effectif des élèves, précisons qu'ils n'ont pas accepté cette charge. Ils ne ratent rien pour attendre, à mon retour, je te les prend entre 4 yeux !!! Et j'ai à cette occasion réalisé que mes collègues n'avaient pas compris l'existence des coachs, et l'intérêt pour eux ! Du boulot de comm en perspective !)
- J'ai pris un rdv téléphonique avec une des coach, pour lui apprendre à faire les emprunts et les retours sur le logiciel. Le bureau collaboratif va réellement mériter son nom !
- Une collègue de français veut faire emprunter des romans à ses 4e : je vais regarder le trombinoscope de la classe, et lui dire sur qui elle peut s'appuyer pour les emprunts et la connaissance du classement. Les collègues peuvent évidemment venir au cdi en mon absence.
- Les élèves Z choisis changent les livres en étude


Mon arrêt se prolonge, cela n'était pas prévu, et j'ai dû faire cesser l'ouverture le matin. Avec le recul, si j'avais pu anticiper cette prolongation, j'aurais ménagé mes montures : ouverture le lundi matin et le vendredi uniquement, par exemple, pour ne pas risquer les détériorations d'attitude des élèves. La première semaine, ils acceptent que le service soit réduit : on emprunte, on ne lit pas sur place, on imprime en catastrophe, mais on ne travaille pas sur ordinateur. Et avec le temps, ça se délite, et ni les collègues ni les Z n'ont à le gérer, ou à arriver en retard au cours suivant parce qu'ils ont dû batailler pour faire sortir tout le monde. Par ailleurs, demander un service ponctuel à un collègue est faisable, et il s’impliquera avec plaisir. L'engager sur le long terme est discourtois. Il peut aussi accepter tout en râlant in petto, ce qui n'est pas bon pour vos futurs relations.

Les 15 j de fonctionnement de tout ce petit monde m'ont permis d'observer les effets de tant d'années passées à essayer de rendre autonomes les élèves. C'est mon credo depuis toujours, m'effacer pour que le lieu soit le leur : et bien, ça me fait un bien fou de voir que ça marche, et que je ne me suis pas trompée de démarche !!!

Nul doute qu'à mon retour, je doive intégrer des nouveautés à mon fonctionnement : déléguer davantage de choses aux Z, prévoir un système comme dans les écoles démocratiques pour qu'ils se forment mutuellement. Arroser les plantes, vider la boîte de retour du CDI, celle de la vie scolaire, changer les livres de l'étude, enregistrer les présents dans cdistat, changer les sélections thématiques, pourront être des tâches déléguées plus officiellement.

Par contre, et ça fait aussi plaisir, d'une certaine façon, on voit qu'un adulte qui ne connaît pas bien le lieu, ses règles habituelles, son fonctionnement, ses objectifs... ne peut pas durablement gérer son ouverture. C'est aux élèves référents qu'il demande conseil, et il doit faire confiance aux autres élèves. Or un adolescent est un adolescent : même formé et autonome, il peut être tenté, à terme, d'abuser...  Même si cela ne se voit pas, le profdoc, habitué à son petit monde et conscient des enjeux d'autonomie et de régulation, effectue une pression constante. Bienveillante, mais constante.
Une ouverture du CDI pendant les heures d'étude, par un surveillant, par exemple, en se disant que c'est mieux que le CDI soit ouvert que fermé, serait donc contre productif, parce que cela ne s'appuyrait pas sur les bases d'autonomie mises en place habituellement. Les élèves adopteraient très vite une attitude identique à celle d'élèves en étude. Or on n'a pas encore entrepris suffisamment de réflexion sur les modes de travail en étude, pour dire que les deux espaces sont comparables quant aux attitudes.

Ce que je retire de cette expérience, c'est que tant qu'on est là avec eux, on ne se rend pas compte s'ils sont vraiment autonomes. Et eux-même n'en ont peut-être même pas conscience, d'ailleurs !
On ne voit pas non plus qu'ils ont créé des liens avec le lieu, que c'est bien le CDI du collège et des élèves, et pas le mien !!
Rien de tel donc que de s'absenter, pour voir les effets de son travail au quotidien !
Peut-être même que ça me donne l'idée que, quand on fait des exposés, les élèves devraient les présenter à d'autres qu'à nous... A suivre !

Vive les élèves ! Vive mes collègues comparses !
Vive la sciatique ! (enfin, j'aurais pu trouver moins douloureux, comme expérience !)

1 commentaire:

  1. C'est tout même extraordinaire : je pense que tu es une des rares personnes capable de transformer une sciatique en expérience positive.
    Concernant l'autonomie des élèves, je tâtonne beaucoup. Comme tu dis, l'ado aime abuser de la liberté qu'on lui offre, c'est toujours une question d'équilibre ( https://www.youtube.com/watch?v=pYrN9nxI0gM ). Je fais des petits pas chaque année, j'expérimente...
    Bon rétablissement : toutes les bonnes ont une fin !

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